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Résidence services en copropriété

Services assurés par le syndicat des copropriétaires

Statut juridique de la directrice des services

Régime « cadre dirigeant » (non)

Paiement des heures supplémentaires (oui)

 

 

 

Cour d’appel d’Angers  chambre sociale  13 novembre 2007

Conseil de Prud’hommes d’ANGERS, 08 Mars 2006,

N° de pourvoi: 06/00648

 

 

 

COUR D’APPEL  D’ANGERS

Chambre Sociale

 

 

APPELANTE :

Madame Marie-Paule X...

 

INTIME :

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DES JARDINS D’ARCADIE  49100 ANGERS

 

 

 

 

Marie-Paule X... a été engagée en 1989 par le Syndicat des Copropriétaires des Jardins d’Arcadie en qualité de secrétaire comptable. Promue ensuite adjointe de direction, elle est devenue directrice de la résidence en 1995, statut cadre.

 

Se plaignant de ses conditions de travail, la contraignant à effectuer de très nombreuses heures supplémentaires non régularisées, Marie-Paule X... a saisi le conseil de prud’hommes d’une importante demande en paiement d’heures supplémentaires et d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat, début 2004.

 

Par jugement en date du 8 mars 2006, le conseil de prud’hommes d’Angers a débouté Marie-Paule X... de ses demandes.

 

Marie-Paule X... a formé appel de cette décision.

 

 

En cours de procédure d’appel, elle a fait l’objet d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse, selon lettre recommandée avec accusé de réception du 29 mai 2006.

 

Dans ses dernières conclusions en date du 11 septembre 2007, Marie-Paule X... a formé les demandes suivantes :

 

-Infirmer la décision des premiers juges ;

-Condamner le Syndicat des Copropriétaires des Jardins d’Arcadie à verser à Marie-Paule X..., outre intérêts, s’agissant de salaires, à compter de la demande du 22 mars 2004 :

* 84. 974,33 € bruts (congés payés compris) au titre des heures supplémentaires,

* 2459,01 € bruts au titre de 6 jours fériés travaillés,

* 245,90 € bruts d’incidence de congés payés,

* 20772,38 € bruts au titre des samedis et dimanches travaillés,

* 2077,23 € bruts d’incidence de congés payés.

 

-Ordonner, sous astreinte, la rectification des bulletins de salaire correspondants ; se réserver de liquider l’astreinte ;

-Prononcer, à la date du licenciement intervenu ultérieurement, le 29 mai 2006 la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts du Syndicat des Copropriétaires ;

 

-Condamner en conséquence le Syndicat des Copropriétaires à :

* rectifier le certificat de travail et l’attestation Assedic en conséquence,

* verser à Marie-Paule X... : 59536 € à titre de dommages et intérêts.

 

-Subsidiairement, dire le licenciement du 29 mai 2006 dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

 

-Condamner en conséquence le Syndicat des Copropriétaires à verser à Marie-Paule X... 59536 € à titre de dommages et intérêts ;

 

-Condamner le Syndicat des Copropriétaires aux dépens ;

 

-Le condamner à verser à Marie-Paule X... la somme de 5000 € par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

 

Le Syndicat des Copropriétaires des Jardins d’Arcadie a conclu au rejet des demandes adverses. Il demande 50000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et 5000 € par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

 

 

******

 

 

Le débat porte en premier lieu sur la qualité de cadre dirigeant invoquée par le Syndicat pour sa salariée, et déniée par elle.

 

Il résulte de l’article L. 212-15-1 du code du travail que les cadres dirigeants ne sont pas soumis à la législation relative à la durée du travail.

 

Le Syndicat soutient que Marie-Paule X... avait la qualité de cadre dirigeant.

 

Il fait valoir que la salariée occupait des fonctions de direction, avec les pouvoirs les plus étendus en matière d’animation, de gestion tant administrative que comptable et qu’elle assumait ses larges responsabilités dans une totale autonomie, notamment au plan de l’organisation de son temps de travail.

 

La salariée fait valoir que sa qualité de directrice salariée de la structure, ne peut en aucun cas être assimilée à la situation d’un cadre dirigeant, au sens de la loi.

 

Il résulte des écritures, que Marie-Paule X... exerçait les tâches suivantes de façon habituelle :

 

 

-recherche du personnel pour assurer les remplacements, signature des contrat à durée déterminée de courte durée, à l’exclusion des contrat à durée indéterminée ;

-gestion de paie ;

-tenue de la comptabilité de la résidence ;

-tenue de la comptabilité du restaurant ;

-surveillance du respect des budgets ;

-contrôle des menus ;

-préparation de manifestations et animations ;

-formation des futurs résidents ;

-liaison avec le syndic ;

-préparation des réunions du conseil syndical et des assemblées générales, avec le syndic.

 

 

Il résulte de l’article L. 212-15-1 du code du travail, qu’ont la qualité de cadres dirigeants, ceux auxquels sont confiés des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome, et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés de l’entreprise.

 

Au regard des critères de qualification du cadre dirigeant, on peut estimer que deux d’entre eux, touchant à la faculté pour le salarié d’organiser son travail de façon autonome et à la perception du salaire le plus élevé de l’entreprise. (20000 € sur 13 mois) sont réunis.

 

En revanche, le critère touchant à l’importance des responsabilités exercées et à l’aptitude de la salariée à engager l’entreprise fait difficulté.

 

 

La notion de cadre dirigeant renvoie de façon nécessaire à l’existence sinon d’une délégation générale consentie au salarié, du moins d’une délégation très étendue.

 

La liste des tâches effectuées par la salariée montre qu’elle avait en charge le fonctionnement quotidien de la résidence.

 

En revanche, les décisions les plus importantes et les plus sensibles en matière d’investissement, en matière financière et en matière d’embauche lui échappaient et demeuraient entre les mains du Syndicat. Par ailleurs, elle ne bénéficiait pas d’une délégation pour faire fonctionner le compte bancaire (attestation A... page 3) ni en matière disciplinaire (même attestation).

 

Dans ces conditions, les tâches de gestion et d’animation exercées par la salariée, même dans une grande autonomie, ne suffisent pas à lui conférer le statut de cadre dirigeant et à faire échapper Marie-Paule X... à la législation sur la durée du travail.

 

******

 

 

A titre subsidiaire, le Syndicat s’oppose à la demande d’heures supplémentaires.

 

Il objecte à la salariée que, chargée de la paie, y compris la sienne, elle n’a jamais fait figurer d’heures supplémentaires sur ses bulletins de salaire.

 

Cet élément n’est pas déterminant et ne peut s’analyser en une renonciation à réclamer de telles heures. Il ne constitue pas plus l’aveu par la salariée de l’inexistence de telles heures.

 

Il s’agit d’un simple élément de contexte, à apprécier avec les autres éléments versés, de même que le fait de ne pas avoir présenté de réclamations à ce sujet avant novembre 2003.

 

Le Syndicat conteste la demande, en faisant valoir que la charge de travail de la directrice ne justifiait pas l’exécution de telles heures, dont il n’a pas été informé, et qu’il ne pouvait dès lors ni les commander, ni les approuver.

 

La salariée verse des attestations et pièces étayant suffisamment sa demande.

 

Plusieurs attestants indiquent qu’elle abrégeait de façon régulière sa pause déjeuner, et qu’en de nombreuses occasions, elle se trouvait présente à la résidence le soir jusqu’à 20 heures ou certains dimanches ou jours fériés.

 

Les pièces versées par la salariée, contrairement à ce que soutient l’employeur, sont suffisantes pour établir que des heures ont été réalisées par la salariée au-delà de l’horaire légal pendant la période visée.

 

L’employeur objecte qu’il n’était pas au courant de ces heures et qu’il ne les a ni commandées, ni approuvées.

 

Il résulte incontestablement des écrits du syndic alors en exercice (Monsieur A...) et du président du conseil syndical (Monsieur B...) que ceux-ci étaient au courant de la réalisation d’heures supplémentaires, qu’ils ont pu constater par eux-mêmes (A...) la salariée ayant d’ailleurs saisi ces personnes en plusieurs occasions, d’une demande tendant à un allégement de ses tâches.

 

La Copropriété objecte encore que les tâches confiées pouvaient être réalisées à l’intérieur de la durée légale du travail et ne justifiaient pas la réalisation d’heures supplémentaires.

 

Il résulte cependant des pièces versées par la salariée et en particulier des écrits précis du syndic et du président du conseil syndical (Messieurs A... et B...) que les heures supplémentaires n’étaient pas ponctuelles et liées à tel ou tel événement particulier, mais procédaient de l’organisation mise en place en 1995, qui plaçait la salariée, adonnée à de multiples tâches, dans une position difficile.

 

Il importe peu, de ce point de vue, que la salariée en sa précédente qualité d’adjointe ait pu se faire une idée de cette situation, puisqu’en tout état de cause, il ne peut y avoir de renonciation valide d’un salarié à réclamer par avance le paiement d’heures supplémentaires.

 

Le principe de l’existence d’un certain nombre d’heures supplémentaires ne paraît pas discutable.

 

En revanche, l’appréciation de leur volume pose un problème.

 

Les attestations versées par Marie-Paule X... sont relativement générales, et la salariée n’a pas elle-même établi un décompte précis, semaine après semaine.

 

Elle a formé une appréciation globale de sa durée du travail, pour parvenir à une moyenne hebdomadaire sur la base de 10 heures par jour de travail effectif.

 

L’appréciation par la salariée du volume de ses heures supplémentaires a varié également, puisqu’elle avait présenté amiablement une réclamation en paiement de plus de 170000 € à ce titre, demande sensiblement diminuée lors de l’introduction de son action devant le conseil de prud’hommes.

 

L’importance des demandes et l’indétermination du volume des heures à rémunérer justifient qu’une mesure d’expertise soit ordonnée.

 

Il convient de tarder à statuer sur les autres demandes, la solution de cette question particulière conditionnant largement la suite du litige.

 

 

PAR CES MOTIFS

 

 

Statuant publiquement et contradictoirement ;

 

Ordonne une expertise ;

 

Désigne Monsieur C..., demeurant ...avec pour mission de rechercher le nombre d’heures supplémentaires effectuées par la salariée pendant la période visée (1999-2003), et déterminer la créance salariale en résultant, tant au titre des heures supplémentaires que des dimanches et jours fériés ;

 

Ordonne la consignation par le Syndicat des Copropriétaires des Jardins d’Arcadie d’une somme de 3500 € à titre de provision sur les frais d’expertise, au greffe de la cour d’appel, dans les deux mois de la notification de l’arrêt ;

 

Dit que l’expert disposera d’un délai de six mois pour déposer son rapport à compter de l’avis de consignation ;

 

Tarde à statuer sur les autres demandes ;

 

Réserve les dépens.

 

 

 

Commentaire :

 

L’arrêt présente l’intérêt de traiter du régime juridique de la directrice des services d’une résidence-services en copropriété à l’égard de la législation du travail.

 

La salariée réclamait le paiement d’heures supplémentaires. Le syndicat employeur invoquait l’article L. 212-15-1 du code du travail en vertu duquel les cadres dirigeants ne sont pas soumis à la législation relative à la durée du travail. L’arrêt indique qu’elle avait été embauchée comme secrétaire comptable puis promue ensuite adjointe de direction, et devenue directrice de la résidence en 1995, statut cadre.

 

Les parties n’ont fait aucune référence à une convention collective.

La Cour présente une analyse assez fine de la notion de cadre dirigeant et en tire une conclusion qui paraît conforme aux éléments de l’espèce. La directrice pouvait au mieux être considérée comme cadre supérieur. Elle était donc soumise à la législation relative à la durée du travail.

Le cas des résidences-services en copropriété présente à cet égard des particularités lorsque le syndicat conserve la maîtrise des services spécialisés. Les décisions essentielles sont prises par l’assemblée générale et le syndic est chargé de les mettre en œuvre.

La Cour a noté que la directrice conservait une certaine autonomie pour la gestion des services mais ne bénéficiait pas de délégations du syndicat pour les questions relevant de la compétence de l’assemblée générale ou de celle du syndic.

 

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

04/09/2008