Autorisation au syndic d’agir en justice

Action en responsabilité décennale contre les constructeurs

liste  exhaustive des désordres dans la décision d’autorisation ; nécessité (oui)

Renvoi à un rapport d’expertise judiciaire ; suffisance (non)

Validité de l’autorisation d’agir (non)  Recevabilité de l’action (non)

 

 

Cassation civile 3e  4 juillet 2007                                                                                         Rejet

Cour d’appel d’Aix-en-Provence (3e chambre civile) 24-11-2005

N° de pourvoi : 06-12801

 

 

Sur le second moyen :

 

Attendu que le syndicat des copropriétaires Closerie Michelet fait grief à l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 novembre 2005) de déclarer irrecevable, pour défaut d’habilitation régulière de son syndic à agir, sa demande en réparation de désordres affectant l’immeuble en copropriété, alors, selon le moyen, que le syndic de copropriété peut agir en justice au nom du syndicat s’il y a été autorisé par une décision de l’assemblée générale ; qu’en déclarant que l’action formée par le syndic était irrecevable car les résolutions votées par l’assemblée générale des copropriétaires ne désignaient pas de façon précise les désordres en cause, tout en relevant que cette même assemblée avait donné mandat au syndic de poursuivre les procédures relatives aux désordres décrits dans le pré-rapport de l’expert judiciaire et dont l’avocat qui en était chargé avait rendu compte à l’assemblée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 55 du décret du 17 mars 1967 ;

 

Mais attendu qu’ayant constaté que les résolutions des assemblées générales des 4 juillet 1995 et 27 juin 1996 donnaient mandat au syndic pour poursuivre les procédures en cours “aux fins de réparation des désordres visés dans la mission confiée à M. X...” et “à la suite de pré-rapport X...”, la cour d’appel, qui n’a pas relevé que l’avocat qui en était chargé avait rendu compte des procédures à l’assemblée, a légalement justifié sa décision en retenant que le syndicat ne justifiait ni de “la mission confiée à M. X...”, ni du “pré-rapport X...” et encore moins que ces pièces aient été communiquées aux copropriétaires lors des assemblées générales ;

 

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le premier moyen qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne le syndicat des copropriétaires Closerie Michelet aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette toutes les demandes ;

 

 

 

 

commentaires

 

L’arrêt s’inscrit dans la ligne d’un courant de jurisprudence protégeant abusivement les « constructeurs ».

 

D’une manière générale, tout acte introductif d’une action en justice doit comporter des indications précises concernant la nature et l’objet de le demande formulée. Il est bien naturel que le défendeur soit suffisamment informé à cet égard.

 

Cette règle générale présente des aspects particuliers dans le cas d’une action en responsabilité décennale dirigée par le maître d’ouvrage contre les constructeurs.

Cette action a la vertu d’interrompre le délai de la prescription décennale. L’interruption du délai fait courir un nouveau délai de dix années si la demande est reconnue bien fondée. Compte tenu de la gravité de l’effet interruptif, il est apparu nécessaire d’en limiter la portée aux désordres constatés. S’ils affectent exclusivement la couverture du bâtiment, le délai continuera de courir pour les autres parties du bâtiment.

Il est donc imposé au demandeur d’énumérer avec précision, dans l’assignation, les désordres qu’il invoque [1]. D’une part le débat judiciaire portera sur l’intégralité des parties visées de la construction. D’autre part, le délai décennal continuera à courir pour les autres parties de la construction. Enfin, les constructeurs défendeurs seront informés avec précision au sujet de la nature et de l’importance des désordres allégués. Ils pourront préparer leur défense.

 

Dans le cadre des rapports entre le maître de l’ouvrage et les constructeurs, l’obligation d’énumérer les désordres est donc tout à fait justifiée. Elle s’impose bien entendu à tout syndicat de copropriétaires demandeur.

 

 

Toujours dans le cas d’un syndicat de copropriétaires, on la retrouve plus curieusement dans le régime particulier de l’autorisation d’agir en justice prévue par l’article 55 du décret du 17 mars 1967 : « Le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale ». En l’absence d’indication spécifique de majorité, l’autorisation est donnée à la majorité de l’article 24. Par ailleurs le texte impose au syndic de rendre compte à la prochaine assemblée générale des actions introduites.

A partir de ce texte assez modeste, la jurisprudence a élaboré un régime de l’autorisation d’agir extraordinairement minutieux pour ne pas dire tatillon. Les défendeurs externes (autres que les copropriétaires) en ont profité pour multiplier, - souvent avec succès -, les exceptions d’irrecevabilité purement prétoriennes [2]. Le préjudice ainsi causé aux copropriétés depuis quarante ans est d’une extraordinaire importance.

Il faut savoir que des syndicats de copropriétaires ayant agi en responsabilité décennale pour des désordres importants et reconnus, ayant même obtenu en cours d’instance l’allocation de provisions pour l’exécution de travaux de réparation, se sont trouvés, parfois dix ans et plus après le début de la procédure, dans l’obligation de rembourser ces provisions parce que l’autorisation d’agir initialement donnée par l’assemblée générale était finalement déclarée nulle par la Cour de cassation ! 

 

Comme indiqué plus haut, l’arrêt relaté est dans la ligne de cette jurisprudence.

 

La Cour d’appel  a jugé que l’action formée par le syndic était irrecevable car les résolutions votées par l’assemblée générale des copropriétaires ne désignaient pas de façon précise les désordres en cause. La Cour de cassation approuve la Cour d’appel et rejette le pourvoi.

 

Pour critiquer objectivement cette position, il faut rappeler la raison d’être de l’article 55 du décret.

Dans le cas des personnes morales, on distingue la propriété de l’action sociale de l’exercice de cette action. La personne morale est propriétaire de l’action mais elle ne peut l’exercer que par le truchement de son représentant légal. Le syndic a l’exclusivité de la représentation en justice du syndicat des copropriétaires.

A l’unicité de la représentation en justice s’oppose la dualité du régime de l’exercice des actions syndicales.

Le syndic peut exercer de son propre chef certaines actions qui sont énumérées dans l’alinéa 2 de l’article 55. On y trouve notamment l’action en recouvrement des charges. Ce pouvoir propre du syndic est justifié par l’objet de l’action qui s’insère dans les missions courantes du syndic, telles que définies par l’article L 18. Une exception notable est sa mission de faire respecter certaines dispositions du règlement de copropriété, pour laquelle, curieusement, il est dépourvu de tout pouvoir propre.

Pour toutes les autres actions, le syndic ne peut agir qu’après avoir reçu l’autorisation de l’assemblée. Les nécessités pratiques justifient toutefois une tolérance : il peut engager une action judiciaire mais doit obtenir de l’assemblée la ratification de son initiative dans un bref délai et, dans tous les cas, avant l’audience des plaidoiries.

Sous le régime précédent de la loi du 28 juin 1938, sauf clause contraire du règlement de copropriété, le syndic pouvait engager librement les actions syndicales. Mais il risquait d’être ensuite désavoué par l’assemblée générale quand l’action s’était avérée téméraire… et coûteuse. La multiplication de ces désaveux a incité les auteurs du décret d’application à prévoir une autorisation préalable.

 

Elle est donc essentiellement une mesure de protection des copropriétaires quand le défendeur potentiel est un tiers.

Elle peut être une mesure de protection du défendeur quand il s’agit d’un copropriétaire. L’article 55 soumet ainsi à autorisation préalable la saisie en vue de la vente du lot d’un copropriétaire débiteur de charges. Dans d’autres cas, l’assemblée peut estimer inopportun de poursuivre un copropriétaire.

 

En l’espèce, un expert judiciaire avait été désigné dans un premier temps. Il avait relevé l’existence de désordres et sans doute indiqué la consistance des réparations à effectuer pour y remédier. Les résolutions des assemblées générales des 4 juillet 1995 et 27 juin 1996 donnaient mandat au syndic pour poursuivre les procédures en cours “aux fins de réparation des désordres visés dans la mission confiée à M. X...” et “à la suite de pré-rapport X...”.

Le syndicat avait fait valoir que l’avocat chargé des intérêts de la copropriété avait rendu compte à l’assemblée du rapport de M. X. Mais la Cour de cassation note que la Cour d’appel n’a pas relevé que l’avocat avait effectué ce compte rendu. La présence de l’avocat à l’assemblée n’étant pas contestée, on voit mal comment il aurait pu s’abstenir d’un compte-rendu sans doute suivi de questions. De toute manière, une information complète sur ce rapport aurait exigé la communication du texte intégral en annexe à la convocation pour l’assemblée.

Cette communication aurait constitué une information illusoire, comme c’est aussi le cas pour la communication des devis complets pour des travaux importants. La plupart des copropriétaires sont incapables d’appréhender la terminologie technique du bâtiment. Elle peut même semer le trouble dans leur esprit quand les investigations de l’expert, initialement saisi de désordres apparents, l’ont conduit à faire état de désordres liés mais non apparents, après la réalisation de sondages par exemple.

Il est donc bien certain que la volonté commune des copropriétaires est alors d’obtenir l’exécution de tous les travaux préconisés par l’expert pour remédier aussi bien aux désordres apparents qu’à ceux qui ont été découverts au cours de l’expertise.

Si l’architecte conseil syndicat estime qu’il faut ajouter aux préconisations de l’expert judiciaire, ils s’en rapportent pareillement à l’architecte pour demander que soient étendues les obligations des constructeurs.

 

Il nous semble qu’en l’espèce  le mandat au syndic de poursuivre les procédures relatives aux désordres décrits dans le pré-rapport de l’expert judiciaire était suffisant pour son habilitation sans que les constructeurs défendeurs puissent en tirer un grief. La déclaration d’irrecevabilité de l’action leur procure un avantage injuste.

 

 

Une dernière observation s’impose néanmoins. Elle concerne la légèreté de certains avocats et, à titre moindre, de certains syndics.

Le droit de contester un courant de jurisprudence doit s’accompagner pour les avocats de l’obligation d’en tenir compte pour la gestion de l’instance. Or l’expérience montre que, dans de nombreux cas, des avocats, présents, comme en l’espèce, à l’assemblée générale, ne sont pas intervenus pour faire mettre une résolution d’autorisation d’agit en conformité avec les exigences de la Cour de cassation qu’ils ne pouvaient ignorer.

Il y a alors manquement évident à l’obligation de conseil.

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

29/09/2007

 

 

 



[1] Cass. civ. 3e  20/05/1998 n° 95-20870 (Castéra c/ Sté SEDAF) ; 25/09/2002  n° 00-20584 (CMA Bouches du Rhône c/ SMABTP)

[2] Par exceptions prétoriennes nous entendons ici celles qui ne sont fondées sur aucun texte légal, mais seulement sur la jurisprudence des juridictions et notamment de la Cour de cassation.