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Représentant légal d’une personne morale

Régime juridique de la fonction

Absence d’un régime propre au « mandataire social »

Application par défaut des règles du mandat civil

 

 

 

Cassation civile 1e  5 février 1991

Tribunal d’instance de Gray, du 27 février 1987

N° de pourvoi: 88-11351

Cassation.

 

 

 

Donne défaut contre M. Claude X... ;

 

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

 

 

Vu l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 ;

 

 

Attendu que, par acte du 2 décembre 1986, l’Association communale de chasse agréée (ACCA) d’Etuz a assigné M. Claude X..., qui avait été son président du 10 mai 1980 au 6 juin 1986, date de la mise en place d’un nouveau bureau, en responsabilité et en paiement de diverses sommes dont il n’avait pu justifier de l’emploi dans l’exercice de son mandat ;

 

Attendu que, pour débouter l’ACCA de sa demande, le jugement attaqué a retenu que le président d’une association est son représentant légal investi à ce titre d’obligations spécifiques dérivant du contrat d’association, mais non pas son mandataire au sens des articles 1984 et suivants du Code civil relatifs au contrat de mandat, et que l’action est par conséquent mal fondée en droit ;

 

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que le président d’une association est un mandataire de cette personne morale dont les pouvoirs sont fixés conformément aux dispositions de la convention d’association, le Tribunal a violé le texte susvisé ;

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 27 février 1987, entre les parties, par le tribunal d’instance de Gray ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d’instance de Lure

 

 

Titrages et résumés : ASSOCIATION - Président - Qualité - Mandataire de l’association - Pouvoirs - Etendue - Fixation par la convention d’association Selon l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901, le président d’une association est un mandataire de cette personne morale dont les pouvoirs sont fixés conformément aux dispositions de la convention d’association.

 

Textes appliqués :

Loi 1901-07-01 art. 5

 

 

 

Commentaire :

 

C’est parfois dans une décision judiciaire de rang modeste que l’on trouve la marque d’un esprit juridique de grande qualité.

 

C’est bien le cas en l’espèce pour le juge d’instance de Gray.

 

Il est vrai que le représentant légal d’une personne morale ne peut pas être  « son mandataire au sens des articles 1984 et suivants du Code civil relatifs au contrat de mandat ».

Le régime fondamental d’une personne morale ne peut être qu’un régime fixé par la loi.

Il est vrai qu’exceptionnellement c’est la jurisprudence qui proclame qu’un groupement de personnes est doté de la personnalité morale alors qu’il n’en a pas été explicitement doté par la loi. Par un arrêt du 28 janvier 1954 [1] , la Cour de cassation a jugé que « la personnalité civile n’est pas une création de la loi ; elle appartient en principe, à tout groupement pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, dignes, par suite, d’être reconnus et protégés ; que si le législateur a le pouvoir, dans un but de haute police, de priver de la personnalité civile telle catégorie déterminée de groupements, il en reconnaît, au contraire, implicitement mais nécessairement l’existence en faveur d’organismes créés par la loi elle-même avec mission de gérer certains intérêts présentant ainsi le caractère de droits susceptibles d’être déduits en justice. »

La formulation de la règle est remarquable. Il s’agissait en l’espèce d’un comité d’établissement. La solution ne contredit pas notre affirmation initiale car elle ne s’applique, dans la pratique, que pour réparer une omission manifeste du législateur. Cet arrêt a permis de mettre fin à la controverse sur la personnalité morale du syndicat des copropriétaires, non proclamée par la loi du 28 juin 1938.

Il est complété, dans le cadre impératif du régime légal, par une convention sociale : les statuts, le règlement de copropriété ou tout autre convention adéquate.

Le statut du représentant légal est fixé essentiellement par le régime légal. La convention sociale ne peut y ajouter que des modalités nécessaires mais secondaires.

 

 

Le représentant légal est également chargé d’une partie au moins de l’administration de la personne morale et de la gestion de son patrimoine. A ce titre, également, les dispositions du régime légal de la personne morale sont prépondérantes. Celles de la convention sociale ne sont qu’accessoires.

 

Pour caractériser cette situation particulièrement, on dit que le représentant légal d’une personne morale est un mandataire social.

 

Les auteurs du Code civil ont ignoré la personnalité morale. On n’en trouve encore de nos jours  qu’une modeste trace dans l’article 1842 issu de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 sur les sociétés.

Le droit français ne comporte aucune disposition relative au statut juridique du mandataire social.

Il ne connaît les conventions collectives que dans le cadre du droit du travail. A ce propos le dictionnaire du droit privé de Serge Braudo indique :  « En droit du travail, on nomme « convention collective » un accord conclu entre des employeurs ou une organisation patronale et un ou plusieurs syndicats de salariés en vue de régler les conditions d'emploi des travailleurs et les garanties sociales qui y sont attachées. »

Cette définition est parfaitement exacte mais ne fait pas apparaître le particularisme remarquable d’une convention qui déroge au principe de l’effet relatif des conventions proclamé par l’article 1165 du Code civil : Les clauses de la convention collective s’appliquent à des employeurs et salariés qui n’ont pas participé à son élaboration.

 

Il manque au droit privé français un pan entier : celui des relations juridiques collectives.

 

La Cour de cassation ne pouvait que casser la décision du Juge d’instance de Gray, qui a eu le grand mérite de faire apparaître une lacune de notre législation, qui n’a pas encore été comblée.

 

 

 

 

 

Mise à jour

10/09/2009

 

 

 

 

 



[1]  Cass. 28/1/1954 D. 1954 217, note Levasseur ; JCP 1954 II 7978 note Lemoine