Responsabilité du syndic

Police de groupe  (assurance rcp du syndic)

Coassurance    Syndic non informé

Inopposabilité au syndicat de l’existence d’un coassureur

Défaut de solidarité des apériteurs  Incidence (non)

 

Cassation civile 2e  8 février 2006                                                                                      Rejet

Cour d’appel de Paris (23e chambre, section B) 23/09/2004

N° de pourvoi : 04-20420

 

 

 

Sur le moyen unique :

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que lors de son assemblée générale du 10 octobre 1991, le syndicat des copropriétaires d’un immeuble a décidé du remplacement d’un bow-window, les travaux étant confiés par le Cabinet X..., syndic de la copropriété, à la société STMD ; qu’en 1998, des locataires de l’immeuble se sont plaints d’un défaut d’étanchéité de la nouvelle structure ; que le syndicat des copropriétaires, après avoir assumé la réfection totale du bow-window, sans pouvoir se retourner contre la société STMD, mise en liquidation judiciaire, a assigné en responsabilité et indemnisation, le 6 juin 2001, devant le tribunal de grande instance, le Cabinet X... pour n’avoir pas souscrit une assurance dommages ouvrage qui aurait permis à la copropriété d’obtenir la remise en état immédiate de l’ouvrage endommagé, nonobstant toute recherche de responsabilité ; qu’en cours de procédure, la société AGF, assureur de responsabilité civile professionnelle du Cabinet X... l’a informé que, la police ayant été souscrite en coassurance, la société AGF entendait limiter sa garantie à 60 %, le complément restant à charge de l’assuré compte tenu de la mise en liquidation judiciaire de la société Independent insurance, son coassureur ;

 

Attendu que la société AGF fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée, en sa qualité de coassureur et apériteur, à garantir intégralement le Cabinet X..., adhérent à une police d’assurance de groupe, de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre au profit du syndicat des copropriétaires sans qu’il ait à supporter la franchise contractuellement prévue, alors, selon le moyen :

 

1 / que les exceptions auxquelles l’assureur est censé renoncer en assurant la direction du procès, en ce qu’elles se rapportent aux garanties souscrites, ne concernent ni la nature des risques garantis ni le montant de cette garantie ; que la limitation de la garantie à la quote-part de la coassurance porte sur le montant de la garantie de l’assureur ; qu’en considérant que la société AGF avait renoncé à se prévaloir de la limitation de sa garantie à 60 % de l’indemnité d’assurance pour avoir assuré la défense de son assuré sans émettre de réserves sur ce point, la cour d’appel a violé l’article L. 113-17 du Code des assurances ;

 

2 / que la solidarité entre coassureurs ne se présume pas et ne peut résulter que des énonciations de la police ; que, sauf à être chargé d’un mandat l’investissant du pouvoir de représenter son ou ses coassureurs tant activement que passivement dans toutes les obligations du contrat, notamment, dans celle de régler les sinistres, l’apériteur d’une opération de coassurance est tenu, non pour le tout avec les autres assureurs, mais seulement à hauteur de sa participation ; qu’en constatant l’existence d’un tel mandat dont la société AGF aurait été chargée et ce, au vu d’affirmations générales et abstraites et sans se fonder sur les énonciations de la police ou d’autres circonstances que celle inopérante tirée de l’absence de clause de limitation ou d’exclusion de la solidarité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1984 du Code civil ;

 

3 / que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’en relevant, pour condamner la société AGF à garantir intégralement le Cabinet X... que rien n’indiquait que la coassurance ait été portée à la connaissance de l’assuré sans inviter les parties à s’expliquer sur ce moyen relevé d’office, la cour d’appel a violé l’article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

 

4 / qu’en tout état de cause il appartient au souscripteur d’une assurance de groupe de remettre à l’adhérent la notice indiquant de façon claire et détaillée les garanties souscrites, aucune obligation n’incombant à l’assureur à ce titre ; qu’en reprochant à la société AGF de ne pas avoir porté à la connaissance du Cabinet X... l’existence de la coassurance et de la franchise alors que cette obligation d’information incombait à la seule société AFCM Verspieren, souscripteur du contrat, par la remise de la notice, la cour d’appel a violé l’article L. 140-4 du Code des assurances ;

 

Mais attendu que, répondant aux écritures du Cabinet X... qui soutenait n’avoir été informé que par lettre du 9 octobre 2003, que la société AGF ne le garantirait qu’à hauteur de 60 % au motif que la police “précitée avait été souscrite en coassurance avec la société Independent, la société AGF étant apériteur”, l’arrêt retient que l’exemplaire de la police versé aux débats par la société AGF mentionnait que la part de la société AGF était de 60 % et celle de la société Independent insurance de 40 % ; que rien n’indiquait que le partage ait été porté à la connaissance de l’assuré, puisque la société AGF, qui n’a pu produire le bulletin d’adhésion à la police rempli par le Cabinet X..., s’est bornée à verser aux débats un bulletin d’adhésion vierge ;

 

Que de ces constatations et énonciations, la cour d’appel a pu déduire l’ignorance par le Cabinet X..., lors de la souscription, d’une répartition entre les coassureurs et condamner la société AGF à supporter intégralement le montant de l’indemnité d’assurance ;

 

D’où il suit que le moyen, qui manque en fait dans ses troisième et quatrième branches, n’est pas fondé pour le surplus ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne la société Assurances générales de France aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Assurances générales de France ; la condamne à payer au Cabinet X... la somme de 2 000 euros et la même somme au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis 6, avenue Mac Mahon ;

 

 

COMMENTAIRE :

 

L’arrêt relaté nous montre que la conjonction d’une organisation professionnelle mettant à la disposition de ses adhérents une police groupe d’assurance de responsabilité civile professionnelle et d’un courtier d’assurance important ne suffit pas pour procurer à un syndicat de copropriétaires la sécurité juridique qu’il peut légitimement souhaiter.

Le syndic a omis de souscrire une assurance dommage ouvrage pour des travaux. Ceux ci ayant été mal exécutés, le syndicat se trouve dans l’obligation de faire exécuter les travaux de réparation et de les payer. Il assigne son syndic pour mettre en cause sa responsabilité et obtenir l’indemnisation de son préjudice. Le syndic est conduit à effectuer une déclaration de sinistre à son assureur de responsabilité civile professionnelle (AGF).

La compagnie AGF fait connaître au syndic que la police groupe comporte une coassurance. AGF est tenu pour 60 % et une autre compagnie pour 40 %. AGF refuse donc de payer cette dernière quote-part et conteste même son rôle d’apériteur (celui des coassureurs qui est chargé d’encaisser les primes et de régler les sinistres.)

C’est en toute bonne foi, semble-t-il, que le syndic a soutenu qu’il n’était pas informé de l’existence d’un coassureur. AGF n’a pu apporter preuve contraire.

La Cour d’appel a retenu ce défaut d’information de l’assuré pour condamner AGF au paiement de la totalité de l’indemnité. Elle est pleinement approuvée par la Cour de Cassation.

 

Les enseignements à tirer de l’arrêt sont d’ordre purement pratiques.

Il n’est pas nécessaire d’insister sur l’importance de l’assurance RCP pour un syndic professionnel. Elle est imposée par la loi et le syndic doit en faire mention dans ses documents professionnels et notamment dans le contrat de syndic. Il doit produire une attestation d’assurance pour la délivrance de la carte professionnelle.

Le défaut d’information au sujet de la coassurance est imputable sans doute au courtier, peut-être aussi à l’organisme professionnel souscripteur principal de la police groupe, ce qui est soutenu par AGF.

Plus surprenant encore : il semble que la désignation de l’apériteur ne figurait pas dans la police !

On peut regretter que ces malencontreuses légèretés aient conduit toutes les parties en cause jusqu’au sommet de la hiérarchie judiciaire.

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

11/11/2006