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NOTRE JURISPRUDENCE : TRUST OU HOLD UP La loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 est dite loi Lemaire, mais aussi
loi pour une République numérique. En mars 2019 les décrets d’application ne sont pas sortis. C’est un
barrage manifeste du pouvoir réglementaire à l’encontre du pouvoir législatif.
Nous laisserons à plus savant que nous en droit public le soin de préciser quelles
mesures on pourrait en tirer. Notre propos est restreint au traitement de la
jurisprudence. Elle a été avant tout un support de l’enseignement du droit. Nous avons exploré les Dalloz, Sirey ; épluché les Gazette du
Palais hebdomadaires avant de les retrouver en publications semestrielles. En
faculté, la seconde séance de travaux pratiques était consacrée à l’apprentissage
de la recherche des arrêts. Quelques semaines plus tard on passait à la
science intimidante du commentaire d’arrêt. Nous avons connu les premiers travaux de la Cour de cassation pour l’informatisation
de sa production, les premières exploitations par des entreprises privées
puis enfin l’aboutissement des travaux de Legifrance. S’est posée peu à peu la question de l’anonymisation des décisions
publiées. Mademoiselle Jeand’heur a-t-elle souffert
de la célébrité de l’arrêt des Chambres réunies du 13 février 1930 ? On
peut se le demander à une époque où les juges d’instruction prennent
connaissance des rapports d’expertise dans la presse. Il existe sans nul
doute des situations difficiles pour les parties à une procédure civile ou
pénale. Mais on ne parviendra jamais à éviter qu’on sache que tel arrêt
anonymisé concerne l’affaire du Château Diter à
Grasse ou l’affaire Tapie. Trois ans après la promulgation de la loi Lemaire, on apprend que la
Cour de cassation qui collecte les arrêts d’appel et les siens propres souhaite
appréhender la production des Tribunaux de grande instance incluant désormais
celle des anciens tribunaux d’instance. Retrouverait-on ce complément de
manne dans Légifrance ? Que deviendraient alors les éditeurs traditionnels ? Comment ignorer
que c’est en grande partie grâce à eux que s’est élaborée la Doctrine, autre
source du droit français, depuis plusieurs siècles. Même question pour les éditeurs plus récents. Nous évoquons bien
entendu les legaltechs en espérant voir disparaître cet
anglicisme récent. Le plus récent et plus ambitieux est certainement
Doctrine.fr dont l’un des fondateurs, Nicolas Bustamente
résume ainsi les projets : « Doctrine.fr est née d’un constat
simple : la recherche juridique informatique est complexe, du fait notamment
de l’accroissement
exponentiel des données juridiques. Notre
souhait était alors de créer une intelligence artificielle capable de hiérarchiser l’information juridique pour faciliter le travail de recherche des
professionnels du droit. Finalement, notre activité n’est pas nouvelle. Ce
qui est nouveau, c’est la liaison entre l’intelligence artificielle et le
droit, qui nous a d’ailleurs valu d’être très vite classés dans la catégorie
« legaltech ». Au début de l’aventure
Doctrine.fr, les éditeurs juridiques traditionnels, eux, nous ont tout de
suite catégorisés comme concurrent frontal, qui aurait eu pour objectif de
les remplacer. Ce n’est pas vrai. En effet, le problème de transparence des
données juridiques doit être résolu avec l’aide et le concours des acteurs
traditionnels et de Doctrine.fr. Notre objectif est de nous imposer en
complément de leur approche dans le but de résoudre la même problématique ». On peut comparer avec ce que la presse reproduit comme déclaration d’un
proche de la Cour de cassation : « Nous voulons créer une sorte de
CSA de la donnée judiciaire, qui permette de contrôler les instruments d’intelligence
artificielle afin d’assurer le respect des droits fondamentaux, d’éviter les
biais d’interprétation qui tordrait [sic] la jurisprudence et afin d’assurer
la transparence des solutions informatiques choisies ». Rappelons que le Conseil
supérieur de l’Audiovisuel, « Garant de la liberté de communication
audiovisuelle, […] a comme mission historique d’assurer le respect du
pluralisme politique. Les réformes successives ont ajouté des objectifs
sociaux et culturels mais aussi technologiques et économiques, pour mieux
remplir les exigences liées au service public et au respect des valeurs
fondamentales de la République. » Comme Autorité Administrative
indépendante, il est doté de pouvoirs disciplinaires importants et peut
infliger des sanctions sévères. On frémit grandement, surtout à propos d’« éviter les biais d’interprétation
qui tordrait[sic] la jurisprudence ». Présentement on ne peut négliger
les commentaires trouvés sur le site de la Cour de cassation mais on sait qu’on
a le droit d’écrire le contraire. Un évènement nouveau et important est le ralliement des avocats au
projet de la Cour de cassation. A leur manière ils sont aussi les coproducteurs
de la jurisprudence et souhaitent demeurer proches du gâteau ou de l’outil comme
on voudra. Que faut-il d’ailleurs entendre par « des avocats » ?
Comment comparer des groupes importants de plusieurs centaines d’avocats avec
des unités modestes de trois ou quatre ? Les premiers peuvent se
prévaloir d’une base de données jurisprudentielles propre. En l’état il paraît prudent de s’en tenir au vœu de conserver pour
tous l’accès à l’intégralité des décisions judiciaires en ce compris les
moyens de cassation qui sont une importante source d’information. |
Mise à
jour 30/03/2019 |