Dissolution du syndicat

Réunion de tous les lots en une seule main

Disparition de la copropriété (oui)

Dissolution de plano du syndicat des copropriétaires (oui)

Survivance de sa personnalité morale pour les seuls besoins de la liquidation (oui)

 

 

 

Cassation civile 3e 4 juillet 2007      Cassation

Cour d’appel de Besançon (1re chambre civile, section A) 30-11-2005

N° de pourvoi : 06-11015

 

 

Sur le moyen unique :

 

Vu les articles 1er et 14 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble les articles 30 et 31 du nouveau code de procédure civile ;

 

Attendu que la présente loi régit tout immeuble bâti ou groupe d’immeubles bâtis dont la propriété est répartie, entre plusieurs personnes, par lots comprenant chacun une partie privative et une quote-part de parties communes ;

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que les époux X..., devenus propriétaires en 1988 de la totalité des lots d’un immeuble, antérieurement soumis au statut de la copropriété, endommagé en 1994 par l’effondrement d’une paroi rocheuse le surplombant, soutenant que Mme Y..., M. Z... et la société Pierre Vaux étaient responsables de leurs dommages, les ont assignés en réparation ;

 

Attendu que pour déclarer les époux X... irrecevables en leur action, l’arrêt retient que si ceux-ci sont devenus propriétaires de la totalité des lots de l’immeuble, il convient de relever que le règlement de copropriété adopté le 8 mars 1958, demeure en vigueur et que le syndicat des copropriétaires de l’immeuble n’a fait l’objet jusqu’à ce jour d’aucune opération de dissolution et de liquidation, que contrairement à ce qu’a décidé le premier juge, et à ce que soutiennent les époux X..., leur acquisition de la totalité des lots de l’immeuble, n’a pas eu pour effet de dissoudre automatiquement le syndicat des copropriétaires, et de mettre fin au régime de la copropriété ;

 

Qu’en statuant ainsi, alors que la réunion de tous les lots entre les mains d’un même propriétaire entraîne de plein droit la disparition de la copropriété et la dissolution du syndicat qui ne survit que pour les besoins de sa liquidation, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 30 novembre 2005, entre les parties, par la cour d’appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Besançon, autrement composée ;

 

Condamne, ensemble, la société Pierre Vaux, Mme Y... et M. Z... aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne, ensemble, la société Pierre Vaux, Mme Y... et M. Z... à payer aux époux X... la somme de 2 000 euros ; rejette les demandes de ces derniers ;

 

 

 

 

Commentaires :

 

L’arrêt du 4 juillet 2007 a le mérite d’apporter une solution claire et satisfaisante à une question rarement posée.

 

Les faits sont simples : les époux X... sont  devenus propriétaires en 1988 de la totalité des lots d’un immeuble, antérieurement soumis au statut de la copropriété. L’immeuble a été endommagé en 1994 par l’effondrement d’une paroi rocheuse le surplombant.

Ils ont estimé que Mme Y..., M. Z... et la société Pierre Vaux étaient responsables des dommages subis par l’immeuble et les ont assignés en réparation du préjudice subi.

 

Les défendeurs ont soutenu devant la Cour d’appel de Besançon que « le syndicat des copropriétaires de l’immeuble n’a fait l’objet jusqu’à ce jour d’aucune opération de dissolution et de liquidation et que  l’acquisition de la totalité des lots de l’immeuble par les époux X… n’a pas eu pour effet de dissoudre automatiquement le syndicat des copropriétaires, et de mettre fin au régime de la copropriété ». C’était donc, à leurs yeux, le syndicat des copropriétaires, toujours « vivant » qui aurait dû assigner en réparation du dommage subi par l’immeuble, et non pas les époux X…

 

La Cour d’appel de Besançon a suivi les défendeurs dans cette voie.

 

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.

 

Au visa des articles 1 et 14 de la loi du 10 juillet 1965, elle énonce « que la réunion de tous les lots entre les mains d’un même propriétaire entraîne de plein droit la disparition de la copropriété et la dissolution du syndicat qui ne survit que pour les besoins de sa liquidation ».

 

S’agissant de l’article 1er, il est bien certain que la réunion de tous les lots en une seule main fait disparaître la répartition de la propriété entre plusieurs personnes qui est la condition essentielle de l’assujettissement d’un immeuble au régime institué par cette loi.

S’agissant de l’article 14, il est encore certain qu’il n’y a plus de collectivité des copropriétaires après la réunion de tous les lots en une seule main !

Enfin, le recours ne pouvait entrer dans le cadre des besoins de la liquidation du syndicat. Les opérations de la liquidation ne pouvaient porter en effet que sur des faits ou actes antérieurs à la dissolution du syndicat. Or, en l’espèce, le dommage est survenu après la date de la dissolution.

La solution donnée par la Cour de cassation semble alors si évidente qu’on se demande comment la Cour d’appel a pu la rejeter.

 

Elle avait déjà été adoptée par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 15 septembre 1995 [1] Elle a jugé que « la disparition de la copropriété à la date de rachat des derniers lots par la ville de Paris a, nécessairement, entraîné la dissolution du syndicat des copropriétaires qui survit seulement pour les besoins de sa liquidation, et par suite, la disparition subséquente du mandant, de sorte que le mandat de syndic est tombé de lui-même ».

 

 

On ne peut s’en tenir à ces brèves observations. L’arrêt de cassation mérite un examen plus attentif.

 

La réunion de tous les lots entre les mains d’un même propriétaire a, de plein droit, un double effet :

- La disparition de la copropriété 

- La dissolution du syndicat

Un enseignement étranger au litige est alors que l’acquéreur ne peut songer à revendre peu de temps après son acquisition quelques-uns uns des lots de la copropriété ? Il faudra y réfléchir car il n’est pas inconcevable d’envisager la situation d’une institution collective temporairement réduite à un seul membre à une époque qui admet la société unipersonnelle.

Le professeur Giverdon a évoqué ce cas : « Sans doute, l’aliénation ultérieure de l’un ou de plusieurs lots fera renaître la copropriété par appartements et par conséquent le syndicat, mais nous ne croyons pas possible d’admettre que ce soit la même copropriété et le même syndicat. En particulier il sera nécessaire d’établir un nouveau règlement de copropriété, l’ancien ayant définitivement disparu avec la dissolution du syndicat » [2]

Ce problème ne se posait pas en l’espèce puisque le retour de l’immeuble à l’état de monopropriété était manifestement définitif.

 

Un autre enseignement important est que la Cour de cassation admet la survie de la personnalité morale du syndicat pour les besoins de sa liquidation. Or cette survie a été contestée dans le passé faute de toute mention à ce sujet dans le statut de la copropriété.

La Cour évoque pareillement la liquidation du syndicat des copropriétaires, tout aussi négligée par les textes du statut. C’est de manière très empirique que les praticiens ont procédé depuis des dizaines d’années à des liquidations de syndicats de copropriétaires.

 

La réunion de tous les lots entre les mains d’une seule personne n’est pas la seule cause de disparition du syndicat. Elle peut résulter aussi résulter

- d’une décision unanime de tous les copropriétaires [3] , par exemple un apport global à une société.

- de la destruction de l’immeuble après une décision de non-reconstruction prise par l’assemblé générale. Il est alors nécessaire de procéder à la répartition de l’indemnité globale versée par l’assureur, mais aussi à la vente du terrain. M. Vigneron rappelle qu’en ce cas, « le syndicat ne disparaît pas de plano;  il doit subsister pour lui permettre d'agir en réparation du préjudice résultant pour les copropriétaires de la destruction du bâtiment et dans l'attente d'une prise de décision sur la reconstruction de l'immeuble ».  [4]

- d’une expropriation pour cause d’utilité publique

- du transfert de l’intégralité des parties communes et des ouvrages d’intérêt commun à une association syndicale [5]

 

Dans tous ces cas, il est nécessaire, au minimum, de procéder à l’apurement des comptes du syndicat avec les tiers internes (les copropriétaires) et externes (les fournisseurs notamment). C’est la liquidation du patrimoine du syndicat. Il ne peut comporter que des créances et des dettes. La trésorerie appartient aux copropriétaires, chacun pour son solde après paiement des dettes et recouvrement des créances. Les biens mobiliers et immobiliers sont la propriété indivise des copropriétaires.

Ainsi,  le terrain n’entre pas dans le patrimoine du syndicat. Quelle procédure doit-on utiliser pour sa vente, dans le cas de destruction de l’immeuble sans reconstruction ? C’est en faveur d’une décision de l’assemblée générale des copropriétaires que penche maintenant la balance. Dans le passé, on jugeait plus simple l’action en partage d’un indivisaire, fondée sur l’article 815 du Code civil..

 

Hormis ce cas particulier, la liquidation reste impérative car l’acquéreur de tous les lots, par exemple, n’est ni le « successeur » du syndicat, ni le « liquidateur de fait » [6] . Il ne saurait par exemple être tenu de payer des factures impayées du syndicat. On ne peut sur ce point tirer aucune règle générale de l’arrêt du 21 novembre 2000 que nous venons de citer (note 6) car il statue sur un cas d’espèce. L’acquéreur de tous les lots vient, le cas échéant, aux droits des copropriétaires vendeurs, mais pas aux droits du syndicat.

 

Le Législateur aurait grand mérite à insérer ces règles dans le statut de la copropriété en créant une section dédiée à la dissolution et à la liquidation du syndicat des copropriétaires.

 

 

 

 

 

Mise à jour

22/07/2007

 

 

 



[1] CA Paris, 23e , 15/09/1995 : Loyers et copropriété. 1996. n° 44

[2] Givord et Giverdon La copropriété 4e édition n° 435 note 5 p. 342

[3] Cass civ 3e 24/01/1978 RTDC 1979 p. 89

[4] M. Vigneron renvoie sur ce point aux observations de M. Capoulade sous. Cass. 3e civ., 8 mars 1989 : inf. rap. copr. janv. 1990, p. 10

[5] Cass. civ. 3e 07/03/1990 Loyers et copropriété 1990 n° 229

[6] CA Paris 19e A  21/11/2000 Loyers et copropriété 2001 n° 135