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Responsabilité du syndic

Faute intentionnelle (oui)

Assureur ; exclusion de garantie en cas de faute intentionnelle

Opposabilité au syndic (oui)

 

 

 

Cour de cassation chambre civile 3 Audience publique du 9 janvier 2002

Décision attaquée : Cour d’appel de Rennes, du 4 avril 2000

N° de pourvoi: 00-17394

 

Rejet.

 

Sur le moyen unique :

 

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 4 avril 2000), que le nouveau syndic d’un immeuble en copropriété ayant découvert que la société civile immobilière Les Agenets Saint-François (SCI), propriétaire de plusieurs lots, était redevable d’un important arriéré de charges de copropriété, non recouvrées par le précédent syndic, M. X..., depuis lors en état de liquidation judiciaire, le syndicat des copropriétaires a assigné le mandataire-liquidateur de cet ancien syndic et son assureur, la société AXA assurances, en paiement de dommages-intérêts ;

 

 

Attendu que le syndicat des copropriétaires fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande à l’encontre de la société AXA, alors, selon le moyen :

 

1° que la règle de l’exclusion de garantie en cas de faute intentionnelle de l’assuré ne trouve pas à s’appliquer lorsque les circonstances précises de réalisation du dommage ne sont pas clairement déterminées, de sorte qu’en décidant que M. X... avait commis une faute intentionnelle, exclusive de la garantie au sens de l’article L. 113-1 du Code des assurances, en considérant que son attitude procédait d’une intention délibérée d’avantager la SCI dans laquelle il avait des intérêts, tout en relevant que les moyens ayant permis la dissimulation de la situation à la copropriété restaient en l’état indéterminés, les juges du fond n’ont pas légalement justifié leur décision au regard de ce texte ;

 

2° que le syndicat des copropriétaires a formulé très clairement, dans ses conclusions devant la cour d’appel, un moyen tiré de ce que M. X..., en sa qualité de syndic, n’avait jamais respecté les dispositions de l’article 11 du décret du 17 mars 1967 appliquant la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété, lequel prévoit que l’assemblée appelée à approuver les comptes doit disposer du compte des recettes et dépenses de l’exercice écoulé, d’un état des dettes et des créances et de la situation de trésorerie, ainsi que du montant du solde du compte bancaire, en insistant sur le fait que pour chacun des immeubles gérés par M. X..., seul le compte des dépenses de l’exercice écoulé avait été notifié aux copropriétaires, de sorte qu’en statuant sans répondre explicitement au moyen tiré du non-respect systématique de l’article 11 du décret du 17 mars 1967 caractérisant une pratique professionnelle fautive et non des moyens frauduleux destinés uniquement à dissimuler la situation de la SCI, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de réponse à conclusions, violant, de ce fait, les dispositions de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

 

3° que le syndicat des copropriétaires insistait, dans ses conclusions, que depuis 1981, M. X... n’était plus le gérant de la SCI et n’était qu’un associé minoritaire de celle-ci et qu’ainsi ses intérêts dans la SCI ne pouvaient en aucun cas expliquer son défaut de diligence quant au recouvrement des charges ; qu’en s’abstenant de répondre au moyen tiré de la fin du mandat de gérant de la SCI et de la détention d’une partie très minoritaire du capital de celle-ci, la cour d’appel a, une fois de plus, entaché sa décision d’un défaut de réponse à conclusions et violé les dispositions de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

 

 

Mais attendu qu’ayant constaté que M. X... était également gérant et associé de la SCI et qu’il s’était abstenu, pendant plusieurs années, de recouvrer les charges de copropriété dues par cette SCI, la cour d’appel, répondant aux conclusions, a souverainement retenu, par motifs propres et adoptés, que cette absence systématique de recouvrement procédait, de la part de M. X..., d’une intention délibérée d’avantager la SCI en tenant pendant cette même période les autres copropriétaires dans l’ignorance de la dette de la SCI, en leur dissimulant, par des moyens qui ne pouvaient apparaître que frauduleux, les effets de cette pratique et a pu en déduire qu’il y avait lieu de faire application des dispositions de l’article L. 113-1, alinéa 2, du Code des assurances ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

Par ces motifs :

 

 

REJETTE le pourvoi.

 

 

 

Commentaires 

 

Une précision d’emblée : nos observations sont ici consignées ce 15 octobre 2014, en prélude à la publication de quelques autres décisions judiciaires traitant également de la faute intentionnelle du professionnel assuré en RCP, et tout particulièrement des syndics de copropriété.

 

En l’espèce l’ancien syndic était associé minoritaire d’une SCI copropriétaire d’un lot ; il s’est avéré que les charges liées à ce lot demeuraient impayées et que le syndic n’avait rien fait pour obtenir le paiement des arriérés. Ce syndic a été placé en liquidation judiciaire. Le syndicat des copropriétaires a assigné le mandataire-liquidateur de cet ancien syndic et son assureur, la société AXA assurances, en paiement de dommages-intérêts

L’assureur AXA a invoqué le bénéfice de l’article L 113-1 du Code des Assurances pour refuser de garantir ce sinistre. Ce texte est ainsi conçu :

Article L113-1 Modifié par la Loi n°81-5 du 7 janvier 1981 - art. 28

« Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

« Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré. »

 

Les agissements de l’ancien syndic étaient particulièrement critiquables. M. X... était également gérant et associé de la SCI et qu’il s’était abstenu, pendant plusieurs années, de recouvrer les charges de copropriété dues par cette SCI.

Cette absence systématique de recouvrement procédait, de la part de M. X..., d’une intention délibérée d’avantager la SCI en tenant pendant cette même période les autres copropriétaires dans l’ignorance de la dette de la SCI, en leur dissimulant, par des moyens qui ne pouvaient apparaître que frauduleux, les effets de cette pratique.

La Cour d’appel a pu en déduire qu’il y avait lieu de faire application des dispositions de l’article L. 113-1, alinéa 2, du Code des assurances.

On ne sait pas tout de cette affaire. Car la carence de l’ancien syndic n’interdit de reprendre le recouvrement des sommes impayées. Il n’y aurait de préjudice constitué au titre des charges qu’en cas de prescription partielle de la créance ou tout autre élément vouant le recouvrement à l’échec en tout ou partie.

Il peut y avoir en outre un préjudice résultat des retards à l’encaissement et des frais irrépétibles de la procédure.

 

Nous profitons de cette publication pour faire le point de la garantie du syndicat pouf les fautes professionnelles commises par le syndic.

 

En droit commun la disposition de l’article L 113-1 al. 2 cette solution paraît évidente.

Mais, s’agissant des syndics de copropriété professionnels, soumis à une réglementation spécifique qui impose une garantie financière et une assurance couvrant la responsabilité civile professionnelle, la question se présente différemment. On songe instinctivement à l’impossibilité pour l’assureur d’opposer l’exclusion de garantie aux victimes, tenues seulement, après indemnisation, de le subroger à due concurrence pour obtenir le remboursement par l’assuré fautif.

Il est certain que les clauses de déchéance, seules, sont inopposables aux victimes. Les clauses d’exclusion de garantie sont opposables.

 

Autre interrogation : quelle est la différence entre faute intentionnelle et faute dolosive ?

Classiquement on distingue en premier lieu la faute intentionnelle (l’auteur du dommage a voulu le dommage) de la faute non intentionnelle (l’auteur du dommage ne voulait pas le dommage) ;

La faute intentionnelle est délictuelle quand la responsabilité n’est pas contractuelle

La faute intentionnelle est dolosive quand la responsabilité est contractuelle

Le régime de la faute intentionnelle a généré des controverses doctrinales et des courants prétoriens multiples et pérennes.

La faute dolosive a été celle dans laquelle l’auteur sait qu’il causera sûrement le dommage

Il y a eu ensuite confusion entre la faute intentionnelle et la faute inexcusable. C’est le cas dans lequel « l’agent, sacrifiant de façon délibérée et en pleine connaissance de cause, les intérêts de la victime, a pris volontairement un risque et accepté l’éventualité du préjudice ».

On est revenu à la définition simpliste : la faute intentionnelle implique uniquement la volonté de causer le dommage. La faute dolosive exige alors la mauvaise foi ou la fraude.

 

La faute lourde peut être distinguée facilement car elle n’est ni intentionnelle ni simplement volontaire. Elle st extraordinairement grossière. Tout se passe comme si l’auteur avait voulu le dommage ou l’inexécution du contrat alors que ce n’est pas le cas. Il y a faute lourde même si l’auteur n’en a pas prévu la réalisation.

 

La faute inexcusable est officiellement définie dans certains statuts légaux

Dans le domaine des transports aériens : faute considérée comme équipollente au dol ; faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation témérair sans raison valable.

Dans le droit de la Sécurité sociale : faute d’une gravité exceptionnelle, dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l’absence de toute cause justificative et se distinguant par le défaut d’élément intentionnel de la faute visée au §1er [de la loi de 1898]

 

 

Plus récemment, pour rester dans le cadre précis de l’application de l'article L. 113-1 du Code des assurances, on peut se référer à l’arrêt Cass. 1ère civ., 10 avril. 1996, n° 93-14571. La Cour de cassation a affirmé qu'« au sens de ce texte, la faute intentionnelle qui exclut la garantie de l'assureur est celle qui suppose la volonté de causer le dommage et pas seulement d'en créer le risque ».

Par ailleurs la Cour de cassation (Cass. 1ère civ., 4 juill. 2000, n° 98-10744) juge que « l'appréciation par les juges du fond du caractère intentionnel d'une faute, au sens de l'article L. 113-1 du Code des assurances, est souveraine et échappe au contrôle de la Cour de cassation »

Mais juge ensuite (Cass. 1ère civ., 27 mai 2003, n° 01-10478) que « la faute intentionnelle, au sens de l'art. L. 113- 1 du Code des assurances, qui implique la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu, n'exclut de la garantie due par l'assureur à l'assuré, condamné pénalement, que le dommage que l'assuré a recherché en commettant l'infraction »

On retrouve ainsi le cumul pour qu’il y ait faute intentionnelle

- d’un acte fautif volontaire ;

- de la volonté de provoquer le dommage effectivement survenu.

 

Un courant doctrinal emmené par les professeurs Bigot (Les limites du risque assurable RGAT 1978 p174), Kullman (RGDA 2006 p. 632) et Groutel (Resp. civ et assur. 2005, com. 370) soutient qu’il faudrait distinguer la faute intentionnelle subjective en matière délictuelle et la faute intentionnelle objective (ou faute dolosive) en matière contractuelle afin de respecter la dualité de faute énoncée par l’article.

Ces errements présentent l’inconvénient d’une relative occultation de la distinction figurant dans l’article L113-1 al. 2 du Code des assurances, entre la faute intentionnelle et la faute dolosive.

Il y a dans les deux cas acte fautif volontaire

Mais la faute dolosive aurait pour effet la suppression de l’aléa et non la recherche du dommage

 

La Cour de cassation (Cass. 2ème civ., 22 septembre 2005, n° 04-17232) juge ainsi qu’en commettant volontairement la faute, l’assuré a objectivement supprimé l’incertitude tenant à la survenance du dommage. Mais on trouve encore néanmoins des arrêts retenant les critères antérieurs (Civ. 2e, 20 mars 2008, n° 07-10499).

 

Ces derniers temps la jurisprudence semble à nouveau privilégier la volonté chez l’agent de créer le dommage (Civ. 2e, 1er juillet 2010 n° 09-10590 ). Dans des arrêts suivants (Civ. 3e 2 mars 2011, n° 09-72744) et  (Civ. 2e, 16 juin 2011 n° 10-21474), la Cour de cassation a jugé que « pour se prononcer sur une faute intentionnelle, une cour d'appel « n'avait pas à répondre à un moyen relatif à l'absence d'aléa, que ses constatations rendaient inopérant ».

 

Plus récemment, dans un arrêt du 30 juin 2011 (Civ. 2e, n° 10-23004), la Cour de cassation a considéré qu'avait commis une faute intentionnelle, au sens du droit des assurances, un syndic ayant souscrit une police d'assurance multirisque immeuble « dans des conditions de mauvaise foi telles que la nullité de la police était encourue et a été décidée par décision de justice ». De ce fait, il ne pouvait qu'être certain que son propre assureur de responsabilité civile professionnelle serait appelé en garantie. Au vu de ces éléments de fait relevés par la cour d'appel, la Cour de cassation a considéré que le syndic avait eu la volonté et la conscience de causer le dommage.

 

 

 

 

 

Mise à jour

16/10/2014