Aristophane : l'heure de l'Ecclèsia [1]
(
Les Acharniens, vers 17 à 42)

(Traduction H.Van Daele)

 

La scène est sur la Pnyx [2]. C'est l'heure de l'assemblée mais il y n'y a personne

 

 

DICEOPOLIS.[3]

Jamais encore depuis que je vais aux bains, je n'ai souffert de la potasse qui me mordait les yeux, comme je souffre aujourd'hui, où une assemblée régulière était convoquée pour l'aurore, de trouver la Pnyx vide, comme vous voyez. Nos gens cependant bavardent sur l'Agora, et pêle-mêle fuient devant la corde vermillonnée [4]. Les prytanes [5] mêmes ne sont pas là, mais arriveront en retard, et ensuite se bousculeront l'un l'autre, vous pensez comme, une fois ici, pour s'emparer du premier banc, tous ensemble comme un torrent. Mais la paix et les moyens de la faire, c'est le cadet de leurs soucis. a Patrie, ô ma patrie ! » Et moi, toujours le tout premier, j'arrive à l'assemblée, je m'assieds ; puis, comme je suis seul, je geins, je baille, je m'étire, je pète, je ne sais que faire, je dessine sur le sol, je m'arrache des poils, je fais mes comptes. Je regarde au loin du côté de mon champ, amoureux que je suis de la paix; « j'ai la ville en horreur et pleure mon village », lequel jamais encore ne m'a dit : « achète du charbon », « du vinaigre », « de l'huile » ; qui ignorait le mot « achète », mais de lui-même m'apportait tout, sans qu'il y eût cette scie « achète ». Aussi je suis venu cette fois bien décidé à crier, à interrompre, à invectiver tout orateur qui parlera d'autre chose que de paix. Mais, chut ! voici les prytanes. Et il va être midi ! Que vous disais-je ? N'est-ce pas cela ? Pour occuper les places de devant, quelle bousculade générale !

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

22/06/2005

 



[1] En grec (ici en écriture francisée) : l'assemblée. Le terme est identique en latin.

[2] Colline à l'ouest de l'Athènes antique, où se tenaient les assemblées de la cité.

[3] Diceopolis est un habitant d'Acharnes qui, ruiné par la guerre, avait conclu seul la paix avec Sparte.

[4] Des archers scythes étaient chargés de rameuter les citoyens et les diriger vers la Pnyx. Ils utilisaient pour ce faire une longue corde vermillonnée.

[5] Haut magistrat grec ; à Athènes les prytanes étaient les cinquante sénateurs des dix tributs de la Cité.