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Liberté
religieuse et copropriété Installation
temporaire de « souccahs » sur les balcons Atteinte aux
clauses dU règlement de copropriété Atteinte fautive
(OUI) Cassation civile 3e 8 juin 2006 Rejet Cour d’appel d’Aix-en-Provence (4e chambre civile A)
18-01-2005 N° de pourvoi : 05-14774 Attendu, selon l’arrêt attaqué, que les époux X...,
propriétaires d’un appartement, ont fait assigner le syndicat des
copropriétaires Les Jardins de Gorbella à Nice en annulation de la résolution
de l’assemblée générale en vertu de laquelle le syndic de copropriété les
avait assignés en référé afin que soit retirée la construction qu’ils avaient
édifiée en végétaux sur leur balcon pour une semaine à l’occasion de la fête
juive des cabanes ; Sur le premier moyen, ci-après annexé : Attendu qu’ayant constaté que la communication de certaines
pièces et le dépôt des conclusions étaient intervenus le jour même et
postérieurement à l’ordonnance de clôture, sans permettre à la partie adverse
d’être en mesure d’y répondre utilement, et qu’aucun motif grave survenu
ultérieurement n’était invoqué pour justifier la demande de révocation de
l’ordonnance, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à des
recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié
sa décision de ce chef ; Sur les deuxième et troisième moyens, réunis : Attendu que les époux X... font grief à l’arrêt de les
débouter de leur demande, alors, selon le moyen : 1 / que le règlement de copropriété ne peut imposer aucune
restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient
justifiées par la destination de l’immeuble telle qu’elle est définie aux
actes, par ses caractères ou sa situation ; que les époux X... faisaient
valoir que l’immeuble dans lequel ils étaient propriétaires d’un appartement
étant à usage d’habitation, l’édification sur leur balcon, pendant une
semaine, d’une cabane précaire et temporaire leur permettant de respecter les
prescriptions de la religion juive, sans créer de nuisances ou de risques
pour les autres copropriétaires, était conforme à la destination de
l’immeuble ce dont il résultait que la résolution de l’assemblée générale des
copropriétaires mandatant le syndic pour agir en justice afin d’obtenir
l’enlèvement de cette cabane devait être annulée comme restreignant leur
droit d’exercice d’un culte sans être justifiée par la destination de
l’immeuble ; qu’en jugeant que l’assemblée générale des copropriétaires était
en droit d’adopter la résolution litigieuse au seul motif que les époux X...
avaient méconnu le règlement de copropriété, sans rechercher, comme il le lui
était demandé, en quoi la restriction ainsi imposée aux droits d’un
copropriétaire était justifiée par la destination de l’immeuble, la cour
d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 8, alinéa
2, de la loi du 10 juillet 1965 ; 2 / que les clauses d’un règlement de copropriété ne
peuvent avoir pour effet de priver un copropriétaire de la liberté d’exercice
de son culte, en l’absence de toute nuisance pour les autres copropriétaires
; qu’en refusant à des copropriétaires le droit d’exercer leur culte par
l’édification sur leur balcon, pendant une semaine, d’une cabane précaire et
temporaire, au seul motif que cette construction serait contraire aux
dispositions du règlement de copropriété, la cour d’appel a violé les
articles 9 du Code civil et 9 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; 3 / qu’ils avaient fait valoir que la résolution de
l’assemblée générale des copropriétaires mandatant le syndic pour agir en
justice afin d’obtenir l’enlèvement de la cabane édifiée temporairement pour
l’exercice de leur culte avait été adoptée à partir d’un rappel tronqué du
règlement de copropriété et dans le seul but de leur nuire ; qu’en
s’abstenant de rechercher si l’adoption de cette résolution ne constituait
pas un abus de droit, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au
regard de l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 ; Mais attendu, d’une part, que n’ayant pas soutenu devant
les juges du fond que le règlement de copropriété ne pouvait imposer aucune
restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient
justifiées par la destination de l’immeuble, le moyen est nouveau, mélangé de
fait et de droit ; Attendu, d’autre part, qu’ayant retenu à bon droit que la
liberté religieuse, pour fondamentale qu’elle soit, ne pouvait avoir pour
effet de rendre licites les violations des dispositions d’un règlement de
copropriété et relevé que la cabane faisait partie des ouvrages prohibés par
ce règlement et portait atteinte à l’harmonie générale de l’immeuble
puisqu’elle était visible de la rue, la cour d’appel, qui n’était pas tenue
de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a
exactement déduit que l’assemblée générale était fondée à mandater son syndic
pour agir en justice en vue de l’enlèvement de ces objets ou constructions ; D’où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n’est
pas fondé pour le surplus ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne les époux X... aux dépens ; Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile,
condamne les époux X... à payer au syndicat des copropriétaires Les Jardins
de Gorbella à Nice la somme de 2 000 euros ; COMMENTAIRE Certaines juridictions ont déjà été invitées à se
prononcer sur l’incompatibilité des règles de la copropriété avec les
prescriptions rigoureuses de la religion juive. Ainsi la présence de
dispositifs électriques de contrôle d’accès apporte une grande gêne aux
pratiquants stricts puisqu’ils leur est interdit de les utiliser le jour du
Sabbat. Certains syndicats de copropriétaires leur ont refusé l’autorisation
de faire installer, même à leurs frais, un dispositif mécanique de
suppléance. La difficulté était ici d’un autre ordre. A
l’occasion de la fête juive de « soukkot » (dite des Tabernacles),
dont la durée est de neuf jours, l’usage
veut que l’on construise une hutte (soukka) de dimensions modestes. De
nos jours, les copropriétaires ou locataires juifs occupant un appartement
disposant d’une terrasse ont pris l’habitude d’installer une
« soukka » sur leur terrasse. Cette initiative est parfois
contestée par les autres copropriétaires. C’est la difficulté qui était
soumise ici à la Cour de cassation. La défense des intérêts des demandeurs au pourvoi, avait
été perturbée. D’une part ils avaient communiqué des pièces et conclu
tardivement devant la Cour d’appel qui avait écarté les pièces aussi bien que
les conclusions. D’autre part, ils ont soutenu devant la Cour de cassation un
moyen qui n’avait pas été invoqué devant la Cour d’appel, d’où son
irrecevabilité devant la Haute juridiction. La Cour d’appel avait retenu que la liberté religieuse, pour fondamentale qu’elle soit, ne pouvait avoir pour effet de rendre licites les violations des dispositions d’un règlement de copropriété. Elle avait relevé que la cabane (soukka) faisait partie des ouvrages prohibés par ce règlement et portait atteinte à l’harmonie générale de l’immeuble puisqu’elle était visible de la rue et jugé en conséquence que la « soukka » ne pouvait être installée sur la terrasse. Sur ces points, la Cour de cassation approuve la Cour
d’appel et rejette le pourvoi. La même question avait été soumise à la Cour suprême du
Canada, statuant un arrêt de la Cour du Québec. Elle a adopté la solution
contraire par un arrêt du 30
juin 2004, faisant prévaloir la liberté religieuse sur les dispositions
de la « déclaration de copropriété » qui est l’équivalent, à cet
égard, de notre règlement de copropriété. L’objectivité commande de dire que l’arrêt canadien a été rendu à une courte majorité, après un débat de haute tenue. On ne peut affirmer que la décision française aurait été différente si le moyen fondé sur l’impossibilité qu’aurait le règlement de copropriété de pouvoir imposer une restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble avait été recevable. Il est regrettable, tant pour les demandeurs au pourvoi, que pour les juristes plus généralement, que ce moyen ait été écartée du débat. Sur le plan des relations sociales, il est aussi regrettable que cette gêne certainement modeste ait pu générer une action contentieuse aussi lourde. Il est vrai, néanmoins, que les copropriétés auraient fort à faire à vouloir composer avec les différentes religions. On peut donc admettre que les Juges veillent à sauvegarder le principe de la « laicité » des copropriétés et laissent aux copropriétaires la faculté de manifester leur bienveillante tolérance dans une mesure propre à écarter toute sensation de discrimination malveillante. |
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