Mesurage loi Carrez

Appartement comportant des lots regroupés

Mesurage de l’appartement (oui) ; notion d’unité d’habitation

Prise en considération des lots regroupés (non) 

 

mezzanine construite illicitement

prise en considération (oui)

 

 

Cassation civile 3e   13 avril 2005                                                           Rejet.

 

N° de pourvoi : 03-21004

N° de pourvoi : 03-21015

Cour d’appel de Paris, 02/10/2003

 

Joint les pourvois n° E 03-21.015 et T 03-21.004 ;

 

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que les époux X... ont acquis le 21 septembre 1999 de la SCI Vaneau-Clagny divers lots de copropriété pour une superficie mesurée de 164,05 mètres carrés ; qu’ils ont fait procéder ultérieurement à un mesurage dont il est ressorti que la superficie était de 116,78 mètres carrés après déduction de celle de six lots, chacun d’une surface inférieure à 8 mètres carrés, et d’un ajout non autorisé à une mezzanine intérieure ; qu’ils ont assigné le 20 juin 2000 le vendeur en diminution de prix et en remboursement des taxes ;

 

Sur le premier moyen :

 

Attendu que les époux X... font grief à l’arrêt de rejeter leur demande, alors, selon le moyen, que conformément à l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa rédaction issue de la loi du 18 décembre 1996 (”loi Carrez”), la superficie devant figurer sur l’acte de vente est la superficie de la partie privative de chaque lot de copropriété, et non celle de l’”unité d’habitation” éventuellement constituée par la vente simultanée de plusieurs lots ; que, selon les articles 4-1 et 4-2 du décret du 17 mars 1967 issus du décret du 23 mai 1997, seuls les lots d’une surface supérieure à 8 mètres carrés sont pris en compte pour le calcul de la surface devant figurer sur l’acte de vente ; qu’en l’espèce seuls les lots n° 14, 25 et 43 ont une surface supérieure à 8 mètres carrés, les autres lots ayant une surface inférieure, de sorte qu’ils ne pouvaient entrer en ligne de compte pour le calcul de la surface ; qu’en retenant néanmoins une surface globale de 164,05 mètres carrés résultant de la prise en compte de l’ensemble des lots, y compris des lots d’une surface inférieure à 8 mètres carrés, au motif inopérant de l’existence d’une “unité d’habitation”, la cour d’appel a violé les articles 46 de la loi du 10 juillet 1965, ainsi que les articles 4-1 et 4-2 du décret du 17 mars 1967 ;

 

Mais attendu qu’ayant relevé que la vente portait sur un appartement constitué par la réunion de plusieurs lots dont la partie privative de certains avait une surface inférieure à huit mètres carrés, la cour d’appel a exactement retenu que la superficie des parties privatives à prendre en compte pour l’application de l’article 46 précité étant celle de l’appartement, tel qu’il se présentait matériellement, les lots d’une surface inférieure à huit mètres carrés n’avaient pas à être exclus du calcul de la superficie ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

 

Sur le second moyen :

 

 

Attendu que les époux X... font grief à l’arrêt de rejeter leur demande alors, selon le moyen, que les surfaces illégalement créées ne sauraient entrer dans le calcul de la surface devant figurer sur l’acte de vente conformément à la loi du 18 décembre 1996 (”loi Carrez”) ; que les époux X... produisaient le rapport de M. de Y..., géomètre-expert, dont ils invoquaient les conclusions, et selon lequel le périmètre actuel du lot n° 14 n’était pas le même que celui désigné au règlement de copropriété, mais faisait apparaître l’existence d’une mezzanine construite illicitement, ne pouvant, à ce titre, figurer dans le mesurage du bien vendu ; qu’en se bornant, pour rejeter ce moyen, à énoncer que la superficie de la mezzanine, faisant partie intégrante du lot n° 14 selon le règlement de copropriété, devait être incluse dans le mesurage du bien vendu, sans répondre au moyen péremptoire des époux X... tiré de ce que les conclusions du géomètre-expert faisaient apparaître un agrandissement du périmètre du lot 14, pour l’ajout d’une nouvelle mezzanine construite illicitement, ne pouvant, à ce titre, figurer dans le mesurage du bien vendu, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

 

Mais attendu qu’ayant retenu, à bon droit, que la superficie de la mezzanine, qui faisait partie intégrante du lot n° 14 selon le règlement de copropriété, devait être incluse dans le mesurage du bien vendu, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

 

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE les pourvois ;

Condamne les époux X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des époux X...

 

 

 

COMMENTAIRES

 

Nombreux sont les appartements constitués par des chambres de bonnes regroupées. Ils comportent ainsi plusieurs lots de la copropriété, lorsque le réalisateur de l’opération n’a pas pris la peine de faire régulariser la réunion des lots. Cette régularisation est parfois malaisée lorsque l’appartement comporte également un bout de partie commune, voire un lot en déshérence dont le propriétaire n’a pu être retrouvé !

 

En l’espèce, le métreur avait négligé les particularités juridiques de la consistance de l’appartement. Les acquéreurs demandaient la rectification du mesurage et la réduction corrélative du prix.

Ils invoquaient une interprétation littérale des dispositions des articles 4-1 et 4-2 du décret du 17 mars 1967. Il est vrai que ces textes font référence à « la superficie de la partie privative d’un lot ou d’une fraction de lot ». En outre l’article D 4-2 précise que « les lots ou fractions de lots d’une superficie inférieure à 8 mètres carrés ne sont pas pris en compte pour le calcul de la superficie mentionnée à l’article 4-1 ».

Fort logiquement ils demandaient que soient exclues les superficies inférieures à 8 m² de six lots et  la réduction de la superficie de 164 à 116 mètres carrés !

 

Pour écarter ces prétentions, et sans doute au nom de la Morale, la Cour d’appel avait invoqué la notion d’unité d’habitation pour caractériser le bien à mesurer.

La Cour de cassation approuve les juges du fond mais exprime plus prudemment que  « la cour d’appel a exactement retenu que la superficie des parties privatives à prendre en compte pour l’application de l’article 46 précité étant celle de l’appartement, tel qu’il se présentait matériellement ».

La morale est sauve. On en est satisfait, mais il semble que la Commission relative à la copropriété, qui a pour mission notamment de présenter des suggestions au Législateur, aurait pu se saisir de l’affaire.

Les opérations immobilières de ce genre devraient être soumises à la régularisation préalable d’une réunion juridique des lots. Elle s’accompagnerait bien entendu de la purge des vices qui sont fréquents. Nous entendons ici les appropriations de parties communes (w-c communs et bouts de couloir). Ceci étant fait, la division de l’immeuble comporterait un nouveau lot constitué de manière cohérente.

La protection des acquéreurs y trouverait également son compte car il est fréquent que ceux ci se trouvent embarqués dans des litiges très compliqués pour n’avoir pas vu malice à l’acquisition d’un « appartement » comportant plusieurs lots. Le devoir de conseil du notaire n’a pas toujours été correctement respecté dans ces cas.

 

Dans la présente affaire, la demande de réduction de prix était également fondée sur le fait que le certificat d’origine  « faisait apparaître l’existence d’une mezzanine construite illicitement, ne pouvant, à ce titre, figurer dans le mesurage du bien vendu ». Sur ce point encore les acquéreurs ont été déboutés et pour la même raison. Construite illicitement ou non, la mezzanine existe !

 

 

 

 

 

Mise à jour

21/06/2006