043608

 

 

Approbation des comptes

Réserves ; Imputation privative d’une charge

Nécessité d’une délibération singulière

Nécessité de l’inscription de la question à l’ordre du jour (oui)

Nullité de la résolution adoptée

 

 

CA Aix-en-Provence 15 février 2008

Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 10 Mars 2006 n° 04 / 4931

N° de pourvoi: 06/07455

 

COUR D’ APPEL D’ AIX EN PROVENCE 4e Chambre A

 

No 2008 / 66

Rôle No 06 / 07455

 

 

Gérard X...

C / Syndicat des Copropriétaires COMMUNAUTE IMMOBILIERE CHRISTINA PARK

 

Décision déférée à la Cour :

 

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 10 Mars 2006 enregistré au répertoire général sous le no 04 / 4931.

 

APPELANT

Monsieur Gérard X...

 

INTIME

Syndicat des Copropriétaires CHRISTINA PARK sis...- 06400 CANNES

 

 

ARRÊT

Contradictoire,

 

 

FAITS, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

 

***

Monsieur Gérard X... est propriétaire de divers lots au sein de l’ immeuble en copropriété dénommé “ CHRISTINA PARK “ situé à Cannes, aux ....

 

Une assemblée générale des copropriétaires s’est réunie le 14 juin 2004, monsieur Gérard X... étant absent, qui a adopté la résolution No 2 suivante :

 

À l’ issue de la discussion entre les copropriétaires, il est procédé au vote de la résolution suivante : L’ assemblée générale approuve les comptes de l’ exercice du 01 / 01 / 2003 au 31 / 12 / 2003 et l’ état de répartition des charges entre les copropriétaires, à l’ exception de deux factures de l’ entreprise BAGGIERI (135, 04 € et 1. 214, 16 €) que l’ assemblée générale demande au syndic d’ imputer sur le compte privatif de monsieur X... au titre de l’ aggravation des charges. Par ailleurs, l’ assemblée générale émet toutes réserves sur le surplus d’ eau de cette année dans l’ attente du contrôle des canalisations.

 

Dans le cadre des débats préalables au vote de cette résolution, il avait été observé qu’ il s’ agissait d’ un problème survenu à la suite, semble- t- il, d’ une défectuosité de l’ échangeur desservant la piscine de l’ appartement de monsieur X... qui a nécessité le changement des deux vases d’ expansion.

 

Par exploit délivré le 6 août 2004, monsieur Gérard X... a fait assigner le syndicat des copropriétaires “ CHRISTINA PARK “ à comparaître devant le Tribunal de grande instance de Grasse pour voir annuler cette résolution No 2 de l’ assemblée générale du 14 juin 2004 et voir condamner ce syndicat à lui payer la somme de 3. 000 € à titre de dommages et intérêts.

 

Le syndicat des copropriétaires s’ étant opposé à ces demandes, par jugement prononcé le 10 mars 2006, le Tribunal de grande instance de Grasse :

 

- Déboutait monsieur Gérard X... de son moyen de nullité de la seconde résolution de l’ assemblée générale du 14 juin 2004 pour inobservation de l’ ordre du jour,

 

Avant dire droit sur l’ éventuel caractère abusif de cette résolution,

- Ordonnait une expertise,

- Réservait les demandes et les dépens.

 

***

 

Par déclaration au greffe de la présente Cour le 20 avril 2006, monsieur Gérard X... a interjeté appel de ce jugement prononcé le 10 mars 2006 par le Tribunal de grande instance de Grasse.

 

Il entend :

- Que le jugement entrepris soit infirmé,

- Que le syndicat des copropriétaires “ CHRISTINA PARK “ soit débouté de ses demandes,

- Que la deuxième résolution de l’ assemblée générale du 14 juin 2004 soit annulée,

- Que soit appliqué l’ article 10- 1 de la loi du 10 juillet 1965,

- Que le syndicat des copropriétaires “ CHRISTINA PARK “ soit condamné à lui payer la somme de 3. 000 € à titre de dommages et intérêts outre celle de 3. 000 € en application des dispositions de l’ article 700 du nouveau code de procédure civile,

 

- Qu’ il soit encore condamné aux dépens de première instance et d’ appel.

 

***

 

Au soutien de son recours, il fait valoir utilement :

 

- Que la transformation d’ une décision générale (approbation des comptes du syndicat) en une décision spéciale et individuelle (imputation d’ une dépense à un copropriétaire) constitue bien un changement radical de l’ ordre du jour,

 

- Que la majorité ne pouvait se substituer à la justice pour prétendre constater la responsabilité de monsieur X... dans l’ aggravation des charges alléguée,

 

- Que la clause d’ aggravation des charges ne pouvait justifier la décision majoritaire discutée.

 

***

 

Le syndicat des copropriétaires “ CHRISTINA PARK “ demande à la Cour :

 

- De confirmer le jugement entrepris,

- De débouter monsieur Gérard X... de l’ intégralité de ses chefs de demande,

- De le condamner à lui payer la somme de 5. 000 € à titre de dommages et intérêts,

- De le condamner encore à lui payer la somme de 3. 000 € en application des dispositions de l’ article 700 du nouveau code de procédure civile,

- De le condamner enfin aux dépens d’ appel.

 

***

 

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir utilement :

 

- Que la résolution litigieuse a été adoptée en l’état des constatations faites par l’ entreprise de plomberie BAGGIERI et dans la mesure où il est apparu que certaines charges étaient dues au fait ou tout au moins aux installations de monsieur X...,

- Que l’ approbation et la répartition des charges était prévue à l’ ordre du jour,

- Que l’ assemblée générale n’ a fait que modifier la répartition des charges telle qu’ elle était prévue par les comptes connus des copropriétaires convoqués.

 

***

 

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

*

 

1 / Attendu, aux termes de l’ article 13 du Décret du 17 mars 1967, que l’ assemblée générale des copropriétaires ne peut prendre de décision valide que sur les questions soumises à l’ ordre du jour ;

 

Attendu que l’ imputation d’ une dépense spécifique à un copropriétaire déterminé, contraire au principe de répartition prévu par le règlement de copropriété, justifie en elle- même une délibération singulière qui comme telle doit figurer à l’ ordre du jour et en tout cas, dès lors qu’ elle fait grief à ce copropriétaire et peut être de nature à rompre le principe d’ égalité, ne saurait être traitée sans la moindre mention particulière dans le cadre de la question générale de l’ approbation des comptes et de la répartition des charges ;

 

Attendu que tel a pourtant été la cas en l’ espèce pour ce qui concerne la résolution litigieuse qui, censée répondre à la question de l’ approbation des comptes et de la répartition des charges, a imputé spécialement à monsieur X..., copropriétaire, deux factures de 135, 04 € et 1. 214, 16 € ;

 

Attendu, dès lors, qu’ infirmant le jugement entrepris, il convient d’ annuler cette résolution ;

 

2 / Attendu cependant que monsieur X... ne démontre, à l’ appui de sa demande en paiement de dommages et intérêts, aucun préjudice autre que celui, procédural, qui a vocation à être indemnisé par l’ application des dispositions de l’ article 700 du code de procédure civile ;

Attendu en conséquence que cette demande doit être rejetée ;

 

3 / Et attendu que les dispositions du second alinéa de l’ article 10- 1 b / de la loi du 10 juillet 1965 relatives à la dispense de toute participation à la dépense commune des frais de procédure sont applicables de plein droit ;

 

Vu les articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile,

 

PAR CES MOTIFS,

 

LA COUR,

 

STATUANT PUBLIQUEMENT, CONTRADICTOIREMENT, EN MATIÈRE CIVILE ET EN DERNIER RESSORT,

 

Reçoit l’ appel,

 

Infirme le jugement prononcé le 10 mars 2006 par le Tribunal de grande instance de Grasse,

Annule la deuxième résolution de l’ assemblée générale des copropriétaires du “ CHRISTINA PARK “ réunie le14 juin 2004,

Rejette cependant la demande en paiement de dommages et intérêts formulée par monsieur Gérard X...

Condamne le syndicat des copropriétaires “ CHRISTINA PARK “ à lui payer la somme de 2. 500 € en application des dispositions de l’ article 700 du nouveau code de procédure civile,

Condamne encore ce syndicat aux dépens de première instance et d’ appel, ordonne distraction de ceux d’ appel au profit de la SCP de SAINT FERREOL- TOUBOUL, avoués, sur leur affirmation d’ en avoir fait l’ avance.

 

 

 

commentaires

 

L’arrêt relaté présente l’intérêt de statuer sur une question pratique controversée : l’effet des réserves formulées par l’assemblée générale lors de l’approbation des comptes, et plus particulièrement lorsqu’il est décidé l’imputation à un copropriétaire d’une charge ayant en principe vocation à être répartie entre tous les copropriétaires.

 

En l’espèce l’ordre du jour de l’assemblée comportait « la question de l’ approbation des comptes et de la répartition des charges ».

Le TGI a effectué une distinction entre

- la nullité de la décision, fondée sur le défaut d’inscription à l’ordre du jour,

- et son caractère abusif.

Il a rejeté la demande en nullité, estimant que l’inscription de l’approbation de la répartition des charges était suffisante.

Il a ordonné une mesure d’information pour ce qui est du caractère abusif..

 

 

La Cour d’appel de Lyon juge que l’imputation privative « justifie en elle- même une délibération singulière qui comme telle doit figurer à l’ ordre du jour et en tout cas, dès lors qu’ elle fait grief à ce copropriétaire et peut être de nature à rompre le principe d’ égalité, ne saurait être traitée sans la moindre mention particulière dans le cadre de la question générale de l’ approbation des comptes et de la répartition des charges ; ».

 

Il faut retenir l’expression de « délibération singulière » qui est excellente.

Comme telle, elle exige une mention particulière dans l’ordre du jour. Il est en effet normal que le copropriétaire concerné soit informé de sa mise en cause. On revient ici à l’exigence du débat contradictoire.

 

On revient également à la nécessité d’un contrôle préalable des comptes par le conseil syndical et à l’établissement d’un rapport écrit joint à la convocation. En l’espèce, on y aurait sans doute trouvé mention d’une demande d’imputation privative de la charge litigieuse.

Dans la pratique il serait possible d’inscrire à l’ordre du jour l’examen des réserves proposées par le conseil syndical sans qu’il soit forcément nécessaire de les énumérer. Ceci étant, une question très particulière comme celle évoquée ici pourrait avantageusement être distinguée de réserves plus modestes.

Si cette procédure est respectée, la décision peut être régulièrement prise.

 

Il reste que la réserve peut être formulée en cours d’assemblée par un copropriétaire. Notre solution ne peut alors être utilisée.

 

 

Un autre sujet de controverse est de savoir si l’assemblée générale a compétence pour approuver la répartition des charges par une décision opposable à tous les copropriétaires.

On considérait à l’origine [1] que l'approbation des comptes généraux du syndicat couvrait

- l'ensemble des opérations financières, tant pour leur réalité que pour leur montant

- et les modalités de répartition entre lots qui ont été appliquées

Cette solution assurait la consolidation des comptes aussi bien dans les relations entre le syndic et le syndicat que dans les relations entre les copropriétaires.

Ce second aspect de la consolidation a disparu. Il a été jugé que tout copropriétaire peut demander la rectification d’erreurs commises par le syndic dans l’établissement des comptes individuels pendant dix ans, et que ces erreurs peuvent s’entendre aussi bien d’erreurs ou omissions matérielles que d’erreurs alléguées dans le mode de répartition des charges.

Le décret du 27 mai 2004 a entériné cette solution dans l’article 45-1 qui précise que « l’approbation des comptes du syndicat par l’assemblée générale ne constitue pas une approbation du compte individuel de chacun des copropriétaires ». Ce texte ne s’applique pas à la présente instance puisque l’assemblée est de 2003 mais le courant de jurisprudence était déjà en place.

A cet égard, le statut de la copropriété laisse une large place à l’insécurité juridique.

Cela est très regrettable.

 

 

 

 

 

Mise à jour

08/07/2008

 

 

 



[1]  Cass. civ. 13/03/1979 Administrer août 1979 note Guillot