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Honoraires des syndics

L’amendement Bodin

 

 

 

La méthode de la loi fourre-tout reste à l’honneur pour le rapiéçage occasionnel du statut de la copropriété. Elle va bien tomber un jour ou l’autre sous le coup de la menace brandie par le Conseil constitutionnel.

 

Un nouvel avatar affecte le projet de loi relatif à la modernisation de l’économie et concerne les honoraires des syndics de copropriété.

On pensait qu’à la suite de l’avis du Conseil national de la consommation un dispositif de concertation avait été mis en place. Différents projets rectificatifs des contrats de syndic ont été diffusés par les organisations professionnelles (CNAB, FNAIM et autres). Ils ont fait l’objet de critiques de la part des associations de consommateurs. Nonobstant la sérénité toute relative des échanges, on se trouve dans une phase de négociation devant aboutir avant la fin de l’année 2008 à un accord définitif, faute de quoi le ministre aurait à statuer par voie réglementaire.

 

Or M. Claude Bodin, député, au mépris de la procédure de concertation mise en place, a cru devoir présenter un amendement n° 66 tendant à l’ajout à l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 (après le neuvième alinéa) de deux nouveaux alinéas ainsi conçus :

« Un décret précisera les modalités de rémunération des syndics dans le cadre des prestations exceptionnelles étant entendu que l’assemblée générale des copropriétaires vote cette rémunération en même temps que les travaux.

« Ce décret fixera la liste des tâches de gestion courante prises en charge par les syndics et qui doivent être incluses dans les honoraires forfaitaires. »

 

Réserve faite de l’opportunité contestable de cette initiative, il faut rappeler que le recours à la voie réglementaire devrait s’accompagner d’une méthodologie consistant à définir les critères de classement des prestations considérées comme exceptionnelles, puis à en établir la liste de manière exhaustive.

Il suffirait alors de constater qu’une prestation ne figurant pas dans cette liste exhaustive est de plano placée sous le régime.

Pour toute prestation nouvelle, les critères de classement permettraient de préciser sans difficulté son régime.

 

M. Bodin justifie son amendement comme suit :

 

« Depuis l’arrêté du 2 décembre 1986, les syndics peuvent fixer librement leurs honoraires en distinguant les honoraires concernant la gestion courante et ceux relatifs aux prestations dites particulières.

« Pour assurer la mise en concurrence des entreprises, l’étude des devis et le suivi des dossiers, les syndics perçoivent une rémunération correspondant à un pourcentage du montant total des travaux (entre 2 et 5 %). Ce système pervers ne les incite pas à rechercher les meilleures propositions.

« Ce comportement est défavorable aux copropriétaires, c’est pourquoi il convient d’y remédier en créant un principe selon lequel l’assemblée générale des copropriétaires vote la rémunération du syndic en même temps que les travaux exceptionnels.

« Par ailleurs, suite à une pratique trop fréquente consistant à sortir de la gestion courante un nombre croissant de tâches prises en charge par les syndics, un avis publié par le Conseil National de la Consommation, le 27 septembre 2007 a établi une liste des tâches de gestions courantes qui doivent être incluses dans les honoraires forfaitaires.

« Afin que les contrats de syndics puissent rapidement être mis en conformité, il serait souhaitable qu’un décret soit publié. »

 

S’agissant des honoraires sur travaux, la méthode de calcul utilisée par les syndics ne date pas de l’arrêté du 2 décembre 1986. Elle a toujours été utilisée. Elle a été reprise lorsque les honoraires des syndics ont fait l’objet d’une taxation administrative avec un plafonnement à 2 % en présence d’un maître d’œuvre indépendant, et à 4 % dans le cas contraire.

L’argument tiré de l’intérêt qu’aurait le syndic à « faire passer » les devis les plus importants doit être écarté. L’intérêt de tout syndic est de conserver son mandat. Il est donc aussi de faire valoir auprès des copropriétaires son souci d’économie. Entre cette démarche et un complément d’honoraire de 340 €, le choix s’impose facilement. Il est celui de la majorité des syndics. On admettra seulement que quelques professionnels ont la vue plus courte. L’exception confirme la règle.

 

C’est donc bien le principe de la rémunération au pourcentage qui est en cause, pour les syndics comme pour les notaires et d’autres branches d’activité.

Deux organisations professionnelles, le CSAB et l’UNIT, ont publié un communiqué commun au sujet de l’amendement n° 66. Elles font valoir

1 - que la prohibition de la rémunération au pourcentage pour les honoraires sur travaux des syndics constituerait une discrimination par rapport aux autres professionnels du bâtiment

2 – que ce mode de rémunération est traditionnel comme nous l’avons indiqué plus haut

3 – qu’il « reste le plus équitable envisageable puisqu’il traduit non seulement l’importance du travail du syndic mais aussi son niveau de responsabilité. »

 

Le premier argument n’est pas le plus péremptoire car le syndic de copropriété n’est pas un professionnel du bâtiment, mais un professionnel de l’immobilier

 

Le troisième est classiquement admis. Avant de critiquer un mécanisme en place, il faut, pour être crédible, en proposer un autre. Il aurait fallu inscrire à l’ordre du jour de la concertation la recherche d’un autre système de rémunération.

Il a, en second lieu, le mérite de rappeler que la rémunération n’est pas seulement en fonction du travail mais aussi en fonction de la responsabilité encourue.

 

Aux belles années du secteur de la construction d’immeubles, la rémunération au pourcentage des architectes et la contestation systématique de leur responsabilité par leurs assureurs ont nui considérablement à la profession. Les architectes d’entretien traditionnels, généralement très compétents, ont maintenu à 10 % et plus le taux de rémunération de leurs interventions. Les jeunes architectes de construction ont dû accepter la réduction de leur mission à l’établissement des documents d’urbanisme puis se tourner vers les travaux d’entretien au prix de graves mécomptes liés à leur inexpérience dans ce domaine.

Les syndics doivent s’interroger, mutatis mutandis, sur le risque d’une évolution semblable.

 

Force est de constater que certains syndics rémunérés à 4,5 % en l’absence d’un architecte ne prennent pas la peine d’établir un tableau cohérent des propositions d’entrepreneurs qu’ils n’ont pas pris la peine d’accompagner lors de la visite de l’immeuble. La contestation ne vise pas alors le taux de rémunération de la prestation mais bien son inexécution partielle.

En cours de chantier ils ne sont pas présents ponctuellement aux réunions de chantier.

En fin de chantier ils n’établissent pas un compte du chantier.

Peut-on affirmer que la mauvaise qualité des prestations est la principale cause des récriminations des copropriétaires ? Certainement dans la majorité des cas. La profession est alors victime globalement de ces agissements.

 

On doit noter que les architectes exerçant l’activité de syndic sont rarement mis en cause dans les plaintes qu’on trouve dans les forums.

 

Quitte à déposer un amendement, M. Bodin aurait mieux fait de proposer la suppression de la dispense d’ouverture au nom du syndicat d’un compte bancaire séparé. Cette mesure aurait le mérite rétablir la libre concurrence entre les syndics et de replacer ipso facto au premier plan la qualité des prestations fournies.

 

On peut retenir la conclusion du communiqué du CSAB et de l’UNIT : « Une fois de plus, on ne peut que constater - et déplorer - qu'en dépit de leurs déclarations puis de leurs protestations, les élus continuent de fonctionner de façon démagogique, sans aucune collaboration avec les principaux intéressés et avec une précipitation allant à l’encontre des intérêts mêmes de ceux qu'ils prétendent vouloir défendre. »

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

26/05/2008