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Obligation de conseil du banquier prÊteur Proposition à l’emprunteur d’un contrat d’assurance Adéquation des risques couverts à la situation de
l’emprunteur Remise d’une notice suffisance (non) Note : La publication comporte l’arrêt de l’Assemblée plénière, sur
second pourvoi les moyens présentés, l’arrêt de la Chambre commerciale
sur le premier pourvoi et nos commentaires. Cassation Assemblée plénière 2 mars 2007 Cassation Cour d’appel de Limoges (audience solennelle) 08-02-2006 N° de pourvoi : 06-15267 Sur le moyen unique : Vu l’article 1147 du code civil ; Attendu que le banquier, qui propose à son client auquel il
consent un prêt, d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit
à l’effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l’exécution de
tout ou partie de ses engagements, est tenu de l’éclairer sur l’adéquation
des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur, la remise de la
notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation ; Attendu, selon l’arrêt attaqué rendu sur renvoi après
cassation (Com. 26 mai 2004, pourvoi n° 02-11.504), qu’à l’occasion de prêts
consentis par la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et
du Poitou (la caisse), M. X..., exploitant agricole, a adhéré à des
assurances de groupes souscrites par le prêteur auprès de la Caisse nationale
de prévoyance (l’assureur) ; que par arrêt irrévocable du 25 mars 1997, la
cour d’appel a rejeté sa demande, et celle de son épouse, tendant à voir dire
que l’assureur devait sa garantie ; qu’estimant que la caisse avait manqué à
son devoir d’information et de conseil en faisant adhérer le mari à une
assurance de groupe inadaptée, les époux X... l’ont assignée en réparation du
préjudice subi du fait de la situation de non-assurance ; Attendu que pour rejeter la demande indemnitaire, l’arrêt
retient qu’en présence d’une clause claire et précise des contrats
d’assurance, les époux X... ne pouvaient ignorer que l’assurance de groupe ne
couvrait que l’invalidité totale et définitive et ne s’appliquait pas à la
seule inaptitude à la profession d’agriculteur et que la caisse, qui n’avait
pas l’obligation de conseiller à M. X... de souscrire une assurance
complémentaire, n’a pas manqué à son obligation de conseil et d’information ; Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte
susvisé ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt
rendu le 8 février 2006, entre les parties, par la cour d’appel de Limoges ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la
cour d’appel de Paris ; Condamne la caisse régionale de crédit agricole mutuel de
la Touraine et du Poitou aux dépens ; Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile,
rejette la demande de la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la
Touraine et du Poitou ; MOYEN ANNEXÉ au présent arrêt Les époux X... reprochent à l’arrêt attaqué de les avoir
déboutés de leurs demandes tendant à faire condamner le Crédit Agricole à
leur payer la somme de 608.997,52 euros de dommages et intérêts pour
manquement à son devoir d’information et de conseil. AUX MOTIFS QUE l’article 22-1 des conditions générales du
contrat d’assurance définit l’invalidité comme étant l’impossibilité
définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée
ou donnant à l’assuré gain et profit ; qu’en présence de cette clause claire
et précise, les époux X... ne pouvaient ignorer que l’assurance groupe ne couvrait
que l’invalidité totale et définitive et ne s’étendait pas à la seule
inaptitude à la profession d’agriculteur ; qu’il s’ensuit que la Caisse, qui
n’avait pas l’obligation de conseiller à Monsieur X... de souscrire une
assurance complémentaire, n’a pas manqué à son obligation de conseil et
d’information. ALORS QUE l’existence de clauses claires dans le contrat
d’assurance souscrit par l’emprunteur en garantie des prêts contractés par
lui ne dispense pas le banquier de son devoir d’informer et de conseiller ce
dernier sur l’étendue des garanties contractuelles compte tenu de sa
situation personnelle ; qu’en se fondant, pour juger que la CRCAM n’avait pas
manqué à son obligation de conseil et d’information, sur la circonstance
inopérante que les clauses du contrat étaient claires et précises, la Cour
d’appel a violé l’article 1147 du Code civil. Cassation Chambre commerciale 26 mai 2004 Cassation Cour d’appel de Poitiers (2e chambre civile) 20-11-2001 N° de pourvoi : 02-11504 Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X..., exploitant
agricole, a emprunté à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la
Touraine et du Poitou (la Caisse) diverses sommes ; que, par arrêt
irrévocable du 25 mars 1997, la cour d’appel a rejeté sa demande, et celle de
son épouse, tendant à voir dire que la Caisse nationale de prévoyance, auprès
de laquelle avait été souscrit, à l’occasion de chaque prêt, un contrat
d’assurance, devait sa garantie ; qu’estimant que la Caisse avait manqué à
son devoir d’information et de conseil en faisant souscrire une assurance de
groupe inadaptée, les époux X... l’ont assignée en réparation du préjudice
subi du fait de la situation de non-assurance ; Sur le moyen unique, pris en sa première branche : Vu les articles 1351 du Code civil et 480 du nouveau Code
de procédure civile ; Attendu que, pour rejeter la demande des époux X...,
l’arrêt retient qu’il a été jugé par la décision du 25 mars 1997 que les
clauses du contrat étaient claires et sans ambiguïté, et que dès lors il ne
peut être soutenu que la Caisse devait une information supplémentaire à son
adhérent ; Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il n’existait aucune
identité d’objet et de cause entre l’instance en garantie ayant abouti à
l’arrêt du 25 mars 1997, et celle visant à rechercher la responsabilité de
l’organisme de crédit, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; Sur le moyen, pris en sa deuxième branche : Vu les articles 1351 du Code civil et 480 du nouveau Code
de procédure civile ; Attendu que l’autorité de chose jugée s’attache au seul
dispositif de la décision ; Attendu qu’en statuant comme elle a fait, alors que le
dispositif de l’arrêt du 25 mars 1997 ne contenait aucune mention relative
aux clauses du contrat d’assurance, la cour d’appel a violé les textes
susvisés ; Et sur le moyen, pris en sa troisième branche : Vu l’article 1147 du Code civil ; Attendu que pour rejeter la demande indemnitaire, l’arrêt
retient que puisque les clauses du contrat d’assurance de groupe ont été
jugées claires et sans ambiguïté, il ne peut être soutenu que la Caisse
devait une information supplémentaire à son adhérent ; Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait
de rechercher si la Caisse avait rempli son devoir d’information et de
conseil à l’égard de son adhérent, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt
rendu le 20 novembre 2001, entre les parties, par la cour d’appel de Poitiers
; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la
cour d’appel de Limoges ; Condamne la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de
la Touraine et du Poitou aux dépens ; Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des époux X... ; COMMENTAIRES : L’arrêt du 2 mars 2007 a été rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation. Il s’agit d’un arrêt de principe s’imposant aux juridictions du fond et constituant une règle de droit. Son importance est d’autant plus grande qu’il fait suite à deux arrêts contraires des Cours d’appel de Poitiers puis sur renvoi après première cassation (26/05/2004), de Limoges, en Audience solennelle. Nous sommes donc en présence d’un cas patent de conflit entre les juridictions du fond et la Cour de cassation. Les faits sont simples : un banquier préteur (la Caisse) propose à un client emprunteur d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit auprès d’un assureur, à l’effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses engagements. Il remet à son client une notice précisant les risques couverts. L’emprunteur se trouvant obligé de cesser son activité pour inaptitude à l’activité d’agriculteur, il s’avère que l’assurance ne couvre que l’invalidité totale et définitive et ne s’appliquait pas à la seule inaptitude à la profession d’agriculteur. L’emprunteur est définitivement débouté de sa demande à l’encontre l’assureur par arrêt du 25 mars 1997. Il assigne alors la Caisse et fait valoir que ce banquier devait attirer son attention sur le défaut de couverture de ce risque. La banque rétorque que la remise de la notice constituait une information suffisante pour l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur. On remarque ici que le rôle de la banque n’est pas ici limité à celui, traditionnel, de bailleur de fonds. Elle fait fonction d’intermédiaire en assurance, sous le manteau d’un contrat de groupe souscrit par elle auprès de l’assureur. On peut penser dès lors que la portée de l’arrêt s’étend aux activités accessoires que les banquiers revendiquent à qui mieux mieux. Les deux arrêts de la Cour de cassation présentent la caractéristique commune d’une formulation assez lapidaire. On le ressent d’abord à la lecture de l’arrêt du 26 mai 2004 qui traite des trois branches d’un même moyen : Au visa des articles 1351 du Code civil et 480 du NCPC elle écarte l’exception de chose jugée fondée sur la décision judiciaire « irrévocable » du 25 mars 1997 au motif qu’il n’y a pas identité d’objet et de cause entre une action en garantie (contre l’assureur) et une action en responsabilité (contre la banque). Au visa des mêmes textes, elle rappelle que l’autorité de la chose jugée s’attache au seul dispositif de la décision et juge qu’à cet égard le dispositif de l’arrêt du 25 mars 1997 était muet au sujet des clauses du contrat d’assurance Enfin, au visa de l’article 1147 du Code civil, elle reproche à la Cour d’appel de Poitiers de n’avoir pas recherché si la Caisse avait rempli son devoir d’information à l’égard de son adhérent. C’est encore au visa de l’article 1147 que l’Assemblée
plénière a posé en règle de droit « que
le banquier, qui propose à son client auquel il consent un prêt, d’adhérer au
contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit à l’effet de garantir, en cas
de survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses
engagements, est tenu de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à
sa situation personnelle d’emprunteur, la remise de la notice ne suffisant
pas à satisfaire à cette obligation ». Elle sanctionne ensuite la Cour d’appel qui, ayant jugé
« que la caisse, qui n’avait pas l’obligation de conseiller à M. X. de
souscrire une assurance complémentaire, n’a pas manqué à son obligation de
conseil et d’information », a violé l’article 1147. Il faut rappeler ici le texte de l’article 1147 :
« Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au payement de dommages et
intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du
retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que
l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée,
encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ». Le profane est surpris : il ne voit aucun rapport
entre ce texte et l’obligation d’information et de conseil. Il est vrai qu’à l’exécution des obligations principales
nées du contrat : livrer la chose et payer le prix, la jurisprudence a ajouté celle qui nous
vient des usages les plus anciens du droit des foires : l’obligation
de renseignement. Il s’agissait alors pour le marchand local de faire
connaître au marchand « étranger » les usages du lieu pouvant avoir
une incidence pour la sauvegarde de ses droits et prérogatives. Elle s’est rapidement étendue à l’information que doit
donner le vendeur professionnel à l’acheteur profane, que l’on retrouve dans
la jurisprudence liée à l’article 1615 du Code civil sous la qualification
d’obligation de renseignement pesant sur le vendeur professionnel. Elle s’est pareillement étendue aux activités non
commerciales. C’est alors l’obligation de conseil qui est à la charge des
professionnels non marchands : notaires, avocats, médecins, agents
immobiliers et, bien entendu, les banquiers [1] Cette évolution a trouvé son aboutissement dans les
dispositions de notre présent Code de la consommation On constate ainsi que
les dispositions d’ordre consumériste ne sont pas novatrices. Elles viennent
à la suite d’usages très anciens puis des textes du Code civil qui avaient
déjà pour objet de maintenir l’équilibre entre la puissance du professionnel
et la faiblesse du profane. Autant dire que la croissance constante de certaines
puissances professionnelles a justifié l’extension proportionnelle des
obligations de renseignement, d’information et de conseil. On ne saurait
omettre ici l’incidence égale de la complexification des matières, produits
et situations à traiter. L’arrêt du 2 mars 2007 marque certainement une nouvelle
progression dans l’importance et l’étendue des obligations imposées aux
professionnels à l’égard de leur clientèle. Il n’est pas étonnant qu’il frappe le secteur bancaire
caractérisé de nos jours par des concentrations préoccupantes et l’extension
constante du domaine des activités pratiquées. La portée de l’arrêt ne saurait être restreinte aux
activités bancaires. Les professionnels immobiliers devront en tirer les
conséquences juridiques et pratiques. Les agents immobiliers sont en premier lieu concernés. On
pourrait s’étendre longuement sur l’insuffisance manifeste de l’information
des acquéreurs avant la signature de l’acte préparatoire qui les engage
irrémédiablement : promesse de vente ou autre. Les administrateurs de biens doivent pareillement prendre
conscience de leurs obligations, tant à l’égard de leurs mandants qu’à
l’égard des locataires ou autres cocontractants. Les uns et les autres ne doivent pas oublier qu’ils sont
tenus d’informer aussi bien le mandant, qui est leur client, que le
cocontractant [2] . Les syndics, enfin, doivent informer les copropriétaires
de toute nouvelle obligation légale résultant d’un texte récent. Ils doivent
signaler l’illégalité ou l’illicéité des pratiques irrégulières, des clauses
d’un règlement de copropriété ou des résolutions dont l’inscription à l’ordre
du jour d’une assemblée générale est demandée. Leur obligation est toutefois
limitée à la fourniture de l’information, dont ils doivent conserver la
preuve. Le syndic ne peut pas, en effet, empêcher une assemblée générale
d’adopter une résolution illégale, ou de refuser l’exécution de travaux
imposés. Il doit même exécuter la décision prise. Encore faut-il admettre que
dans certains cas ils ont de droit, voire le devoir, de refuser de prêter
leur concours à une opération illégitime. La perte d’un mandat de gestion peut être le prix de ce
refus. Le syndic est alors en droit de demander réparation du préjudice qu’il
subit de ce fait. |
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