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La
gestion contestable On retrouve dans la gestion de la grippe H1N1 les mêmes
errements que dans celle de la mise en conformité des ascenseurs. Deux réserves
s’imposent toutefois : Il reste à ce jour difficile
de prévoir le volume et la gravité de la pandémie grippale. On connaissait au
contraire l’état du parc français des ascenseurs et il était facile d’affiner
en tant que de besoin les informations nécessaires. Il faut se garder d’oublier
les obligations et les risques qui pèsent sur celles et ceux qui « sont
aux manettes » et de tomber dans les discussions de comptoir. Notre propos est limité à la mise en conformité des
ascenseurs anciens. Le souci d’éviter les accidents d’ascenseurs doit
demeurer constant. C’est une évidence. Au début du présent siècle, la réglementation de la
construction, de l’entretien et de l’utilisation des ascenseurs n’était pas
lacunaire. Il suffit de se reporter à l’excellent ouvrage de Bernard
Quignard : « Ascenseur et copropriété » (Éditions Eyrolles
2000). L’éminent auteur rappelle très clairement : Les recommandations
européennes (95/216/CE), la directive 95/63/CE relative à la sécurité des équipements
de travail et le décret français n° 95-826 du 30 juin 1995. C’est l’occasion
de s’étonner une fois de plus que des dispositions spécifiques aient été
adoptées pour les seuls « travailleurs » qui, pour des appareils
identiques, perdaient une légitime protection lorsqu’ils rentraient chez eux. Les normes françaises de
l’AFNOR Les ordonnances et arrêtés
préfectoraux Les conditions normalisées
pour l’entretien fixées par l’arrêté interministériel du 11 mars 1977 L’extension indifférenciée des dispositions
réglementaires à l’ensemble du parc des ascenseurs et le respect strict des
obligations qu’elles édictaient aurait évité quelques accidents mais aussi de
nombreux incidents. L’information du public à propos des accidents graves n’a
pas été assurée correctement. Les « spécialistes profanes », -
s’intéressant aux problèmes immobiliers mais étrangers au monde des
techniciens -, ont éprouvé les plus grandes difficultés pour suivre
l’évolution des enquêtes et connaître les décisions judiciaires rendues à la
suite de ces accidents. Il faut ajouter que dans ce domaine, l’application
stricte des règles juridiques peut aboutir à des décisions judiciaires qu
sont en fort décalage avec la notion couramment ressentie de responsabilité. On trouve un exemple de ce décalage dans les arrêts
respectivement rendus par la Cour
d’appel de Lyon le 21 décembre 2006 puis la 2e chambre civile de
la Cour de cassation le 13 novembre
2008 (07-19091) à propos d’un accident survenu dans un immeuble de
l’OPAC de Saint-Etienne. La Cour d’appel avait retenu des éléments précis de l’enquête pour
juger ensuite « que l’ensemble de ces éléments permet de conclure que la
cause de la chute de M. X... est dans un usage anormal de l’ascenseur par
suite d’une manœuvre délibérée pour l’ouverture des portes à l’aide
vraisemblablement de la clé de déverrouillage, étant précisé que des
graffitis ont été trouvés sur la porte de la cabine démontrant une certaine
pratique d’ouverture illicite des portes palières, et que l’accident ne peut
être imputé qu’à la manœuvre délibérée et fautive de M. X... qui revêt un
caractère imprévisible et irrésistible pour l’OPAC, gardien de
l’ascenseur ». La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel, estimant « Qu’en
exonérant ainsi totalement l’Opac de sa responsabilité en raison d’une faute
de la victime, par des motifs impropres à en caractériser l’imprévisibilité
et l’irrésistibilité pour cet organisme, la cour d’appel a violé le texte
susvisé ». Il est évident que les justiciables ordinaires ne sont pas dans
cette ligne de pensée. (voir l’arrêt) On voit mal l’OPAC tenu de placer un préposé en permanence au pied de
chaque appareil de son parc immobilier. Il est rare que
l’on soit aussi complètement informé sur les conditions dans lesquelles un
accident est survenu. C’est finalement par les préposés des entreprises
d’ascenseurs que l’on connaît les difficultés d’intervention dans certains
immeubles, les dégradations volontaires et systématiques, les abus
d’utilisation qui sont souvent à l’origine d’incidents ou d’accidents. Pour autant il
serait absurde d’occulter d’autres responsabilités : fautes des
prestataires de services dans l’entretien des appareils, inexécution par les
propriétaires (y compris les syndicats) de travaux nécessaires, insuffisances
dans la surveillance des appareils, etc… C’est un accident
déterminé qui a été à l’origine de l’emballement pour la mise en conformité
des ascenseurs, comme un autre accident a été à l’origine de l’emballement
pour la protection des piscines. Cet emballement a
généré un déséquilibre certain entre les données du problème posé et le
volume technique et financier des solutions qui lui ont été apportées. Il convenait en
premier lieu de faire le recensement des infractions à la réglementation
existante, des difficultés éprouvées par les entreprises concernées dans
l’exécution de leur mission puis de prendre les mesures propres à remédier à
ces infractions et difficultés. On se serait trouvé alors dans le champ d’une
campagne d’action psychologique au sens propre du terme. Il convenait ensuite de prévoir sereinement une action
d’amélioration des installations existantes suffisamment étalée dans le temps
pour que ses incidences financières demeurassent compatibles avec les
facultés des copropriétaires et la nécessité de ne pas contrarier la mise en
œuvre convenable des autres opérations d’entretien des immeubles. Les dispositions de la loi du 2 juillet 2003 ont
largement débordé ce cadre raisonnable en limitant à cinq ans le délai d’exécution
d’un premier train de 9 mesures, à 10 ans celui d’un second train de 7
mesures, enfin à 15 ans celui des 2 mesures finales. Il était évident dès le départ que les entreprises
n’étaient pas en mesure de respecter le délai prévu pour la première catégorie.
De plus le législateur n’a pris en considération ni le délai pratique de
prise de décision par les syndicats de copropriétaires, ni les difficultés de
financement des travaux. Notons enfin que le décret d’application de la loi a été
pris le 9 septembre 2004. La mise en place de ce dispositif a été ressentie de
prime abord comme un royal cadeau fait aux entreprises concernées,
soupçonnées de s’entendre pour partager le gâteau. Dans
une étude récente, UFC-Que choisir évalue à 6 milliards d'euros l'impact
financier de la rénovation de sécurité pour les ménages (22.000 euros par ascenseur), « soit près du
double de ce qui était annoncé lors du vote de la loi du 2 juillet
2003 ». L’association
ajoute que son étude « montre que pour chaque poste de rénovation, il
apparaît entre la valeur médiane et la moyenne des 30% des devis les moins
chers des écarts de prix allant de 28% à 82% selon les postes ! Par exemple,
pour un même nombre d'étages et une même charge d'appareil, le coût de
remplacement de l'armoire de commande va de 7.800 euros à 12.500 euros » Elle
ajoute un autre reproche : « les devis présentés par les ascensoristes
mélangent des travaux qui relèvent de l'impératif réglementaire et des
travaux facultatifs ! » Elle trouve trois causes au dérapage de
l’opération : -
le calendrier de la rénovation, trop serré, ce qui a déséquilibré le marché
et fait grimper les prix ; - la suspicion pesant sur les syndics de
copropriété professionnels, dont le système de rémunération en pourcentage des
travaux inciterait à ne pas faire tout ce qu’il faut pour en diminuer le coût Dans ces conclusions, on trouve certes une contradiction
interne entre les différences de coûts indiquées et le manque de concurrence,
et une incantation récurrente au sujet de la rémunération des syndics. Il
n’en est pas moins vrai que l’opération se déroule dans des conditions gravement
préjudiciables aux intérêts des copropriétaires. Pour l’essentiel, on ne peut
qu’approuver les observations formulées. Pour certains, les salariés des entreprises seraient aussi les victimes de la surchauffe générée par l’opération. Le 7 juin 2008, un grave accident s’est produit dans un immeuble parisien. Les victimes ont été des techniciens de l’entreprise chargée d’effectuer des travaux sur l’appareil. L’un a été tué, un autre a été grièvement blessé par la chute de la cabine qui les a écrasés. Il a été avancé que l’un des techniciens était dans une situation juridique contestable. L’Association des responsables de copropriété (ARC)
estime de son côté que le coût par appareil de la mise conformité oscille
entre 20 000 et 40 000 €. Mais surtout, elle évoque un nouveau rebondissement des
controverses. Le délai d’achèvement de l’opération a été porté de 15 à
18 ans par la loi Boutin du 25 mars 2009. L’ARC indique qu’en juin 2009 le
Ministère du logement aurait annoncé qu’il n’y avait pas lieu de publier le
décret d’application prévu par la loi. Le report de date s’avèrerait inutile
au vu des résultats d’une enquête montrant que les travaux de la première
tranche auraient été exécutés dans 94 % des immeubles concernés. L’association conteste ce résultat : D'une part, l'institut de sondage a établi un échantillon
représentatif de 1.400 syndics pour réaliser son enquête. Or, à peine 16%
d'entre eux ont répondu, soit 224. D'autre part, la composition de ces réponses ne reflète pas
la structure du panel de départ : 20% émanent de petits cabinets de syndics
alors qu'ils représentent 80% de l'échantillon. Nous ne nous prononcerons pas à ce sujet mais il est
vraisemblable que le taux de 94 % est sensiblement excessif. Quoiqu’il en soit, Bruno Dhont, responsable de
l'Arc n’a pas tort de parler de « déni démocratique » à propos de
la pratique consistant pour le pouvoir réglementaire à ne pas mettre en place
le décret d’application d’une loi votée par le Parlement. Dans le même genre,
nous avons critiqué le traitement dans l’article 29 modifié du décret du 17
mars 1967 d’un « contrat de mandat du syndic » qui n’existe pas
dans la loi du 10 juillet 1965 ! C’est aussi à juste titre qu’il évoque un coup porté à
l’étalement des charges financières imposées aux copropriétaires, une gêne
pour les tentatives de mise en concurrence et une baisse de la qualité de la
maintenance en raison de l’affectation privilégiée des techniciens compétents
aux opérations de mis en conformité. Plus généralement, les pouvoirs publics ne pourront
éviter dans les prochains mois de confronter les projets de modernisation
forcée des immeubles aux facultés financières réelles de la masse des
copropriétaires. De ceux qui sont au chômage jusqu’à ceux qui, fortunés, ne
disposent pas de revenus importants. |
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