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Efficience d’une directive européenne non transposée dans le délai prescrit

 

 

 

Par un arrêt d’assemblée du 30 Octobre 2009, le Conseil d’État vient de reconnaître à tout citoyen la possibilité d’invoquer, à l’encontre d’un acte administratif le concernant, les dispositions précises et inconditionnelles d’une directive européenne dont la transposition en droit français n’a pas été réalisée dans le délai prescrit.

Il s’agit d’un revirement important de la jurisprudence du Conseil d’État, établie antérieurement par l’arrêt d’assemblée du 22 décembre 1978 (Ministre de l’Intérieur c/ Cohn-Bendit ; Recueil Lebon 524).

 

La requérante, - une magistrate -, alléguait, en l’espèce, une discrimination syndicale à l’encontre d’un refus de nomination à l’École nationale de la magistrature. Elle fondait sa demande sur l'article 10 de la directive du 27 novembre 2000, qui fixe les règles de la preuve en matière de discrimination. Cette directive devait être transposée dans un délai expirant le 2 décembre 2003. La transposition a été réalisée par la loi du 27 mai 2008 en son article 4.

Le Conseil d'État, suivant l’avis du rapporteur, juge « que la transposition en droit interne des directives communautaires, qui est une obligation résultant du Traité instituant la Communauté européenne, revêt, en outre, en vertu de l'article 88-1 de la Constitution, le caractère d'une obligation constitutionnelle ; que, pour chacun de ces deux motifs, il appartient au juge national, juge de droit commun de l'application du droit communautaire, de garantir l'effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l'égard des autorités publiques ».

Il en résulte que « que tout justiciable peut en conséquence demander l'annulation des dispositions réglementaires qui seraient contraires aux objectifs définis par les directives et, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d'action ou par voie d'exception, qu'après l'expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister des dispositions réglementaires, ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives » et « qu'en outre, tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'État n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ».

 

Néanmoins, le Conseil d'État estime que les dispositions de la directive du 27 novembre 2000 n'étaient pas inconditionnelles. C’est donc au  juge administratif français qu’il appartenait de fixer les règles relatives à la preuve de la discrimination.

 

Sur ce point l’arrêt précise :

 « de manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction ; que cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes ; que, s'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ».

 

En l’espèce, il juge que le choix du Ministre n’a pas été dicté par des motifs entachés de discrimination.

 

On ne peut qu’approuver ce revirement.

Il est évident que les Autorités françaises ne sauraient contourner les obligations résultant du Traité instituant la Communauté européenne en retardant abusivement la transposition d’une directive.

On doit admettre, en même temps, que tout citoyen est fondé à invoquer les dispositions d’une directive non transposée qui lui seraient favorables, dès lors que le délai de transposition est expiré.

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

05/11/2009