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Syndicats secondaires organisation créée par le règlement de copropriété action en nullité de la clause Pluralité de bâtiments (non) ; Illégalité de l’organisation en syndicat
secondaires Inexistence (non)
Suppression (oui) CA Paris, 23e ch., sect. B., 11 oct.
2007, Synd. sec.
immeuble 133/139 Avenue d'Italie à Paris c/ Synd. princ. 133/139 Avenue
d'Italie et a. : ( ... ) Considérant que les appelants et intervenants remarquent que la clause litigieuse ne prévoyait pas la constitution de syndicats secondaires mais qu'elle les créait en même temps que le syndicat principal, que la création des syndicats secondaires ne résulte pas de la décision d'une assemblée spéciale mais est édictée par l'acte constitutif de la copropriété; qu'elle en déduit, en se référant au principe de liberté contractuelle, que la constitution, par le règlement de copropriété, de syndicats secondaires, est « totalement étrangère au champ d'application» de l'article 27 de la loi du 10 juillet 1965 et donc que les conditions prévues par ce texte pour la création de syndicats secondaires ne sont pas applicables; Mais considérant que, comme le disent eux-mêmes les appelants et intervenants, la copropriété est un « espace limité de liberté contractuelle»; que la liberté contractuelle est limitée par les dispositions d'ordre public de la loi; que celle-ci définit les conditions de fond qui doivent être remplies pour que des syndicats secondaires puissent être créés; qu'il n'y a aucune raison que ces conditions de fond ne s'appliquent pas lorsque les syndicats sont créés selon des conditions de forme non prévues par la loi, c'est-à-dire en fait de manière irrégulière quant à la forme; que le texte a une portée générale; que le législateur a voulu qu'il ne puisse y avoir de syndicats secondaires que lorsque l’immeuble comporte plusieurs bâtiments; qui! ne peut avoir voulu, ce qui n'aurait aucune raison d'être, qu’il puisse y avoir des syndicats secondaires lorsque la copropriété comporte un seul bâtiment, pourvu que ce soit le syndicat principal qui l’ait décidé.; Considérant qu’il résulte des photographies y compris aérienne, des plans et schémas versés aux débats que les « bâtiments A et B » sont d'un seul tenant et n'en constituent qu'un seul, même si une partie du bâtiment a deux étages de plus que l'autre; que la photographie de face fait apparaître un seul bâtiment, dont le quart inférieur est occupé par un garage Citroën, et les trois quarts supérieurs légèrement en forme de « S », par des logements; que le syndicat principal remarque que l'ensemble des bâtiments» sont imbriqués les uns dans les autres et communiquent entre eux, que les deux sous-sols des bâtiments A, B et E sont d'un seul tenant, que le rez-de-chaussée et le 1e étage sont également d'un même tenant et que les niveaux supérieurs qui s'élèvent jusqu'à 14 niveaux en une partie, 16 niveaux en une autre partie de la surface occupée par le sous-sol, sont structurellement uniques et d'un seul tenant; que la SCI de l'immeuble Avenue d'Italie et les consorts Piguet indiquent aussi que les deux sous-sols sont d'un seul tenant, qu'au rez-de-chaussée il n'y a aucune séparation entre les bâtiments théoriques A, B, D et E, que ce dernier s'arrête au premier niveau mais qu'au second niveau, il n'y a aucune séparation dans ce qui est appelé bâtiment A, B et D, que le sous-sol, rez-de-chaussée, 1e et 2e niveaux du local commercial s'étendent sur toute la copropriété, qu'aucune circulation n'est possible à pied ou en voiture sans traverser en permanence l'ensemble des 4 espaces; que l'autonomie de gestion administrative issue des parties communes spéciales concernent deux groupes de copropriétaires, le groupe habitation et le groupe commercial; que ceux-ci ne correspondent pas à la réunion en «bâtiments» et en syndicats secondaires; que les locaux commerciaux se situent aux niveaux inférieurs de l'ensemble de l'immeuble et les locaux d'habitation aux niveaux supérieurs de celui-ci; que les différentes parties de l'immeuble appelées bâtiments apparaissent physiquement constituer un seul bâtiment et sont interdépendantes; que les éléments que font valoir les appelants et intervenants, notamment le fait que l'un des « bâtiments ait 16 étages et l'autre 14, que l'un soit légèrement en retrait par rapport à l’autre, donnant en fait seulement aux étages supérieurs du bâtiment son apparence d'une structure en « S » , ne sont pas de nature à combattre efficacement les autres éléments rappelés ci-dessus et par les intimés; Considérant qu'il résulte de ce qui précède et des motifs non contraires du Tribunal que la condition matérielle de distinction des bâtiments prévue par la loi pour permettre la création de syndicats secondaires n'est pas réunie en l'espèce; Considérant que le Tribunal en a tiré les justes conséquences; que la Cour ne peut, comme le lui demandent la SCI et les consorts Piguet dire que les syndicats secondaires sont réputés n'avoir jamais existé : que l'irrégularité de leur constitution ne peut préjudicier aux droits des tiers; qu'ils ont acquis la personnalité juridique de manière opposable aux tiers et ne sont pas inexistants; qu'ils doivent seulement être supprimés, comme l'a ordonné le Tribunal, cette suppression entraînant le transfert de leur patrimoine actif et passif au syndicat principal dont ils sont des émanations irrégulières; Commentaires : L’organisation des groupes d’immeubles en syndicats
secondaires est une innovation des praticiens antérieure à 1965. Elle
existait alors à la naissance de la copropriété et le règlement de
copropriété comportait les dispositions appropriées. Le législateur de 1965 a repris l’idée.. Il n’a pas cru devoir « codifier » l’œuvre des
praticiens parce qu’elle entrait sans nul doute dans le domaine laissé à
l’autonomie de la convention. M. Daniel Sizaire l’a fort bien expliqué dès
1969 dans son commentaire du nouveau régime de la copropriété [1] Il s’agissait pour les praticiens
« d’aboutir à une spécialisation des décisions et des responsabilités de
gestion » [2] .
Postérieurement à la loi, il précisait : « On relèvera tout de
suite qu’il n’y a aucune raison de ne pas reconnaître la possibilité au règlement de copropriété d’origine de
prévoir la constitution d’un ou plusieurs syndicats secondaires ».
L’auteur évoque justement les remarquables montages de Me Thibierge et de ses
confrères notaires. Le législateur a
voulu permettre aux copropriétaires d’adopter cette organisation lorsqu’elle
n’avait pas été prévue par le règlement de copropriété. On retrouve des
observations identiques dans les travaux de Mme Kischinewski-Broquisse [3] et
de M. Viatte [4] . Dans l’article 27 de la loi, la création d’un syndicat
secondaire se présente comme un avatar dans la vie d’un groupe d’immeubles.
Les propriétaires des lots constituant l’un des bâtiments souhaitent acquérir
une certaine autonomie de gestion. C’est une forme atténuée du retrait de la
copropriété, propre à remédier à des tensions avec les copropriétaires des
autres bâtiments. On se trouve alors en présence d’un syndicat principal qui
groupe trois bâtiments et d’un quatrième bâtiment constitué en syndicat
secondaire. Le texte permet néanmoins la création concertée d’une
organisation globale : chacun des quatre bâtiments est alors constitué
en syndicat secondaire et le syndicat principal a pour objet l’administration
et la gestion des parties communes générales comme le terrain, la voirie et
la chaufferie par exemple. Dans l’un ou l’autre cas, ces modifications intervenant
au cours de la vie de la communauté ne sont pas goûtées pas tous les
copropriétaires. Le contentieux des syndicats secondaires a été alimenté par
des contestations fondées le plus souvent sur le non-respect de la condition
de pluralité des bâtiments posée l’article 27. En un mot : il faut, pour
pouvoir constituer les propriétaires des lots constituant un bâtiment en
syndicat secondaire, que ce bâtiment soit indépendant des autres. Cette indépendance s’apprécie essentiellement à propos du
gros-œuvre. L’existence d’éléments d’équipement commun ou de services communs
comme le chauffage ne fait pas obstacle à la création d’un syndicat
secondaire. Il est habituellement jugé que des bâtiments accolés avec des
escaliers distincts ne peuvent être constitués en syndicats secondaires car
les fondations et les couvertures sont communes et qu’ils « constituent
un ensemble architectural dont l’entretien et la conservation nécessitent une
unité de gestion de la part de la copropriété » [5] On
doit pourtant rappeler que Me Thibierge et M. Sizaire estimaient souhaitable
de pouvoir créer des syndicats secondaires « aussitôt qu’un immeuble
comporte plusieurs parties, celles-ci seraient-elles techniquement imbriquées
au point de constituer un seul ouvrage [6] . L’arrêt commenté présente la particularité de
traiter de la demande en « annulation » d’une organisation initiale
en syndicats secondaires. La Cour d’appel s’est livrée à une étude technique très
approfondie pour conclure à l’absence d’indépendance des bâtiments et juger
que l’ensemble ne satisfaisait pas à la condition de pluralité des bâtiments.
Elle fait valoir ensuite qu’il ne peut y avoir
inexistence de l’organisation prévue par le règlement de copropriété
« puisque les syndicats secondaires ont
acquis la personnalité juridique de manière opposable aux
tiers ». Il y a lieu de prescrire « la suppression des syndicats
secondaires et le transfert de leur patrimoine actif et passif au syndicat
principal dont ils sont les émanations irrégulières ». Tout cela est peut-être dit un peu vite ! Le litige porte ici sur la validité de la clause du
règlement de copropriété portant création de syndicats secondaires. Les appelants (favorables à la validité) ont soutenu que
la création des syndicats secondaires ne résulte pas de la décision d’une
assemblée spéciale mais est édictée par l’acte constitutif de la copropriété.
Sur le fondement de la liberté contractuelle, ils prétendent que cette
constitution est totalement étrangère au champ d’application de l’article 27
de la loi et que, par conséquent, les conditions prévues par ce texte pour la
création de syndicats secondaires ne sont pas applicables. Cette argumentation vraisemblablement tirée des ouvrages
que nous avons cités n’est pas sans intérêt ! Comme il a été indiqué plus haut, le législateur a laissé
pleine liberté aux praticiens d’organiser comme ils l’entendaient les
constructions dont l’établissement du règlement de copropriété leur était
confié. L’article 27, dont la rédaction est conforme à celle du projet de
loi, ne concerne que les syndicats dont le règlement de copropriété ne
comporte pas ce type d’organisation. On peut en dire autant de la condition
qu’il comporte. Cette affirmation vaut aussi bien pour les syndicats
constitués avant 1965 que pour les syndicats constitués postérieurement. De plus, l’objet de l’article 27 est différent de l’objet
des praticiens du temps passé. La raison d’être du syndicat secondaire est
fondamentalement différente dans chacun de ces cas : une organisation
globale cohérente et préétablie dans un cas, un retrait atténué de la
copropriété dans l’autre. Ajoutons que l’utilisation des dispositions de l’article
27 dans le cas de création concertée d’une organisation globale
postérieurement à la naissance de la copropriété ne modifie pas l’objet de
cette concertation qui rejoint sans nul doute le premier cas. Il est permis
aux praticiens libres de leur rédaction d’insérer dans le règlement de
copropriété des dispositions de la loi de 1965 comme il est permis aux
rédacteurs de statuts d’associations syndicales libres d’y insérer des
dispositions du statut de la copropriété. La Cour d’appel répond »; que la liberté contractuelle est limitée par les dispositions d'ordre public de la loi; que celle-ci définit les conditions de fond qui doivent être remplies pour que des syndicats secondaires puissent être créés; qu'il n'y a aucune raison que ces conditions de fond ne s'appliquent pas lorsque les syndicats sont créés selon des conditions de forme non prévues par la loi, c'est-à-dire en fait de manière irrégulière quant à la forme; que le texte a une portée générale; que le législateur a voulu qu'il ne puisse y avoir de syndicats secondaires que lorsque l’immeuble comporte plusieurs bâtiments; qu’il ne peut avoir voulu, ce qui n'aurait aucune raison d'être, qu’il puisse y avoir des syndicats secondaires lorsque la copropriété comporte un seul bâtiment, pourvu que ce soit le syndicat principal qui l’ait décidé.; Relevons d’abord : « lorsque les
syndicats sont créés selon des conditions de forme non prévues par la loi, c'est-à-dire en fait de manière irrégulière quant à
la forme ; » C’est nier,
semble-t-il, la possibilité de créer une organisation globale en syndicats
secondaires dans le règlement de copropriété initial !!!!! Ce sont alors
des milliers de règlements de copropriété dont le contenu à cet égard serait
remis en cause ! Nous avons vu que tel n’était pas le vœu du
Législateur. Et encore : « qu’il [le législateur] ne
peut avoir voulu, ce qui n'aurait aucune raison d'être, qu’il puisse y
avoir des syndicats secondaires
lorsque la copropriété comporte un seul bâtiment, pourvu
que ce soit le syndicat principal qui l’ait décidé » Dans
le cas d’organisation initiale en syndicats secondaires par le règlement de
copropriété, ce n’est évidemment pas le syndicat principal qui a décidé. Ce
sont les créateurs de la copropriété et, de nos jours, par le jeu d’une
fiction juridique, le promoteur et les premiers acquéreurs ayant
« adhéré » au règlement de copropriété. On peut, certes, admettre que la cible privilégiée de
l’organisation en syndicats secondaires, qu’elle soit initiale ou postérieure
à la naissance de la copropriété, est constituée par des groupes d’immeubles
dont les bâtiments sont réellement distincts. Mais l’expérience montre que
certains ensembles ne répondant pas à cette condition et néanmoins organisés
en syndicats secondaires fonctionnent parfaitement. Preuve en est que c’est
sans doute la première fois l’on se trouve en présence d’une demande tendant
à « l’annulation » de cette organisation. Autant dire que les juristes auront matière à gloser sur la
motivation. Il serait intéressant de suivre un éventuel pourvoi ! Les conséquences pratiques de la décision, si elle devient définitive, ne seront pas négligeables. Il ne s’agit pas tant du transfert de leur patrimoine actif et passif au syndicat principal qui ne peut s’entendre que des créances et des dettes, que du changement d’état des parties communes spéciales qui deviendront parties communes générales. Les parties, contrairement à ce que croit la Cour d’appel, n’entrent pas dans le patrimoine des syndicats. Elles sont indivises entre les copropriétaires et portées comme telles au fichier immobilier ! Joli dossier pour un notaire ! |
Mise à jour |
[1] D. Sizaire Le statut de la copropriété des immeubles bâtis Librairies techniques Paris 1969 n° 124
[2] D. Sizaire op. cit n° 200 note 483
[3] E. Kischinewski-Broquisse La copropriété Paris 1978 n° 319 et 320
[4] Viatte Le statut de la copropriété J. Notaires août 1969 p. 831
[5] CA Lyon 22/01/1981 JCP N 1983 II p.
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[6] Thibierge Formules de règlements de copropriété Rep. Gen. Not. 1967 formule 2915