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La fibre optique : l’amendement « Numéricable »

 

Nous reproduisons ci dessous :

- le texte de l’amendement n° 576 au projet de loi sur la Modernisation de l’Économie (LME)

- l’exposé sommaire établi par ses auteurs et nos commentaires

- le débat à l’Assemblée Nationale (1e séance du 9 juin 2008) et nos commentaires) avec adoption.

 

 

 

AMENDEMENT N° 576

présenté par

M. Brottes, Mme Erhel, Mme Massat, M. Dussopt,
M. Gagnaire, Mme Quéré, Mme Got
et les membres du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

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ARTICLE 29

 

Rédiger ainsi les alinéas 12 et 13 de cet article :

 

« Art. L. 33-6. 

«  I. – Les opérateurs de réseaux de communications électroniques ayant avant la promulgation de la loi n° de modernisation de l’économie, installé un réseau de communications électroniques à haut débit à l’intérieur d’un immeuble de logements et desservant un ou plusieurs utilisateurs finals peuvent de droit transformer les lignes de ce réseau en lignes en fibre optique, à leurs frais, sous réserve de notifier préalablement cette transformation au propriétaire de l’immeuble ou au syndicat de copropriétaires.

 

« II. – De la même manière, les opérateurs de réseaux de communications électroniques ayant avant la promulgation de la loi n° de modernisation de l’économie installé, avec l’autorisation de la collectivité territoriale concernée, un réseau de communications électroniques à haut débit en pied d’immeuble sont autorisés à installer, dans les immeubles de logements raccordables audit réseau, des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ».

 

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

Cet amendement vise à prendre en compte la situation des opérateurs ayant déjà investi dans l’installation de réseaux haut débit, avec l’autorisation des collectivités territoriales et le cas échéant des propriétaires concernés. Il introduit une exception pour les opérateurs ayant déjà installé un réseau à haut débit dans un immeuble donné et pour les opérateurs ayant établi un réseau à haut débit en pied d’immeubles avec l’autorisation de la collectivité territoriale concernée.

 

 

commentaires

 

Il serait bon d’en finir avec la multiplication des emprises incontrôlables !

On peut sans doute admettre la création de servitudes d’accès pour la distribution des différents services publics mais elles doivent s’accompagner d’un dispositif disciplinaire.

Faisons le point : colonnes EDF et GDF, dispositifs divers de relevés des compteurs individuels ou communs à distance, colonnes d’antennes collectives ou privées, réseau câblé. Ne parlons pas des installations liées à l’installation d’une antenne relais pour la téléphonie mobile puisqu’elle est décidée par le syndicat des copropriétaires.

Voici maintenant la fibre optique. Laissons aux opérateurs leurs controverses au sujet des prérogatives du premier installé. Nos observations vont à la possibilité laissée à l’installateur d’accaparer les parties communes en se bornant à une notification préalable qui n’est assortie d’aucun recours.

Tous les copropriétaires et propriétaires connaissent les dégradations liées à ces installations réalisées par des ouvriers peu qualifiés dont le seul souci est de passer au plus court en faisant des percements de 5 cm de diamètres pour passer un câble dont la section est à peine au dixième de cette taille.

Les branchements individuels ultérieurs sont effectués dans des conditions aussi déplorables. Les intervenants ne prennent pas même le temps de refermer les boîtiers.

 

Aux premiers temps du câblage, les cheminements dans les parties communes ont été déterminés en accord avec les propriétaires et les syndics. Les travaux ont souvent été effectués ensuite avec peu de soin.

Les critiques contre l’amendement 576 vont avant tout au caractère excessif des droits dévolus à l’opérateur en place. Ce n’est pas notre problème.

C’est la procédure de notification que nous contestons. Le Code civil impose des obligations à tout bénéficiaire d’un droit de passage. Il doit en être de même pour les bénéficiaires d’un droit de câblage.

 

 

Débats Assemblée Nationale 1e séance du 9 juin 2008

 

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 576. Cet amendement fait l'objet de quatre sous-amendements, nos 1530, 1478 rectifié, 1479 et 1480.

La parole est à Mme Corinne Erhel, pour soutenir l’amendement n° 576.

Mme Corinne Erhel. Cet amendement vise à modifier la rédaction des alinéas 12 et 13 de l’article 29.

Il est indispensable de prendre en compte la situation des opérateurs ayant déjà investi dans l’installation de réseaux haut débit dans un immeuble. Notre amendement vise à introduire une exception pour ces opérateurs.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir les sous-amendements n°s 1530, 1478 rectifié, 1479 et 1480 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 576.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Je partage la préoccupation des auteurs de l’amendement n° 576 à deux réserves près.

Un certain nombre d’opérateurs ont déjà installé du haut débit dans certains immeubles. Il ne serait pas normal que cet investissement passe par profits et pertes au motif que nous souhaitons favoriser le développement du haut débit.

La première partie de l’amendement prévoit que lorsqu’un réseau haut débit préexiste dans un immeuble donné, il peut être transformé en lignes en fibre optique par l’opérateur déjà présent, même si l’assemblée générale a donné son accord à un autre opérateur. Je ne suis pas favorable à la seconde partie de l’amendement qui étend cette disposition jusqu’au pied de l’immeuble. C’est pourquoi je propose de supprimer le II par mon sous-amendement n° 1480.

Je propose aussi, par mon sous-amendement n° 1478 rectifié, pour qu’il y ait une équité de concurrence, une convention conclue avec le propriétaire ou le syndicat de copropriétaires.

Mme Laure de La Raudière. C’est indispensable !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Enfin, le sous-amendement n° 1530 est purement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement et les sous-amendements ?

M. le secrétaire d'État chargé de la prospective, de l’évaluation des politiques publiques et du développement de l’économie numérique. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 576 sous réserve que soient adoptés trois sous-amendements du rapporteur, n°s 1478 rectifié, 1530 et 1480. Nous sommes défavorables au sous-amendement n° 1479.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Il est retiré.

M. le président. Le sous-amendement n° 1479 est retiré.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je ne suis pas certain d’avoir compris la substantifique moelle de l’amendement n° 576. Il me semble qu’il s’agit d’une exception à l’obligation de mutualisation dans les immeubles où existe déjà le câble axial installé par un opérateur. Je n’y suis pas favorable. L’obligation de la mutualisation doit s’imposer à tout le monde. Si l’on veut accélérer le processus, la mutualisation est indispensable. Or, là, on veut introduire des exceptions. Comme nous avons parlé d’intérêt général tout à l’heure, nous devons proposer un axe fort, celui de la mutualisation, du pied de l’immeuble jusqu’à l’appartement. C’est la raison pour laquelle je suis opposé à l’amendement n° 576.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Nous devons, en effet, suivre un axe, pas nécessairement co-axial car ce temps est révolu !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La fibre est la même ! (Sourires.)

M. Christian Paul. Que de poètes dans cette assemblée !

M. François Brottes. Je souhaite rassurer notre collègue Dionis du Séjour en illustrant mon propos. C’est comme si un fabricant d’ascenseur, après avoir proposé de remplacer un escalier par un ascenseur, déclarait être le propriétaire de l’immeuble au motif que les copropriétaires ont accepté l’installation de l’ascenseur.

M. Jean Dionis du Séjour. Non ! Ce n’est pas la même chose !

M. François Brottes. Si ! Il faut permettre à la personne qui a construit l’escalier d’être prioritaire pour l’installation de l’ascenseur. Tout cela pour dire que dès l’instant où un opérateur a investi pour câbler un immeuble, on ne doit pas pouvoir lui refuser de transformer son câblage en haut débit. Pour autant, cela n’interdit pas d’autres de le faire.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Tout à fait !

M. François Brottes. Mais cela signifie que l’on va doubler la mise.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Oui !

M. François Brottes. Il est tout de même difficile d’imaginer que l’opérateur qui a fait l’investissement de base pourrait, du jour au lendemain, être éliminé au profit du nouvel entrant qui pourrait utiliser sans vergogne le câblage préexistant. C’est du simple bon sens, d’où l’image de l’escalier et de l’ascenseur. Ce n’est pas parce que vous installez un ascenseur que l’immeuble vous appartient.

Cela dit, nous acceptons les sous-amendements n°s 1478 rectifié et 1530.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Dans le cas d’un immeuble pré-câblé, si la décision est prise de le basculer en fibre optique, l’opérateur qui a installé le câble aura un avantage évident lié à son antériorité : s’il présente bien les choses, c’est lui qui sera retenu. Je ne conçois pas, puisque tout le câblage sera déjà installé, qu’une copropriété raisonnable choisisse un autre câblo-opérateur. On ouvrirait, avec cet amendement, une première brèche dans la mutualisation ; et je n’en vois pas l’objet.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État chargé de la prospective, de l’évaluation des politiques publiques et du développement de l’économie numérique. Juste un mot pour rassurer M. Dionis du Séjour, parce que je crois qu’il y a un malentendu. Avec l’amendement n° 576 sous-amendé, la dérogation ne concernerait que la règle de convocation de l’assemblée générale, mais la mutualisation continuerait à s’appliquer pour tout le monde.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Bien sûr !

M. le secrétaire d'État chargé de la prospective, de l’évaluation des politiques publiques et du développement de l’économie numérique. Qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur ce point. Votre préoccupation est satisfaite.

M. Jean Dionis du Séjour. Si c’est le cas, très bien !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1530.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1478 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1480.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 576, modifié par les sous-amendements adoptés.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

 

Commentaires (au sujet des débats de l’Assemblée Nationale)

 

La lecture des débats est riche d’enseignements au sujet des principes généraux du droit de propriété mais aussi du régime de la copropriété !

 

Nous retiendrons en particulier l’intervention de M. François Brottes :

« Il faut permettre à la personne qui a construit l’escalier d’être prioritaire pour l’installation de l’ascenseur. Tout cela pour dire que dès l’instant où un opérateur a investi pour câbler un immeuble, on ne doit pas pouvoir lui refuser de transformer son câblage en haut débit. Pour autant, cela n’interdit pas d’autres de le faire. »

qui fera sans doute frémir certains dirigeants du monde associatif.

 

Sur le problème pratique, il faut considérer que l’approbation de l’amendement a pour effet de conférer à l’opérateur en place dans un immeuble pour le réseau câblé le droit opposable au propriétaire, et « prioritaire » à l’égard des autres opérateurs, d’étendre l’objet de la convention initiale à l’installation de la fibre optique. La mise en œuvre de ce droit prioritaire résulterait d’une simple notification.

 

Certains seront tentés d’étendre la solution au cas de la mise en conformité des ascenseurs ! Il est vrai que les deux opérations présentent des différences sensibles. Mais, si l’on s’en tient à ce qui est rapporté au sujet de l’accident dramatique de l’Avenue du Maine, on peut songer à reconsidérer les avantages réels de la mise en concurrence.

 

 

 

 

 

Mise à jour

13/06/2008