00043608 CHARTE Ne sont
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Convention de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales droit à un procès équitable condamnation de la France au
paiement d’une indemnité plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ARRÊT CEDH
STRASBOURG 14 novembre 2006 (Requête no 348/03) En
l’affaire Ong c. France, La
Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une
chambre composée de : MM. I.
Cabral
Barreto, président, Après
en avoir délibéré en chambre du conseil le 24 octobre 2006, Rend
l’arrêt que voici, adopté à cette date : PROCÉDURE 1. A
l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 348/03) dirigée
contre la République française et dont un ressortissant de cet Etat,
M. Kieng Ong (« le requérant »), a saisi la Cour le 23
décembre 2002 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des
Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la
Convention »). 2. Le
gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son
agente, Mme E. Belliard,
Directrice des Affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères. 3. Le 8 juin
2005, le président de la deuxième section a décidé de communiquer la requête
au Gouvernement. Se prévalant des dispositions de l’article 29 § 3, elle a
décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé
de l’affaire. EN FAIT I.
LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE 4. Le
requérant est né en 1958 au Cambodge et réside à Aubervilliers. 1.
L’origine de l’affaire 5. Le 9
janvier 1989, le requérant et son beau-frère, M. U., constituèrent, avec 50 %
des parts sociales pour chacun, une société à responsabilité limitée dénommée
« La Tour de Jade », aux fins d’acheter et d’exploiter un fond de
commerce de restauration asiatique. Le requérant en était le gérant
statutaire. 6. Suite à
des dissensions entre les deux associés, Maître P. fut nommé le 3 octobre
1990 administrateur provisoire de la société jusqu’au 11 mars 1992,
date à laquelle Maître L. fut à son tour nommé avec pour mission de faire
rapport sur l’opportunité de la mise sous mandat de justice de la société,
sur son apparente situation active et passive et sur ses perspectives
d’exploitation. Par une ordonnance du 1er février 1993, confirmée
en appel le 7 janvier 1994, le président du tribunal de commerce de Paris
autorisa Maître L. à confier la location gérance de la SARL à M. U.. Le
requérant s’opposa à la remise des clés et il fallut faire appel à la force
publique. L’expulsion du requérant eut lieu le 28 mai 1993, date depuis
laquelle M. U. exerce les fonctions de gérant. Le 29 septembre 1992, suite à
une dénonciation de M. U., l’administration fiscale notifia à la SARL un
redressement fiscal pour la période du 1er avril 1989 au
31 décembre 1990 pour un montant de 737 267 FRF (soit environ
112 388 EUR). Le 7 octobre 1992, un second redressement fiscal
fut notifié à la société, pour l’année 1991, évalué à 2 895 619 FRF
(soit 441 405 EUR) Ces redressements avaient pour fondement principal
des dissimulations de bénéfices. Il s’ensuivit de nombreuses procédures contentieuses. 2.
La procédure pénale 7. A une date
non précisée, M. U. déposa une plainte avec constitution de partie civile
contre le requérant, lui reprochant d’avoir détourné une partie des recettes
d’exploitation du restaurant, d’un montant de 88 000 FRF (environ
13 415 EUR), correspondant à des factures de repas servis qui n’avaient
pas selon lui été comptabilisées. 8. Par une
ordonnance du 28 mars 1994, le requérant fut renvoyé devant le tribunal correctionnel
de Paris sous la prévention « d’avoir, à Paris, en 1989, étant gérant de
la SARL, de mauvaise foi, fait des biens de la société un usage qu’il savait
contraire à l’intérêt de celle-ci (...) » (article 425-4 de la loi du 24
juillet 1966 sur les sociétés commerciales). 9. Par un
jugement du 12 décembre 1994, le requérant fut relaxé des fins de la
poursuite. Le tribunal, après avoir constaté que des sommes avaient
effectivement été détournées dans la société et qu’un redressement fiscal
avait en conséquence eut lieu, estima qu’il n’existait aucun élément concret
concernant les détournements de recette de la part du requérant. 3.
La procédure prud’homale 10. Par un
jugement du 8 septembre 1995, le conseil des prud’hommes de Paris considéra
la rupture du contrat de travail du requérant et de son épouse comme un
licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il condamna la SARL à payer à
chacun 50 000 FRF de dommages-intérêts. Ce jugement fut confirmé par un arrêt
de la cour d’appel de Paris du 11 juin 1999. 4.
La procédure commerciale. 11. Par
ailleurs, le 10 juin 1994, M. U. assigna le requérant, en tant que gérant
statutaire de la société, devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de
voir prononcer à son encontre la révocation judiciaire, en conséquence des
fautes de gestion qu’il avait commises et qui avaient entraîné les
redressement fiscaux. En outre, par un acte du 7 octobre 1994, il mit en
cause devant le même tribunal sa responsabilité personnelle de gérant. Il
demanda au tribunal de condamner le requérant à verser à la SARL la somme de
786 285,74 FRF au titre du manque à gagner pour l’exercice 1989 et la
période du 1er février à fin mai 1993, de réserver l’évaluation du
préjudice pour les années 1990 et 1991 jusqu’au prononcé de la décision
définitive qui clôturera la procédure fiscale, d’évaluer à 500 000 FRF
les dommages et intérêts auxquelles peut prétendre la SARL et enfin de
condamner le requérant à lui payer une somme de 23 720 FRF au titre de
l’article 700 du nouveau code de procédure civile (ci-après le
« NCPC »). Maître L., administrateur provisoire de la SARL,
s’associa aux demandes de M. U.. 12. Par un
jugement du 10 avril 1996, le tribunal de commerce valida les décisions
prises par l’administrateur provisoire Maître L., décédé début 1996, et
prononça la responsabilité personnelle du requérant depuis la création de la
société jusqu’en mai 1993, en raison des fautes graves de gestion qui avaient
entraîné les redressements fiscaux. Il ordonna également à Maître F.,
administrateur provisoire du cabinet de feu Maître L., de convoquer une
assemblée générale extraordinaire avec à l’ordre du jour la révocation du
requérant pour manquement aux obligations légales en matière d’approbation
des comptes, pour l’exercice de 1989, et de présentation des bilans. Le
requérant fut condamné en conséquence au paiement à la société de la somme de
4 201 275, 74 FRF (soit environ 640 438 EUR) au titre des
dommages et intérêts correspondant principalement aux montants des
redressements fiscaux et à la TVA restée impayée à hauteur de 520 301
FRF, ainsi qu’au paiement de la somme de 10 000 francs à Maître F. et
celle de 5 000 FRF à M. U. au titre de l’article 700 du NCPC relatif aux
frais encourus. Le requérant interjeta appel. 13. Par un
arrêt du 12 mars 1999, la cour d’appel de Paris dit que Maître D.,
administrateur judiciaire provisoire de la société en remplacement de Maître
L., convoquera une assemblée générale avec à l’ordre du jour la question de
la dissolution anticipée de la société et confirma le jugement pour le
surplus, y ajoutant néanmoins une condamnation au paiement à M. U. de la
somme de 15 000 FRF au titre de l’article 700 du NCPC. 14. Le 14
juin 1999, le requérant se pourvut en cassation. Il fit valoir principalement
que, conformément à l’article 52 de la loi du 24 janvier 1966, la
responsabilité personnelle d’un gérant ne pouvait être mise en cause que s’il
était établi qu’il avait commis une faute personnelle séparable de ses
fonctions de gérant. Or, en se bornant à constater que des redressements
fiscaux avaient été notifiés à la société sans relever de faute séparable de
ses fonctions de gérant, la cour d’appel n’avait pas donné de base légale à
sa décision. Il argua également de ce que la cour d’appel avait méconnu
l’autorité de la chose jugée au pénal, violant l’article 1351 du code civil,
eu égard à la relaxe dont il avait bénéficié en 1994. 5.
La procédure relative à la demande de retrait du rôle du pourvoi formé par le
requérant 15. Le 20
janvier 2000, la société, représentée par Maître D., forma une requête
tendant au retrait du pourvoi du rôle de la Cour de cassation en application
de l’article 1009-1 du nouveau code de procédure civile. Le requérant, dans
son mémoire en défense, fit valoir que l’exécution de l’arrêt du 12 mars 1999
serait de nature à entraîner pour lui des conséquences manifestement
excessives, eu égard au montant de ses revenus mensuels (de 10 000 FRF)
et à la consistance de son patrimoine. 16. Le 18
février 2000, Maître M., ès-qualités d’administrateur provisoire de la
société, nommé en remplacement de Maître D., déposa des observations
complémentaires, lesquels furent communiquées à l’avocat aux Conseils du
requérant, puis parvinrent le 24 février 2000 au conseil habituel de ce
dernier. Dans ces observations, Maître M. fit valoir tout d’abord que le
requérant ne faisait pas état de l’ensemble de son patrimoine qui comprenait,
selon lui, outre la maison qu’il habitait au 17 rue de la Liberté à
Aubervilliers, un appartement de trois pièces au 187 boulevard Édouard
Vaillant dans la même ville d’une valeur de 500 000 FRF, 250 parts de la
SARL d’une valeur de 700 000 francs, et une voiture de marque Mercedes.
Il constata ensuite que le requérant n’avait donné aucun commencement
d’exécution aux condamnations et que l’intention de ce dernier de régler
prochainement l’indemnité de l’article 700 du NCPC ne suffisait pas à faire
obstacle à la demande de retrait du rôle. 17. Le 23
février 2000 se tint une audience devant le conseiller délégué par le premier
président de la Cour de cassation. 18. Le 1er
mars 2000, le requérant, en réponse aux observations complémentaires de
Maître M., adressa un courrier à son avocat aux Conseils dans lequel il
déclara, solennellement, qu’il avait versé avant l’audience l’intégralité de
l’indemnité due au titre de l’article 700 du NCPC à M. U., qu’il était
totalement inexact qu’il était propriétaire d’un appartement de trois pièces
sis au 187 boulevard Édouard Vaillant et que sa voiture achetée treize ans
auparavant avait une valeur maximale de 10 000 FRF. Le requérant donna
pour instruction à son avocat aux Conseils d’adresser au premier président de
la Cour de cassation une note en délibéré en faisant état de cette
déclaration. 19. Par une
ordonnance du 15 mars 2000, le premier président de la Cour de cassation
retira du rôle l’instance ouverte sur la déclaration de pourvoi du
requérant pour les motifs suivants : « (...) Attendu que si
le requérant a bien réglé les indemnités accordées à M. U. démontrant ainsi
suffisamment à cet égard, sa volonté d’exécuter cette partie de l’arrêt même
s’il reste devoir les dépens, il est constant qu’en revanche l’intéressé n’a
rien payé à M. D. aux droits duquel se trouve M. M. alors que selon ce
qu’indique ce dernier sans être contredit, le requérant possède, en dehors de
l’immeuble qu’il occupe avec ses enfants et dont il dit ne pas pouvoir
disposer, un autre appartement ainsi que la moitié du capital social de la
SARL, le tout représentant une valeur d’environ 1 200 000
francs ; qu’en outre si le requérant justifie de revenus modestes
(10 000 francs par mois), cette circonstance ne le place pas dans
l’impossibilité absolue de procéder par versements fractionnés à l’exécution
de l’arrêt ainsi qu’il le reconnaît d’ailleurs lui-même en indiquant qu’il pourra
verser prochainement « une petite somme tous les mois » ; que
l’exécution dudit arrêt n’apparaît pas dans ces conditions de nature à
entraîner pour le requérant des conséquences manifestement excessives ;
celui-ci n’ayant pas démontré la volonté de déférer à la décision des juges
du fond en tant qu’elle concerne l’administrateur de la SARL, il convient
d’accueillir la requête dans cette mesure ; (...) ». 20. De mars
2000 à janvier 2002, le conseil habituel du requérant échangea avec Maître M.
plusieurs courriers, dans lesquels il dénonçait le fait que l’avocat et
l’expert comptable de M. U. et de la société étaient en fait les mêmes
personnes depuis de nombreuses années. Il lui reprochait également d’avoir
produit aux débats des informations erronées et non fondées ayant emporté la
conviction du juge de cassation, et faisait valoir que le requérant n’avait
aucun patrimoine immobilier disponible pour apurer ses dettes. A cet égard,
il ressort d’une lettre du 24 août 2000 que la pièce fournie par Maître M.
dans ses observations complémentaires, à la demande du conseil requérant,
visait en réalité un bien sis au 133 boulevard Vaillant à Aubervilliers, et
non au numéro 187 du même boulevard comme précédemment allégué, et qu’il s’agissait
d’un viager dont le requérant était débirentier depuis 1992 qui faisait en
sus l’objet d’une hypothèque du Trésor Public. En outre, il ressort d’une
lettre du 29 janvier 2002 que le service des Hypothèques de Noisy-le-Sec, à
la demande du requérant, émit un état certifié en date du 25 août 2000
faisant apparaître que ce dernier ne possédait aucune forme de propriété au
187 boulevard Vaillant à Aubervilliers, et que tous ses biens immobiliers
faisaient actuellement l’objet d’une saisie (les 250 parts sociales) ou d’une
hypothèque (son domicile personnel) par le Trésor Public en exécution des
redressements fiscaux susmentionnés. 21. Entre-temps,
le 16 octobre 2000, Maître M. assigna les deux associés de la SARL devant le
tribunal de commerce de Paris aux fins de constater les difficultés qu’il
rencontrait dans l’exécution de ses fonctions portant sur l’administration de
la société et sur l’exécution de l’arrêt du 12 mars 1999 de la cour d’appel
de Paris. Sur ce dernier point, il indiquait au titre de ces difficultés
« que [le requérant] semble n’avoir aucun bien saisissable autre que les
250 parts sociales dont il est propriétaire, lesquelles ont fait l’objet
d’une saisie pratiquée le 27 décembre 1999 [et initiées par l’administration
fiscale] en vue de leur adjudication par notaire ». Par une ordonnance
de référé du 20 octobre 2000, le président du tribunal de commerce nomma un
expert aux fins d’évaluer, notamment, le fonds de commerce de la société, de
ses parts sociales et d’en donner un prix plancher. 22. Le 15
mars 2002, le requérant présenta une requête en vue de faire rétablir son
affaire au rôle de la Cour de cassation. Il fit valoir que c’est sur la base
d’informations inexactes fournies trop tardivement pour y répondre que son
pourvoi avait été retiré du rôle. Il fit valoir qu’il n’a jamais été
propriétaire d’un second bien immobilier, que les parts de la société sont
indisponibles dans la mesure où elles faisaient l’objet d’une saisie de la
part du Trésor public et que sa voiture n’avait pratiquement aucune valeur.
Il ajouta qu’il continuait néanmoins de s’acquitter des condamnations aux
indemnités en vertu de l’article 700 du NCPC et aux dépens ; à cet
égard, il produisait une lettre du 3 février 2000 faisant état du règlement
intégrale de la somme de 15 000 FRF due à M. U., d’une lettre du 5 avril
2000 de l’avoué de M. U. lui précisant ne plus vouloir poursuivre le
recouvrement de ses frais et honoraires, et d’un procès-verbal de
conciliation du 10 juin 2001 établi par le tribunal d’instance
d’Aubervilliers concernant les dépens dus à l’avoué de la SARL faisant état
d’un versement fractionné de 500 FRF par mois exécuté depuis cette date par
le requérant. 23. Le 27 mai
2002, M. U. déposa en son nom un mémoire en défense et une requête tendant à
déclarer l’instance périmée, dans lesquels il soulignait que le requérant ne
lui avait pas réglé la totalité de la somme de 15 000 FRF qu’il lui
devait, pas plus que celle correspondant à la condamnation prononcée par
l’arrêt d’appel critiqué qui s’élevait dorénavant à 915 000 EUR avec les
intérêts légaux, alors qu’il était propriétaire de trois biens immobiliers
(les 250 parts sociales et les deux pavillons sis à Aubervilliers). 24. Le 28 mai
2002, Maître M., au nom de la société, déposa également un mémoire en défense
concluant au rejet de la demande du requérant. 25. Par un
mémoire en réplique du 31 mai 2002 en vue de l’audience fixée au 5 juin 2002,
le requérant exposa que Maître M. ne pouvait méconnaître que devant le
tribunal de commerce de Paris, lors de l’instance qui a donné lieu à
l’ordonnance de référé du 20 octobre 2000 désignant un expert pour établir
les comptes de la société, il avait reconnu que l’intéressé n’avait aucun
bien saisissable. Le requérant affirma ensuite qu’il avait fait un chèque de
500 euros au mois de mai 2002 à Maître M. démontrant sa volonté d’exécuter
l’arrêt d’appel, et produisit ses avis d’imposition sur le revenu de 1999 et
de 2000, d’où il résultait que son revenu imposable s’élevait à 138 699
FRF pour 1999 et était nul pour 2000. Il exposa enfin qu’il était dans
l’impossibilité d’exécuter la somme due. Sur l’état de son patrimoine, il fit
valoir que les parts sociales avaient été saisies, qu’il était effectivement
propriétaire d’un pavillon dans lequel il vivait avec ses trois enfants et
son épouse mais qui avait fait l’objet d’une hypothèque au profit du Trésor
public pour un montant bien supérieur à sa valeur si bien que s’il le vendait
la somme qu’il en tirerait ne pourrait lui permettre d’exécuter l’arrêt. Il
confirma détenir des parts de copropriété dans un immeuble au 133 boulevard
Vaillant à Aubervilliers, et non au numéro 187, mais précisa qu’elles étaient
également hypothéquées au profit du Trésor Public, et ajouta que le vendeur
de ces parts de copropriété s’était réservé le droit d’usage et d’habitation
sur les immeubles concernés, si bien qu’en réalité il n’en avait acquis que
la nue propriété moyennant un paiement en rente viagère, pour conclure qu’il
n’était pas en état d’exécuter l’arrêt attaqué. 26. Par une
ordonnance du 26 juin 2002, le premier président de la Cour de cassation
rejeta la demande du requérant tendant à obtenir l’autorisation de réinscrire
le pourvoi au rôle et constata la péremption de l’instance : « Vu la requête du
15/03/2002 par laquelle [le requérant] nous a demandé la réinscription de
l’instance au rôle de la Cour et entendu [son conseil] en ses observations ; Vu le mémoire en défense
produit le 27/05/2002 par M. U. et entendu Maître D. en ses
observations ; (...) ; Attendu, sur la demande de
rétablissement de l’affaire au rôle, que les quelques paiements partiels
effectués au profit de l’un des créanciers, et qui ont laissé intacte la
dette très importante vis-à-vis de l’autre, ne constituent pas des éléments
nouveaux de nature à faire revenir sur la décision de retrait du rôle ; Attendu, sur la demande de
péremption, que l’ordonnance de retrait ayant été notifiée [au requérant] le
17/04/2000, celui-ci avait jusqu’au 17/04/2002 pour procéder à des actes
interruptifs du délai de péremption ; que les paiements analysés
ci-dessus ayant été effectués en mai 2002, ce délai n’a pas été interrompu par
ces paiements tardifs ; qu’il convient de constater la péremption ;
(...) » II.
LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS 27. Le droit
et la pratique internes pertinents sont exposés dans l’affaire Carabasse c. France (no
59765/00, §§ 27-36, arrêt du 18 janvier 2005). 28. Les
dispositions pertinentes du nouveau code de procédure civile, en vigueur à
l’époque des faits, sont les suivantes : Article
386 « L’instance est périmée
lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans ». Article
1009-1 « Hors les matières où le pourvoi empêche l’exécution de la
décision attaquée, le premier président ou son délégué décide, à la demande
du défendeur et après avoir recueilli l’avis du procureur général et les
observations des parties, le retrait du rôle d’une affaire lorsque le
demandeur ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée de pourvoi, à
moins qu’il ne lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner
des conséquences manifestement excessives. La demande du défendeur doit, à
peine d’irrecevabilité prononcée d’office, être présentée avant l’expiration
des délais prescrits aux articles 982 et
991. La décision de retrait du rôle n’emporte pas suspension des délais
impartis au demandeur au pourvoi par les articles 978 et 989. » Article 1009-2 « Le délai de péremption court à compter de la notification
de la décision ordonnant le retrait du rôle. Il est interrompu par un acte
manifestant sans équivoque la volonté d’exécuter. » Article 1009-3 « Le premier président ou son délégué autorise, sauf s’il
constate la péremption, la réinscription de l’affaire au rôle de la cour sur
justification de l’exécution de la décision attaquée. Les délais impartis au
défendeur par les articles 982 et 991 courent à compter de la notification de
la réinscription de l’affaire au rôle. » EN DROIT I. SUR
LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION 29. Le
requérant se plaint de la radiation de son pourvoi du rôle de la Cour de
cassation qui a porté atteinte à son droit d’accès à la Cour de cassation, et
donc à son droit à un recours effectif. Il invoque les articles 6 et 13 de la
Convention, qui se lisent respectivement comme suit : « Toute personne a droit
à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...),
qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de
caractère civil (...) » « Toute personne dont
les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a
droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors
même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans
l’exercice de leurs fonctions officielles. » 30. Le
Gouvernement s’oppose à cette thèse. A. Sur
la recevabilité 31. La
Cour rappelle tout d’abord que, lorsque le droit revendiqué est, comme en
l’espèce, un droit de caractère civil, l’article 6 § 1 constitue une lex specialis par rapport à l’article
13, dont les garanties se trouvent absorbées par celle-ci (voir les arrêts Brualla Gómez de la Torre c. Espagne,
arrêt du 19 décembre 1997, Recueil 1997-VIII,
§ 41 et Cordova (no 2)
c. Italie, no 45649/99, § 71, CEDH 2003). Par conséquent,
il n’y a pas lieu de statuer sur le grief tiré de la violation de l’article
13 de la Convention, et la Cour examinera la requête sous le seul angle de
l’article 6 § 1 de la Convention. La
Cour constate ensuite que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens
de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs que celui-ci
ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le
déclarer recevable. B. Sur
le fond 32. Le
Gouvernement, pour ce qui est des faits, s’en remet à l’exposé établi par la
Cour. Après avoir rappelé la jurisprudence pertinente de la Cour en la
matière, le Gouvernement fait valoir que le retrait du pourvoi formé par le
requérant du rôle de la cour de cassation ainsi que le rejet de sa demande
tendant à la réinscription au rôle de son pourvoi n’ont pas constitué une
entrave disproportionnée à son droit d’accès à un tribunal. 33. Sur le
montant des condamnations, le Gouvernement ne conteste pas que le montant
global mis à la charge du requérant, à savoir
4 226 215,26 FRF, est substantiel. 34. Sur la
situation matérielle du requérant, le Gouvernement relève que ce dernier,
s’il justifie de revenus modeste d’un montant de 10 000 FRF par mois,
dispose d’un patrimoine mobilier et immobilier substantiel. Ce patrimoine se
compose de 250 parts sociales dans la SARL « La Tour de Jade »,
dont la valeur est évaluée à 637 500 FRF (soit 97 186 EUR) ainsi
que d’un pavillon sis au 17 rue de la Liberté à Aubervilliers, acheté pour un
montant de 800 000 FRF en 1992 (soit 121 959 EUR), dans lequel le
requérant élu domicile, et de parts de copropriété dans un immeuble situé 133
Boulevard Vaillant à Aubervilliers, acquises en 1992 pour un montant de
940 000 FRF (soit 143 302 EUR). Il convient de relever également
que le requérant a, dans la première instance devant la Cour de cassation,
nié avoir tout intérêt immobilier dans ce dernier immeuble avant de
reconnaître dans la seconde instance détenir des parts de copropriété dans
cet immeuble. Le Gouvernement ne conteste pas cependant que l’ensemble de ce
patrimoine était indisponible au moment de la demande de retrait du rôle,
soit en raison d’hypothèque gravant les immeubles, soit en raison d’une
saisie en cours sur les parts sociales que le requérant détient dans la SARL,
mais note toutefois que la Cour a relevé dans une affaire que « les
biens immobiliers appartenant au requérant – même grevés d’hypothèques –
semblent avoir une valeur vénale non négligeable » (Avarnitakis c. France, décision d’irrecevabilité du 5 décembre
2000). Par ailleurs, le requérant est propriétaire d’un logement où il a élu
domicile, et est donc dispensé du paiement d’un loyer, ce qui lui laisse une
part substantielle de son revenu non affectée aux dépenses essentielles de la
vie courante. 35. Sur la
proportionnalité entre les ressources du requérant et le montant de la
condamnation, le Gouvernement reprend à son compte la motivation de
l’ordonnance de retrait du 15 mars 2000, faisant valoir que le requérant n’a
versé aucune somme à l’administrateur de la SARL, qu’il n’était pas dans
l’impossibilité absolue de procéder par versements fractionnés à l’exécution
de l’arrêt d’appel, et qu’il n’a donc pas démontré sa volonté de déférer à la
décision des juges du fond en ce qui concerne la société. Il relève également
que le requérant n’a fait aucune offre de paiement échelonné des indemnités
dont il est redevable, alors que dans une affaire similaire, la Cour avait
jugé que « le requérant aurait pu faire une offre de paiement partiel,
pour manifester sa bonne volonté et obtenir la réinscription de son affaire
au rôle » (Avarnitakis c. France précité). 36. Enfin, le
Gouvernement estime que les motivations des deux ordonnances de la première
présidence témoignent d’un examen attentif et sérieux de la situation
effective du requérant comme l’exige la jurisprudence de la Cour. S’agissant
de l’ordonnance de retrait du 15 mars 2000, il considère que le requérant n’a
pas apporté en temps utile la preuve de sa situation matérielle puisqu’il n’a
pas contesté les indications fournies par la partie adverse sur son état
patrimonial, alors qu’il était en mesure de le faire en faisant preuve de
diligence, d’une part, ou en demandant un report d’audience, d’autre part.
S’agissant ensuite de l’ordonnance du 26 juin 2002, le Gouvernement
rappelle que la réinscription peut être ordonnée lorsque le demandeur au
pourvoi justifie avoir intégralement exécuté l’arrêt attaqué ou, à défaut,
l’avoir exécuté partiellement si cette exécution a été effectuée dans
l’extrême limite des facultés contributives du demandeur, qui doit alors
démontrer qu’une exécution intégrale ou plus importante aurait eu pour lui
des conséquences manifestement excessives. Or, le seul versement effectué par
le requérant à l’administrateur de la SARL est un chèque de 500 EUR effectué
tardivement en mai 2002 alors que le délai de péremption était déjà acquis. 37. Le
requérant reprend l’ensemble des arguments qu’il présenta devant les
juridictions internes. Il explique qu’il lui était matériellement impossible
de verser les sommes dues à l’administrateur judiciaire de sa société – que
ce soit Maître D. ou M. – dans la mesure où il devait payer son avoué ainsi
que ceux de M. U. et de Maître M., son propre avocat aux Conseils, M. U.
lui-même, et où tous ses biens immobiliers étaient frappés d’une hypothèque
par le Trésor Public, ses parts sociales étant quant à elles saisies. Il
estime dès lors avoir payé tout ce qu’il pouvait et même très largement
au-delà. Quant à son bien sis au 133 Boulevard Vaillant à Aubervilliers, le
requérant précise qu’il n’est pas propriétaire de ce bien mais seulement
débirentier dans le cadre d’un contrat de viager, ce qui suppose, pour qu’il
en soit propriétaire, le décès du crédit rentier. Le requérant se plaint
ensuite de ce que la procédure commerciale a été viciée dès le début, en
raison du fait que l’avocat et l’expert comptable de M. U. et de la société
étaient les mêmes personnes dans de nombreuses instances, et que la Cour de
cassation a été abusivement trompée par la production tardive d’informations
erronées sur l’état de son patrimoine. 38. La Cour
rappelle qu’elle a déjà examiné, à plusieurs reprises, la question de savoir
si une mesure de retrait du pourvoi du rôle de la Cour de cassation française
ou de refus de réinscription prononcée en application des articles 1009-1 et
suivants du nouveau code de procédure civile était susceptible de restreindre
l’accès à un tribunal ouvert à un individu d’une manière ou à un point tel
que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même (voir, entre autres,
l’arrêt de principe Annoni di Gussola
et autres c. France, nos 31819/96 et 33293/96, § 53,
CEDH 2000‑XI et, dernièrement,
Carabasse c. France, no 59765/00, 18 janvier 2005). Dans
l’arrêt Annoni di Gussola et autres c.
France, § 50, après avoir rappelé les buts poursuivis par
l’obligation d’exécution d’une décision de justice visée à l’article 1009-1
précité, la Cour a apprécié si les mesures de retrait s’analysaient en une
entrave proportionnée au droit d’accès à la Haute juridiction. Elle a retenu,
pour ce faire, les situations matérielles respectives des requérants, le
montant des condamnations et l’effectivité de leur examen par le Premier
Président dans son appréciation des possibilités d’exécution de l’arrêt
frappé de pourvoi. Même si elle n’a pas retenu le critère du caractère
sérieux des moyens de cassation soulevés comme déterminant dans la mesure où
l’appréciation des « conséquences manifestement excessives » se
fait indépendamment de ce paramètre, elle n’en a pas moins soulevé son lien
avec le risque de paralysie d’un pourvoi dont l’issue s’annoncerait favorable
au demandeur (§ 58). Elle releva qu’aucun début d’exécution des condamnations
au paiement de montants s’élevant à près de 100 000 FRF et 150 000 FRF (soit
environ 15 000 et 22 727 EUR) n’était envisageable de la part des
intéressés, vu la faiblesse de leurs revenus, et en déduisit que les conséquences
du retrait du pourvoi du rôle de la Cour de cassation étaient
« manifestement excessives» (§§ 55-58). Par la suite, d’autres éléments
ont été retenus par la Cour dans son appréciation du caractère proportionné
de l’entrave au droit d’accès à la Cour de cassation, qu’il s’agisse du fait
que les ordonnances de retrait du pourvoi et de refus de le réinscrire
n’étaient pas suffisamment motivées et ne permettaient pas de s’assurer que
le requérant avait bénéficié d’un examen effectif et concret de sa situation
(voir Mortier c. France, no 42195/98,
§§ 36-37, 31 juillet 2001), de l’âge particulièrement avancé du requérant (Carabasse c. France précité, § 59), ou
de la carence de celui-ci à fournir au premier président les éléments lui
permettant d’apprécier si le retrait du pourvoi était manifestement excessif
et sans rapport de proportionnalité (voir Durreche
c. France (déc.), no 59521/00, 7 septembre 2004). Il
appartient maintenant à la Cour de rechercher si le requérant se trouvait
dans une situation telle qu’elle excluait l’exécution de la condamnation
financière mise à sa charge. Cet examen ne doit pas
se limiter au moment de la demande de retrait du pourvoi mais s’étend
également à toute l’instance lorsque, comme en l’espèce, des demandes en
réinscription du pourvoi qui auraient pu aboutir à son rétablissement ont été
formulées en cours d’instance (voir sur ce point, notamment, Pages c. France, no 50343/99,
§ 31, 25 septembre 2003). 39. Or, dans
la présente affaire, la Cour relève tout d’abord que le montant de la
condamnation mise à la charge du requérant est substantiel (640 438 EUR
environ à titre principal, auxquels il faut ajouter plusieurs milliers
d’euros au titre de l’article 700 du NCPC), ce que reconnaît aisément le Gouvernement.
Un tel montant excluait sans conteste l’exécution intégrale et immédiate par
le requérant de l’arrêt d’appel attaqué. 40. La Cour
constate ensuite, au vu des pièces fournies au premier président de la Cour
de cassation dans le cadre du mémoire en défense de la requête en
réinscription au rôle (voir supra
paragraphes 22 et 25), que le requérant, qui avait à sa charge son épouse et
ses trois enfants, ne disposait que d’un modeste revenu mensuel, à hauteur de
1 500 EUR par mois environ, et que ses biens mobiliers et immobiliers,
comme l’admet le Gouvernement, étaient tous indisponibles, en raison
d’hypothèques ou de saisies pratiqués par le Trésor Public en exécution des
redressements fiscaux très élevés mis à sa charge. Par conséquent, la Cour ne
peut suivre le Gouvernement lorsqu’il fait valoir que le requérant possédait
un patrimoine de biens mobilier et immobilier qu’il qualifie de substantiel,
ou qu’il disposait d’une part également « substantielle » de ses
revenus dans la mesure où il ne payait pas de loyer, étant rappelé que les
dits revenus ne dépassaient pas les 1 500 EUR par mois pour quatre
personnes vivant sous le même toit, dont trois enfants. La Cour relève au
contraire que le rapport entre les ressources du requérant et ne serait-ce
que l’unique montant de la condamnation en principal hors intérêts de retard,
font apparaître une disproportion manifeste (voir sur ce point Carabasse c. France précité,
§ 57). 41. S’agissant
de la volonté du requérant d’exécuter la décision frappée de pourvoi, la Cour
observe, avec le Gouvernement, qu’aucune somme ne fut versée, en temps utile,
à la société « La Tour de Jade » et plus particulièrement à son
administrateur Maître M. alors que la situation du requérant, certes modeste,
n’excluait pas ne serait-ce qu’un début d’exécution de la condamnation
pécuniaire. Elle relève néanmoins qu’il ressort des termes mêmes de
l’ordonnance du 15 mars 2000 que le requérant avait déjà à cette époque réglé
les indemnités dues à M. U., manifestant ainsi sa volonté d’exécuter cette
partie de l’arrêt attaqué. Il ressort également des faits de l’espèce (voir §
22 ci-dessus) que le requérant s’acquittait, suivant un échéancier notamment,
des condamnations aux indemnités dues au titre de l’article 700 du NCPC. La
Cour n’est donc pas de l’avis que le requérant, vu sa situation familiale, se
devait d’exécuter l’arrêt dans l’extrême limite de ses facultés
contributives, et estime dès lors que la non-exécution de l’arrêt vis-à-vis
de l’administrateur de la société ne peut être considéré comme l’élément
fondamental dans cette affaire. 42. En outre,
la Cour note que l’ordonnance de retrait du 15 mars 2000, bien qu’elle soit
motivée, ne fait pas apparaître la note en délibéré du 1er mars
2000 qui conteste, point par point, le contenu des observations
complémentaires déposées le 18 février 2000. Pareillement, l’ordonnance du 26
juin 2002 constatant la péremption de l’instance ne vise ni le mémoire de
Maître M. du 28 mai 2002 ni le mémoire en réplique du requérant du
31 mai 2002, et ne semble pas répondre à tous les arguments
présentés par ce dernier. 43. Bref, au
vu de l’ensemble de ces circonstances, et compte tenu de l’importance que
revêt le droit au procès équitable dans une société démocratique, la Cour
considère que la décision de radiation du pourvoi du requérant du rôle de la
Cour de cassation a constitué une mesure disproportionnée au regard des buts
visés, et que l’accès effectif de l’intéressé à la Haute juridiction s’en est
trouvé entravé. II. SUR
LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 §§ 1 ET 2 DE LA CONVENTION 44. Le
requérant soutient, d’une part, que les autorités nationales n’ont pas
respecté l’autorité de la chose jugée au pénal (jugement de relaxe du
12 décembre 1994) et ont violé la présomption d’innocence. Il estime,
d’autre part, que l’ordonnance du 15 mars 2000 a été rendue à la suite d’une
fraude de dernière minute le privant de ses droits de la défense. Il invoque
l’article 6 § 1 et 2 de la Convention qui se lit comme suit : « 1. Toute personne a
droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal
(...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de
caractère civil (...) » 2. Toute personne
accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité
ait été légalement établie. 45. La Cour
vient de parvenir à un constat de violation de l’article 6 § 1 de la Convention
en raison de l’atteinte portée au droit du requérant d’accéder à la Cour de
cassation pour y soulever les griefs qu’il présente devant la Cour
(paragraphe 43 ci-dessus). Compte tenu de sa conclusion, la Cour considère
qu’il n’y a pas lieu d’examiner cette partie de la requête, en tout état de
cause. III. SUR
L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION 46. Aux
termes de l’article 41 de la Convention, « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation
de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute
Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de
cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une
satisfaction équitable. » A. Dommage
et frais et dépens 47. Le
requérant expose qu’il lui est « impossible de chiffrer un préjudice qui
n’est pas actuellement définitif et qui peut varier, pour la partie
financière, de 200 000 EUR (...) ». Il déclare que cette affaire a
été pour lui « tellement grave moralement et financièrement qu’il [ne
lui] est pas possible de chiffrer une satisfaction équitable ». 48. Le
Gouvernement constate que le requérant ne chiffre pas sa demande de
réparation de son préjudice financier, et considère, sur le fondement de
l’article 60-2 du règlement de la Cour, qu’une telle demande ne peut qu’être
rejetée. En toute hypothèse, le Gouvernement estime qu’il n’y pas lieu, dans
ce type d’affaire, d’octroyer une satisfaction équitable au titre du préjudice
matériel. Quant au préjudice moral et aux frais et dépens, le requérant n’a
sollicité aucune somme. 49. La Cour
constate avec le Gouvernement que le requérant a manqué à son obligation de
chiffrer et ventiler ses prétentions, contrairement aux termes de l’article
60-2 précité. Elle décide en conséquence de rejeter la partie de la demande
relative à la réparation d’un préjudice matériel prétendument subi. En
revanche, elle estime que le requérant, bien qu’il n’ait pas détaillé ses
prétentions relatives au préjudice moral, a nécessairement subi un tort à cet
égard du fait du défaut d’accès à la Cour de cassation. Statuant en équité,
comme le veut l’article 41, la Cour lui alloue la somme de 7 000 EUR. B. Intérêts
moratoires 50. La Cour
juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt
de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de
trois points de pourcentage. PAR CES MOTIFS, LA COUR, À
L’UNANIMITÉ, 1. Déclare la requête recevable quant au
grief tiré de l’article 6 § 1 relatif au défaut d’accès à la Cour de
cassation ; 2. Dit qu’il y a eu violation de
l’article 6 § 1 de la Convention ; 3. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le
restant de la requête ; 4. Dit, à l’unanimité, a) que
l’Etat
défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où
l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2
de la Convention, 7 000 EUR (sept mille euros) pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ; b) qu’à
compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à
majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt
marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période,
augmenté de trois points de pourcentage ; 5. Rejette la demande de satisfaction
équitable pour le surplus. Fait
en français, puis communiqué par écrit le 14 novembre 2006 en
application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement. S. Dollé I.
Cabral
Barreto |
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