Partie commune à jouissance privative (jardin)

Construction d’une véranda

Autorisation de l’assemblée; majorité nécessaire

Acte de disposition sur une partie commune; Majorité de l’article 26 (oui)

 

Voir aussi, après le commentaire, l’arrêt de la Cour de cassation du 20 mars 2002

 

Cassation  civile 3e     8 novembre 2006                                                                 Cassation

Cour d’appel de Montpellier (1re chambre, section B) 20-07-2005 (+ rectificatif 08-11-2005)

N° de pourvoi : 05-19757

 

Donne acte à la SCI Coussimo du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la SCP Bagnouls-Pagnon-Bagnouls ;

 

Dit n’y avoir lieu de mettre hors de cause le syndicat des copropriétaires de la Petite Venise ;

 

 

Attendu, selon les arrêts attaqués (Montpellier, 20 juillet 2005 et rectificatif 8 novembre 2005), que la SCI Coussimo, propriétaire de lots dans un immeuble en copropriété, alléguant que le jardin de 118 mètres carrés sur lequel M. X..., propriétaire du lot n° 21, avait fait construire une véranda était une partie commune, a assigné le syndicat des copropriétaires de la résidence “la Petite Venise” au Barcarès, en annulation de la décision n° 10 de l’assemblée générale du 29 juillet 1999 ayant autorisé cette construction ;

 

Sur premier moyen :

 

Vu les articles 1351 du code civil et 482 du nouveau code de procédure civile ;

 

Attendu que le jugement, qui se borne, dans son dispositif, à ordonner une mesure d’instruction, n’a pas, au principal, autorité de la chose jugée ;

 

Attendu que pour dire que le jardin de 118 mètres carrés est une partie commune réservée à l’usage exclusif du lot n° 21, l’arrêt retient qu’il a été jugé dans un arrêt du 23 septembre 2003 que la Cour devait apprécier si ce jardin était une partie privative ou une partie commune affectée à la jouissance du lot de M. X..., qu’il résultait en tous cas des documents produits que le lot n° 21 ne comportait que la jouissance d’un jardin, qui était donc une partie commune à usage privatif ;

 

Qu’en statuant ainsi, alors que cet arrêt se bornait dans son dispositif à ordonner une mesure d’instruction, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 

 

Et sur le second moyen :

 

Vu l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 ;

 

Attendu que les décisions des assemblées générales de copropriétaires relatives aux actes de disposition autres que ceux visés à l’article 25 d de la loi, doivent être prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix ;

 

Attendu que pour débouter la SCI Coussimo de sa demande en annulation de la décision n° 10 de l’assemblée générale du 29 juillet 1999, autorisant la construction de la véranda à la majorité de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965, l’arrêt retient qu’il s’agit d’une construction sur une partie commune réservée à l’usage exclusif du lot 21, pour laquelle la majorité de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 suffit ;

 

Qu’en statuant ainsi, tout en constatant que cette construction devait être réalisée sur les parties communes, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 20 juillet 2005 rectifié le 8 novembre 2005, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier, autrement composée ;

 

Condamne, ensemble, M. X... et le syndicat des copropriétaires de la résidence la Petite Venise aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes de M. X... et du syndicat des copropriétaires de la résidence la Petite Venise ;

 

 

Commentaire:

 

La jurisprudence relative aux prérogatives d’un copropriétaire bénéficiant d’un droit de jouissance exclusif sur une partie commune, notamment un jardin, est demeurée incertaine pendant de longues années. Elle lui a reconnu le droit de placer sans autorisation des installations amovibles dès lors qu’elles ne pouvaient être considérées comme des constructions et n’affectaient pas l’aspect extérieur ou l’harmonie de l’immeuble.

S’agissant de constructions, la jurisprudence a considéré que la réalisation de certaines installations «légères» exigeait une autorisation de l’assemblée donnée dans les conditions prévues à l’article L 25 b. Il en été ainsi pour une verrière [1] , pour un jardin d’hiver [2]  et pour une véranda [3] .

 

La Cour de cassation, dans un arrêt du 20 mars 2002 [4] , reproduit ci-après, a mis un terme à ces errements. Le présent arrêt confirme que la solution donnée en 2002 est solidement fixée.

L’arrêt du 20 mars 2002 énonçait que «l’attribution d’un droit de jouissance privatif n’avait pas pour effet de modifier la nature juridique de l’élément de l’immeuble auquel ce droit s’appliquait et qu’un copropriétaire ne pouvait appréhender une partie commune à des fins personnelles sans y avoir été autorisé par une décision explicite de l’assemblée générale des copropriétaires ne pouvant être prise qu’à la majorité de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965, ladite autorisation impliquant une modification du règlement de copropriété existant en tant qu’il dérogeait aux modalités de jouissance des parties communes initialement convenues ou la réalisation d’un acte de disposition sur les parties communes».

Or, dans cette espèce, l’assemblée avait ratifié a posteriori la construction d’une véranda moyennant le versement d’une indemnité, par une décision qui n’avait pas été prise à la majorité de l’article 26.

 

Le droit de jouissance exclusif portant sur un jardin dont le terrain est partie commune s’étend sans nul doute au volume d’espace supérieur humainement exploitable. Mais l’enveloppement durable d’une partie de ce volume dans une construction, fut-elle légère, constitue un acte d’appropriation dépassant les limites de la simple jouissance. Il en est ainsi a fortiori quand la véranda est matériellement liée à la partie privative du lot dont elle constitue alors une extension.

L’arrêt du 20 mars 2002 ne se borne à sanctionner l’irrégularité. Il indique de plus la procédure à suivre pour aboutir à une modification régulière du droit du copropriétaire intéressé:

Soit modification de la clause dérogatoire du règlement de copropriété en ce qui concerne les modalités de jouissance des parties communes

Soit acte de disposition sur la partie commune en cause.

Dans les deux cas, la décision de l’assemblée doit être prise à la majorité prévue par l’article 26.

 

Da manière lapidaire, l’arrêt relaté renvoie implicitement à ces remarques et dispositions.

 

 

 

Cassation  civile 3e   20 mars 2002                                                             Rejet.

Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 27-05-1999

N° de pourvoi : 00-17751

 

 

Sur le moyen unique :

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que les consorts Bremond, copropriétaires de l’immeuble la Résidence Prado Parc et titulaires d’un droit de jouissance privatif sur un jardin qualifié de partie commune par le règlement de copropriété, ont, sans autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires, édifié une véranda sur cette parcelle ; que le 1er février 1996, ladite assemblée a décidé d’accepter la proposition des consorts Bremond mettant fin au litige relatif à ces travaux ; que M. Wery et treize autres copropriétaires ont assigné le syndicat des copropriétaires de cet immeuble en annulation de cette résolution ; que les consorts Bremond sont intervenus volontairement en cause d’appel ;

 

Attendu que les consorts Bremond font grief à l’arrêt d’annuler la résolution litigieuse, alors, selon le moyen :

 

1° que la cour d’appel, nonobstant le jugement de première instance et les écritures des intimés, ne relève à aucun moment que l’atteinte qui aurait été apportée aux parties communes par les aménagements litigieux était suffisamment importante pour justifier la majorité de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 ; qu’ainsi l’arrêt n’est pas légalement justifié au regard dudit texte, violé ;

 

2° qu’en toute hypothèse ne sont adoptées qu’à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant l’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, et conformes à la destination de celui-ci ; qu’en ne se prononçant pas pour infirmer le jugement entrepris sur le point de savoir si les travaux en cause susceptibles d’affecter les parties communes ou l’aspect extérieur, étaient conformes à la destination de l’immeuble, la cour d’appel ne justifie pas légalement son arrêt au regard des articles 25 b et 26 de la loi du 10 juillet 1965, violés ;

 

3° qu’en tout état de cause, la cour d’appel ne répond pas au moyen déjà retenu par les premiers juges et repris devant la cour d’appel selon lequel il y avait lieu de faire application de l’article 25, dernier alinéa, de la loi du 10 juillet 1965 et statuer à la majorité de l’article 24 ; qu’ainsi ont été méconnues les exigences de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

 

 

Mais attendu qu’ayant constaté que les travaux avaient été réalisés par les consorts Bremond par une emprise sur le jardin, partie commune dont ces copropriétaires n’avaient que la jouissance privative, emprise ayant permis un agrandissement de leurs parties privatives et relevé, à bon droit, que l’attribution d’un droit de jouissance privatif n’avait pas pour effet de modifier la nature juridique de l’élément de l’immeuble auquel ce droit s’appliquait et qu’un copropriétaire ne pouvait appréhender une partie commune à des fins personnelles qu’à la condition d’y avoir été autorisé par une décision explicite de l’assemblée générale des copropriétaires ne pouvant être prise qu’à la majorité de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965, ladite autorisation impliquant une modification du règlement de copropriété existant en tant qu’il dérogeait aux modalités de jouissance des parties communes initialement convenues ou la réalisation d’un acte de disposition sur les parties communes, la cour d’appel, qui a retenu que la résolution de l’assemblée générale des copropriétaires acceptant a posteriori de tels travaux moyennant le versement d’une indemnité, était soumise aux conditions de vote dudit article 26, a légalement justifié sa décision ;

 

Par ces motifs :

 

REJETTE le pourvoi.

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

11/02/2007

 

 

 



[1] CA Paris 05/11/1993 Administrer avril 1994 p. 64

[2] CA Paris 13/01/1994 D 1994 somm. 126

[3] CA Paris 10/12/1997

[4] Cass. civ. 3e 20/03/2002 Loyers et copropriété 2002 n° 159