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CHARTE

 

Ne sont autorisées que
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2) les analyses et courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration

3) l’insertion d’extraits dans un ouvrage de formation

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T R I B U N A L    D E    G R A N D E    I N S T A N C E     D E     P A R I S

 

N° RG : 15/14256

N° MINUTE :

Assignation du : 24 août 2015

 

JUGEMENT

rendu le 9 février 2016

 

 

DEMANDEURS

Madame Rolande EVRARD

Monsieur Max MORTIER

Monsieur Jean-Claude BOUILLET

 

 

représentés par Maître Héloïse BAJER PELLET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2140

 

 

 

DEFENDERESSE

 

ASSOCIATION DES RESPONSABLES DE COPROPRIETE (ARC)

29, rue Joseph Python 75020 PARIS

représentée par Maître Frank AIDAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1084

 

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL

 

Madame Laurence GUIBERT, Vice-Président Président de la formation

Madame Pénélope POSTEL-VINAY, Vice-Président Madame Elodie GUENNEC, Juge

Assesseurs

assistées de Mathilde ALEXANDRE, Greffier lors des débats

 

DÉBATS

 

A l’audience du 15 décembre 2015 tenue en audience publique

 

JUGEMENT

Contradictoire.

En premier ressort.

Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Laurence GUIBERT, Président et par Mathilde ALEXANDRE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSE DU LITIGE

 

L’Association des responsables de copropriété (ci-après ARC) est une association sans but lucratif régie par la loi du 1er juillet 1901 qui a pour but de défendre, aider et assister ses adhérents.

 

Madame Rolande EVRARD est copropriétaire d’un appartement situé à La Cascadelle à COGOLIN (83). Elle a été élue présidente du conseil syndical de cet immeuble le 29 mai 2012. Elle a adhéré à l’ARC et a été élue administratrice par l’assemblée générale des adhérents le 29 septembre 2014 puis vice-présidente.

 

Monsieur Jean-Claude BOUILLET est copropriétaire d’un appartement situé rue de Montreuil à PARIS dans le XIème arrondissement. Il a été élu syndic bénévole par l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires de l’immeuble le 4 mars 2014. Il a adhéré à l’ARC et a été élu pour deux ans administrateur le 29 septembre 2014, puis président du conseil d’administration.

 

Monsieur Max MORTIER est copropriétaire d’un appartement situé à NOGENT-SUR-MARNE (94). Il a été élu conseiller syndical par l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires de son immeuble le 27 mai 2014. Il a adhéré à l’ARC et a été élu administrateur par l’assemblée générale du 29 septembre 2014, puis trésorier.

 

Lors de la réunion du 27 février 2014, Monsieur BOUILLET a été révoqué de ses fonctions de président du conseil d’administration; Monsieur MORTIER et Madame EVRARD ont démissionné de leurs fonctions respectives de trésorier et vice-président. Estimant que les adhérents de l’ARC n’étaient pas informés de la réalité de la situation de l’association, ils ont déclaré en mairie une nouvelle association intitulée Association des Adhérents de l’ARC (ci- après AAA), le 27 mai 2015 (publication au journal officiel du 6 juin 2015), ayant pour objet d’“apporter tous les éléments d’information permettant aux adhérents de l’ARC d’avoir une meilleure transparence sur le fonctionnement de leur association et de faire participer les adhérents, sous forme d’échanges et de proposition, à la vie de celle- ci.” Ils ont créé un blog et un forum sur internet.

 

La radiation de Messieurs BOUILLET et MORTIER et de Madame EVRARD a été inscrite à l’ordre du jour de la réunion du conseil d’administration de l’ARC du 18 juin 2015 au terme de laquelle la délibération a été adoptée. Ils ont reçu le lendemain notification par lettre recommandée avec demande d’avis de réception de leur convocation pour présenter leur défense devant le bureau de l’ARC le 15 juillet 2015. La radiation des trois adhérents en qualité de membres a été votée le 17 juillet 2015, le conseil leur signifiant l’impossibilité de les maintenir en qualité d’administrateurs.

 

Leur radiation en tant qu’adhérents leur a été notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 20 juillet 2015.

 

Dûment autorisés par ordonnance du 20 août 2015, Messieurs MORTIER et BOUILLET ainsi que Madame EVRARD ont fait assigner l’ARC à jour fixe, par acte d’huissier du 24 août 2015, devant le tribunal de grande instance de Paris.

 

Postérieurement à cette assignation, l’ARC a convoqué une assemblée générale ordinaire et une assemblée générale extraordinaire le 14 octobre 2015 prévoyant à l’ordre du jour un point sur la révocation de Messieurs MORTIER et BOUILLET et de Madame EVRARD en qualité d’administrateurs, ainsi qu’une modification des statuts.

 

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 4 décembre 2015, Messieurs MORTIER et BOUILLET et Madame EVRARD demandent au tribunal, vu l’article 1134 du code civil, les statuts de l’Association des Responsables de Copropriété (ARC), les articles 70, 699, 700 et suivants du code de procédure civile, de :

- les recevoir en leur action et les déclarer bien fondés ;

- déclarer nulle et de nul effet la décision prise par le conseil d’administration de l’Association des Responsables de Copropriété du 17 juillet 2015 en ce qu’elle a prononcé leur radiation en qualité de membres de l’association ;

- déclarer nulle et de nul effet la décision prise par le président de l’Association des Responsables de Copropriété le 17 juillet 2015 en ce qu’elle a prononcé leur révocation en qualité d’administrateurs de l’association ;

- rétablir les requérants dans tous leurs droits attachés à leur qualité de membres et d’administrateurs de l’Association des Responsables de Copropriété ;

- annuler en conséquence les décisions prises par le conseil d’administration postérieurement à l’éviction des requérants, et notamment la convocation irrégulière des assemblées générales ordinaires et extraordinaires du 14 octobre 2015 qui devront être jugées nulles et de nul effet ;

- condamner l’Association des Responsables de copropriété à payer à chacun des requérants une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- ordonner la publication du jugement à intervenir sur la page d’accueil du site internet de l’Association des Responsables de Copropriété sous huitaine à compter de la mise à disposition de la décision à intervenir ;

- dire l’ARC irrecevable en ses demandes reconventionnelles ;

- débouter la défenderesse de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;

- condamner l’Association des Responsables de Copropriété à leur payer une somme de 8.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l’Association des Responsables de Copropriété en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Héloïse BAJER - PELLET.

 

En réponse au moyen d’irrecevabilité soulevé par la défenderesse, les demandeurs soutiennent qu’ils ont été révoqués en leur qualité de membres collectifs pour des faits que l’association leur reproche personnellement et non pas en tant que représentants légaux de leurs copropriétés respectives. En tout état de cause, ils soutiennent agir également, dans le cadre de la présente instance, en leur qualité d’administrateurs.

 

Sur le fond, ils demandent l’annulation de la délibération du conseil d’administration du 17 juillet 2015 en ce qu’elle a prononcé leur radiation en qualité d’adhérents de l’association et en ce qu’elle en a déduit, irrégulièrement, leur révocation en qualité d’administrateurs. Ils demandent également le prononcé de la nullité des mesures prises postérieurement par le conseil d’administration, n’étant pas convoqués aux réunions.

 

Les demandeurs soutiennent tout d’abord n’avoir pas été informés de la nature précise de la prétendue faute grave qui leur était reprochée par le conseil d’administration, notamment dans le courrier de convocation, ce qui les a empêchés de préparer et de présenter leur défense. La seule référence au procès-verbal de la réunion dudit conseil du 18 juin 2015 au cours de laquelle aurait été discuté le rôle de l’association AAA est selon eux insuffisant, ce d’autant qu’il n’est pas possible de leur reprocher les faits prétendument commis par un tiers, même s’il s’agit d’une personne morale. Ils ajoutent ne pas s’être fait communiquer les pièces à charge, soulignent que la décision de radiation n’est pas motivée et ne fait mention d’aucune faute caractérisée.

 

S’agissant de la décision de les révoquer de leur qualité d’administrateurs, qui, selon le conseil d’administration, découlerait de leur perte de qualité de membres, Madame EVRARD, Monsieur MORTIER et Monsieur BOUILLET concluent à un détournement de la procédure qui a simplement eu pour effet de débarrasser le président de leur opposition au sein du conseil d’administration. Or, ils estiment qu’en application de l’article 11 des statuts, seuls les mandants peuvent révoquer leurs mandataires : la révocation d’un administrateur relève donc de la seule compétence de l’assemblée générale des adhérents qui les a élus. Ils ajoutent ne pas avoir non plus eu l’occasion de présenter leurs arguments sur la question de leur révocation en qualité d’administrateurs, qui n’a pas été portée à l’ordre du jour. Ils concluent que rien dans les statuts ne prévoyait, à cette date, que la qualité de membre conditionnait le maintien de la qualité d’administrateur, la modification ayant été apportée opportunément dans les statuts après l’introduction de l’instance.

 

Quant à l’argument selon lequel l’assemblée générale ordinaire des adhérents aurait régularisé leur révocation par un vote le 14 octobre 2015, les trois demandeurs notent que cette assemblée a été convoquée par une décision irrégulière du conseil d’administration puisqu’ils n’ont pu y prendre part.

 

Les demandeurs soutiennent que les décisions prises ultérieurement par l’ARC sont nulles et estiment être recevables à agir pour en solliciter l’annulation, leur réintégration en qualité d’administrateurs devant être actée rétroactivement par le tribunal. Ils considèrent en outre que l’ensemble des décisions prises postérieurement à leur éviction par le conseil d’administration devront être considérées comme nulles car prises en violation des dispositions de l’article 11 des statuts, le conseil d’administration n’étant plus constitué des douze membres minimum requis.

 

Ils considèrent que les assemblées générales du 14 octobre 2015 ont été précédées de la diffusion d’informations déloyales voire diffamatoires à leur encontre alors qu’ils ne pouvaient pas présenter leur défense et que ces assemblées ont présenté des vices de forme et de fond.

 

Ils invoquent un préjudice matériel (privation des services de l’ARC) et moral (publication des décisions et accusations publiques graves) qui illustre, selon eux, une réelle volonté de nuire de l’ARC à leur égard. Ils demandent encore la publication de la décision sur la page internet de l’association.

 

Ils soutiennent en outre que la demande reconventionnelle de l’association défenderesse serait irrecevable sur le fondement des dispositions de l’article 70 du code de procédure civile, ne présentant pas de lien suffisant avec leurs propres prétentions.

 

 

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 novembre 2015, l’Association des Responsables de Copropriété (ARC) demande au tribunal, vu  l’article  55  du  décret    55-223 du 17 mars 1967, l’article 122 du code de procédure civile, les articles 1123, 1156, 1165 et 1382 du code civil, l’article 1er de la loi du 1er juillet 1901, de :

A titre principal :

- dire et juger Madame EVRARD et Messieurs BOUILLET et MORTIER irrecevables à agir en contestation de la radiation par l’ARC des syndicats de copropriétaires, adhérents collectifs, qu’ils représentaient auprès de cette association et ce, pour défaut de qualité à agir (Madame EVRARD et Monsieur MORTIER) et défaut d’autorisation donnée par l’assemblée générale des copropriétaires (Monsieur BOUILLET) ;

- dire et juger qu’ils sont irrecevables à agir en annulation des assemblées générales de l’ARC en date du 14 octobre 2015 pour défaut de qualité à agir ;

Subsidiairement :

- dire et juger Madame EVRARD et Messieurs BOUILLET et MORTIER mal fondés en leur action ;

En tout état de cause :

- les débouter de toutes leurs demandes fins et conclusions ;

- dire et juger qu’ils ont engagé leur responsabilité à son égard en s’appropriant les coordonnées de ses adhérents sans son autorisation et en diffusant auprès de chacun d’eux des propos dénigrant l’ARC via un site Internet dit « AAA » ;

- condamner solidairement Madame EVRARD, Messieurs BOUILLET et MORTIER à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- faire interdiction à Madame EVRARD et Messieurs BOUILLET et MORTIER d’utiliser les coordonnées de ses adhérents de quelque façon et à quelque fin que ce soit et ce, sous astreinte provisoire de 50 euros par infraction constatée ;

- dire et juger que la Juridiction de céans demeurera compétente pour la liquidation de cette astreinte ;

- ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;

- condamner solidairement les demandeurs à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner sous la même solidarité en tous les dépens dont le montant pourra être recouvré directement par Maître Frank AÏDAN par application de l’article 699 du code de procédure civile.

 

L’ARC soulève en premier lieu l’irrecevabilité de l’action des demandeurs pour défaut de qualité et de droit d’agir pour le compte des syndicats de copropriété adhérents collectifs de l’ARC. Elle soutient que les demandeurs ne sont pas personnellement des “adhérents collectifs”puisque l’article 6 des statuts indique que l’adhésion se fait pour le compte des personnes morales qu’ils représentent. Ainsi, l’ARC considère que Madame EVRARD et Monsieur MORTIER ont adhéré pour le compte des syndicats de copropriétaires dont ils sont membres et que ces derniers ont seul qualité pour agir en justice. Quant à Monsieur BOUILLET, syndic bénévole, il ne dit pas agir au nom et pour le compte du syndicat des copropriétaires et ne justifie pas avoir été autorisé par l’assemblée générale. Il est donc, selon l’ARC, dépourvu du droit d’agir. Enfin, la distinction entre demandeur- adhérent et demandeur-administrateur est, selon elle, sans portée.

 

Subsidiairement, l’ARC conclut au mal fondé de l’action. Elle estime que la procédure de radiation en tant qu’adhérents est régulière puisqu’ils ont été amplement informés des raisons pour lesquelles une procédure de radiation était envisagée à leur encontre lors de la réunion du conseil d’administration du 18 juin 2015. Elle ajoute qu’ils ont ensuite été informés du motif retenu à l’appui de la décision de radiation votée le 17 juillet 2015.

 

L’ARC ajoute que la décision de les révoquer de leurs fonctions d’administrateurs est également régulière et a été prononcée à une large majorité lors de l’assemblée générale des adhérents du 14 octobre 2015, après qu’ils aient été exclus du conseil d’administration.

 

S’agissant des demandes de nullité des décisions prises postérieurement à la radiation, l’ARC soutient que n’étant que trois, leur présence et leur vote éventuel n’auraient pas été susceptibles d’influer sur la régularité des décisions. En outre, elle rappelle que les dispositions de l’article 11 des statuts prévoient que le nombre de membres du conseil d’administration peut être, dans des cas bien définis, inférieur à douze.

 

En réponse à la demande d’annulation des assemblées générales du 14 octobre 2015, l’ARC soulève tout d’abord l’irrecevabilité pour défaut de qualité à agir des demandeurs qui ne sont plus adhérents à cette date. Subsidiairement, elle note que cette demande est mal fondée, contestant le caractère déloyal des informations diffusées et les irrégularités de forme comme de fond, dénoncées.

 

L’ARC demande réparation pour le préjudice qu’elle a subi du fait de l’agissement des demandeurs et entend solliciter qu’il leur soit fait interdiction de poursuivre l’exploitation irrégulière de son fichier d’adhérents.

 

MOTIVATION

 

- Sur la recevabilité de Messieurs MORTIER et BOUILLET et de Madame EVRARD

 

Aux termes des dispositions de l’article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

 

L’article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes des dispositions de l’article 6 des statuts :

l’association est composée de membres adhérents et de membres honoraires. [...] Les membres adhérents appartiennent à deux collèges :

A) le collège des adhérents collectifs Sont adhérents collectifs :

les conseils syndicaux ;

les syndics non professionnels de copropriété ;

le représentant d’un groupe de copropriétaires ;

les bureaux des associations syndicales de propriétaires ;

les bureaux des associations foncières urbaines libres ;

le représentant des sociétés civiles immobilières d’attribution ;

le représentant des collectivités et leurs organismes de gestion ;

ainsi que les catégories nouvelles qui viendraient à être créées ; étant entendu que le conseil d’administration est habilité à décider des conditions d’admission à l’association en application de l’article 12 alinéa 7 des présents statuts.

Chaque adhérent collectif ne peut se faire représenter que par une seule personne physique désignée par lui.

 

B) le collège des adhérents individuels

Sont adhérents individuels tous les copropriétaires d’un immeuble bâti, les colotis, les membres d’une A.S.L. (association syndicale libre) ou d’une A.F.U.L. (association foncière urbaine libre), les associés d’une S.C.I. d’attribution.”

 

Autrement dit, il ressort de la liste des membres énoncée à l’article 6 précité que les adhérents “collectifs” de l’association, terme équivoque, sont en réalité des personnes physiques qui adhèrent en leur qualité de responsables au sein d’une copropriété, à la différence des simples copropriétaires  qui  n’y  ont  pas  de  responsabilité  particulière. Ils n’adhèrent pas au nom et pour le compte d’une personne morale, qui serait alors le membre en titre ; d’ailleurs, les syndicats de copropriété ne figurent nullement dans cette liste. De même, s’ils peuvent adhérer en tant que membre d’un conseil syndical, l’autorisation de l’assemblée générale n’apparaît pas requise.

 

En l’espèce, Madame Rolande EVRARD justifie, au moyen du compte-rendu de la réunion n°1 du conseil syndical du 31 mai 2012 de l’immeuble situé à COGOLIN - les Marines de COGOLIN, au sein duquel elle est propriétaire en indivision de trois lots, avoir été élue présidente du conseil syndical. C’est en cette qualité qu’elle a adhéré à l’ARC ainsi qu’en témoigne l’appel à cotisations versé aux débats.

 

De même, Monsieur Max  MORTIER  démontre  avoir  été  élu  le 27 mai 2014 conseiller syndical par l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé à NOGENT-SUR-MARNE, dans lequel il est propriétaire d’un appartement. C’est également en sa qualité de membre du conseil syndical qu’il a adhéré à l’ARC et qu’il fait ainsi partie du collège des adhérents “collectifs”.

 

Enfin, Monsieur Jean-Claude BOUILLET a, quant à lui, été élu syndic bénévole par l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé dans le XIème arrondissement de PARIS, dans lequel il est copropriétaire d’un appartement. Il fait donc partie du collège des membres collectifs, adhérent en qualité de syndic bénévole de l’immeuble.

 

Par conséquent, n’agissant nullement au nom et pour le compte de personnes morales dont l’autorisation pour agir en justice aurait été requise préalablement à l’introduction de l’instance, Messieurs MORTIER et BOUILLET ainsi que Madame EVRARD seront déclarés recevables en leurs demandes.

 

- Sur la demande d’annulation de la délibération du conseil d’administration de l’ARC du 17 juillet 2015

Aux termes des dispositions de l’article 7 des statuts de l’association:

“ la qualité de membre se perd par :

démission ;

non paiement de la cotisation annuelle après relance ;

disparition des membres ;

radiation prononcée par le conseil d’administration pour motif grave nuisant à la renommée de l’association, à son image ou à son développement. Dans ce cas, le membre concerné est préalablement convoqué par lettre recommandée avec AR avec un délai d’au minimum quatorze jours de date à date, afin de lui permettre de présenter sa défense au bureau. La décision du conseil est sans appel.

 

Il est constant qu’au sein d’une association, une procédure disciplinaire pouvant conduire à l’exclusion du sociétaire doit respecter les droits de la défense.

 

Il en résulte que la lettre par laquelle une association convoque l'un de ses membres en vue de son exclusion doit faire apparaître les griefs précis formulés à l'encontre de l'intéressé, condition nécessaire pour lui permettre de présenter utilement sa défense devant l'organe disciplinaire de l'association. La décision prise doit ensuite être motivée, le tribunal de grande instance étant compétent pour vérifier le respect de la procédure statutairement prévue et des droits de la défense.

 

En l’espèce, le courrier du 18 juin 2015 au terme duquel Madame EVRARD, Monsieur BOUILLET et Monsieur MORTIER ont été informés de ce qu’une procédure de radiation en tant que membres de l’association était engagée à leur encontre et qu’ils étaient invités à se présenter le 15 juillet 2015 au siège de l’association afin de présenter leur défense devant le bureau, ne comporte aucune énonciation des griefs qui leur sont reprochés.

En effet, le courrier adressé à chacun des membres mentionne :

j’ai l’honneur de vous faire savoir que le conseil d’administration de notre association, au cours de sa réunion du 18 juin 2015, a décidé de statuer sur le maintien de votre qualité de membre de l’ARC pour motif grave nuisant à la renommée de l’Association et à son image.

En application de l’article 7 de nos statuts, vous êtes invité à vous présenter le mercredi 15 juillet 2015 à 14 heures précises au siège de notre association, 29 rue Joseph Python, 75020 Paris afin de présenter votre défense devant le bureau de l’Association. Je vous rappelle que la décision du conseil est sans appel”.

 

Cette absence d’énoncé précis des griefs reprochés et de qualification du “motif grave” invoqué a été mis en exergue par les demandeurs ainsi concernés par trois courriers qu’ils ont adressés le 10 juillet 2015, indiquant être dans l’impossibilité de préparer leur défense et ajoutant qu’aucun élément à charge n’était par ailleurs soumis à leur consultation. Il apparaît qu’aucune suite n’a été donnée à ce courrier avant la réunion du bureau.

 

Or, l’article 7 précité des statuts prévoit que la radiation ne peut intervenir que pour motifs graves, ce qui implique que ceux-ci ne procèdent pas d’un simple énoncé mais d’éléments factuels circonstanciés susceptibles de les caractériser, permettant une discussion dans le cadre d’un débat contradictoire.

 

Certes, Madame EVRARD, Monsieur BOUILLET et Monsieur MORTIER, par ailleurs administrateurs de l’ARC, étaient présents lors de la réunion du conseil d’administration du 18 juin 2015 à laquelle il est fait référence dans le courrier de convocation, l’ordre du jour de cette réunion comportant un point 4 intitulé “radiation, conformément à l’article 7 des statuts, de Jean-Claude BOUILLET, Rolande EVRARD et Max MORTIER”.

 

Cependant, cette résolution, soumise au vote des administrateurs, n’a été directement précédée que de quelques échanges généraux qui ne concernaient que le comportement des intéressés en tant qu’administrateurs de l’ARC, et ne reprenaient donc aucunement les griefs justifiant le déclenchement d’une procédure de radiation en tant que membres de l’association.

 

L’ARC ne saurait se prévaloir de manière plus générale des échanges survenus dans le cadre de l’examen des autres points fixés à l’ordre du jour de cette réunion, non expressément liés au vote concernant la procédure de radiation des intéressés. La lecture de ce procès-verbal, par ailleurs non annexé à leur convocation, n’est donc pas de nature à les éclairer utilement sur les faits en lien direct avec la procédure disciplinaire soumise au vote.

 

Il s’avère, en tout état de cause, que la liste des reproches finalement retenus à l’encontre des trois demandeurs dépasse les sujets isolément abordés lors de cette réunion. En effet, dans un email adressé par l’ARC à ses adhérents le 2 octobre 2015, le président de l’association, revenant sur la radiation des trois intéressés en tant qu’adhérents, a pu indiquer :

les radiés disent, innocemment, ne pas savoir pour quelle raison ils ont été radiés!

 Rafraîchissons-leur la mémoire:

- une direction autoritaire et un mépris des membres du CA durant le règne de Monsieur BOUILLET, entraînant même un conflit physique en pleine séance!

- le non respect de décision majoritaire du CA par le Président et la vice-présidente;

- la volonté de briser, coûte que coûte un homme qui avait osé tenir tête au président;

- un comportement irresponsable ayant entraîné une pétition du personnel;

- la création d’un site et association reprenant le nom de l’ARC sans autorisation, à la hussarde, au mépris des statuts;

- l’utilisation, à des fins personnelles du fichier des adhérents malgré une mise en garde et un rappel à l’ordre, suite au mécontentement de nombreux adhérents de l’utilisation de leur adresse mail par un inconnu sans leur permission;

- ’usage destructeur pour l’ARC, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des diatribes et désinformations véhiculées par leur site AAA.

Pour ne pas envenimer les choses vis à vis de l’extérieur, tous ces éléments ont été regroupés sous l’intitulé pudique “motif grave nuisant à la renommée de l’association et à son image”.

 

De fait, si l’association, au sein de laquelle régnait manifestement un climat conflictuel depuis plusieurs mois, avait effectivement des griefs à reprocher aux intéressés qu’elle s’efforce d’étayer devant la présente juridiction, cela ne la dispensait pas, au stade de la mise en œuvre effective de la procédure de radiation, de leur notifier personnellement et précisément les faits qui leur étaient reprochés pouvant être qualifiés de “motif grave nuisant à la renommée de l’association, à son image ou à son développement”.

 

Le compte-rendu de la réunion du bureau du 15 juillet 2015, outre le fait qu’il n’est pas signé, ne peut valoir « énoncé des griefs ». En effet, une telle notification ne peut intervenir qu’en amont de l’entretien au cours duquel les personnes concernées par la procédure sont appelées à présenter leur défense.

 

Enfin, et au surplus, on ne peut que constater que le courrier notifié aux intéressés le 20 juillet 2015, leur rapportant la décision prise par le conseil d’administration, ne comporte pas de motivation.

 

Par conséquent, il y a lieu de considérer que la radiation de Madame EVRARD, Monsieur BOUILLET et Monsieur MORTIER en tant que membres a été prise par le conseil d’administration le 17 juillet 2015 au terme d’une procédure irrégulière en la forme, si bien qu’elle doit être annulée. Ils seront donc rétablis en leur qualité de membres de l’association.

 

Par ailleurs, il est constant que le président du conseil d’administration a considéré, au terme de cette réunion, que la radiation des demandeurs en tant que membres de l’association emportait leur exclusion du conseil d’administration. Une note en ce sens leur a été remise le même jour.

 

Cette décision, si tant est que le conseil d’administration ait eu la moindre compétence pour l’acter, ne reposait que sur l’éviction préalable des intéressés en qualité de membres de l’association. L’annulation de la première décision emporte donc la nullité de la seconde, qui sera également prononcée.

 

- Sur la demande d’annulation des décisions prises par le conseil d’administration postérieurement à leur éviction et sur l’annulation des assemblées générales ordinaires et extraordinaires du 14 octobre 2015 ayant voté sur leur destitution en tant qu’administrateurs

 

A titre préliminaire, Madame EVRARD, Monsieur BOUILLET et Monsieur MORTIER doivent être déclarés recevables à agir en nullité des assemblées réunies postérieurement à leur exclusion prononcée par le conseil d’administration le 17 juillet 2015, puisqu’ils contestent à raison, aux termes de la présente procédure, la dite  radiation.

 

Pour autant, le tribunal ne peut statuer par voie de disposition générale et prononcer, par principe, la nullité de toutes les réunions du conseil d’administration tenues postérieurement à l’exclusion des intéressés qui doivent présenter des demandes précises.

 

En l’occurrence, les demandeurs ne peuvent arguer du seul fait que le conseil d’administration aurait été réuni à neuf membres postérieurement à leur exclusion, contrairement à l’article 11 des statuts qui impose un minimum de douze membres, sans faire état de délibérations et de réunions précisément datées.

 

Ainsi, ils ne précisent pas au terme de quelle réunion du conseil d’administration la convocation des assemblées générales ordinaire et extraordinaire du 14 octobre 2015 aurait été décidée, si bien que la demande d’annulation de la délibération des administrateurs décidant de cette convocation, sans davantage de précision, doit être rejetée.

 

En outre, il sera souligné que l’assemblée générale est convoquée, aux termes des dispositions de l’article 19 des statuts de l’association, par son président.

 

De fait, deux assemblées générales, ordinaire et extraordinaire, ont été convoquées par le président de l’association pour le 14 octobre 2015.

A l’ordre du jour de la réunion de l’assemblée générale ordinaire  du 14 octobre 2015 figure au point n°5 “la destitution du poste d’administrateur de Madame Rolande EVRARD et de Messieurs BOUILLET et MORTIER”.

 

Le document d’information diffusé aux adhérents de l’association précise en effet : “suite aux agissements défavorables à notre association de trois adhérents de l’ARC, impliquant de facto l’impossibilité pour ces trois adhérents - conformément aux statuts - de maintenir leurs fonctions d’administrateurs de l’ARC ces trois adhérents  contestent,  devant   la  justice,  leur  radiation  en  tant qu’adhérent et leur perte de qualité de membre du CA. [...] Pour être en parfaite conformité, ce vote sera formalisé par une résolution. Pour pallier un vide juridique de nos statuts, le conseil d’administration vous demande de vous prononcer sur leur révocation en tant que membre du conseil d’administration. Le conseil d’administration est actuellement de 9 membres dont un président, deux vice-présidents, un trésorier et un secrétaire.”

 

Leur révocation a été adoptée à la majorité après qu’ils aient été simplement “invités” à s’y présenter, sans être régulièrement convoqués, et qu’ils soient successivement intervenus devant les adhérents pour prendre la parole.

 

S’agissant de l’assemblée générale extraordinaire du 14 octobre 2015, les adhérents, à l’exclusion des trois demandeurs, ont été convoqués afin que soit soumise à leur vote une modification statutaire portant sur le fait qu’une radiation en temps que membre entraîne automatiquement celle en tant qu’administrateur, le nouvel article 11 étant ainsi rédigé : “la perte de la qualité de membre de l’association, entraîne immédiatement celle d’administrateur”.

 

La radiation de Monsieur BOUILLET, MORTIER et de Madame EVRARD en leur qualité de membres de l’association étant annulée et ces derniers étant rétablis dans leurs droits, il y a lieu de considérer qu’ils auraient dû être convoqués aux deux assemblées générales contestées conformément aux dispositions statutaires, et être mis en mesure de prendre part aux votes, ce qui n’a pas été le cas.

 

Par conséquent, les délibérations qui ont été adoptées lors de ces deux réunions de l’assemblée générale du 14 octobre 2015 doivent être déclarées nulles.

 

- Sur la demande de dommages-intérêts de Madame EVRARD, Monsieur BOUILLET et Monsieur MORTIER

 

N’ayant pas été mis en mesure de présenter leur défense, dans le cadre de la procédure tenue  devant  le  conseil  d’administration  le 17 juillet 2015 statuant sur leur radiation en tant que membres de l’association, Madame EVRARD, Monsieur BOUILLET et Monsieur MORTIER ont subi un préjudice qu’il convient de réparer par l’allocation d’une indemnité de 1.000 euros à chacun, étant rappelé que l’annulation de ces décisions d’exclusion est motivée par un vice de forme.

 

- Sur la demande reconventionnelle de l’ARC

 

L’association des responsables de copropriétés demande la condamnation de Madame EVRARD, Monsieur BOUILLET et Monsieur MORTIER à lui verser la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’elle a subi en raison de l’appropriation et de l’utilisation par les demandeurs des coordonnées de ses adhérents sans son autorisation et de la diffusion de propos dénigrants via le site internet de l’association AAA. Elle demande encore à ce qu’il leur soit fait interdiction pour l’avenir d’utiliser cette base de quelque façon que ce soit sous astreinte.

 

Cependant, outre le fait que les deux demandes formulées par l’association ne se rattachent pas aux prétentions originaires, qui concernent la régularité des procédures d’exclusion en tant que membres et administrateurs de l’association des responsables de copropriété, par un lien suffisant au sens de l’article 70 du code de procédure civile, il sera souligné que les fautes avancées ont été prétendument commises par l’association AAA qui n’est pas dans la cause.

 

L’association ARC sera donc déclarée irrecevable en ses demandes reconventionnelles.

 

- Sur les demandes annexes

 

La demande de publication de la présente décision, dont le fondement n’est pas précisé, ne peut prospérer, Messieurs BOUILLET et MORTIER et Madame EVRARD ne justifiant pas d’un préjudice susceptible d’être réparé par la mesure sollicitée.

 

Succombant à titre principal, l’Association des Responsables de Copropriété sera condamnée aux dépens de l’instance dont distraction au profit de Maître BAJER-PELLET sur le fondement des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

 

Supportant les dépens, elle sera condamnée à payer aux demandeurs la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

 

L’exécution provisoire, compatible avec la nature de l’affaire, sera ordonnée.

 

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

 

Déclare Messieurs Jean-Claude BOUILLET, Max MORTIER et Madame Rolande EVRARD recevables en leurs demandes tant principales qu’additionnelles ;

 

Déclare l’Association des Responsables de Copropriété irrecevable en ses demandes reconventionnelles ;

 

Annule la décision de radiation de Messieurs Jean-Claude BOUILLET, Max MORTIER et Madame Rolande EVRARD en leur qualité de membre de l’association prise par le conseil d’administration de l’Association des Responsables de Copropriété le 17 juillet 2015 ;

 

Déclare nulle l’exclusion de Messieurs Jean-Claude BOUILLET, Max MORTIER et Madame Rolande EVRARD en leur qualité d’administrateurs prise par le président du Conseil d’Administration de l’association le 17 juillet 2015 ;

 

Annule les délibérations adoptées dans le cadre des assemblées générales ordinaire et extraordinaire du 14 octobre 2015 ;

 

Ordonne leur rétablissement en tant que membres et administrateurs de l’Association des Responsables de Copropriété ;

 

Déboute Messieurs Jean-Claude BOUILLET, Max MORTIER et Madame Rolande EVRARD de leurs demandes tendant à ce que toutes les décisions prises postérieurement au 17 juillet 2015 par le conseil d’administration de l’ARC soient déclarées nulles ;

Condamne l’Association des Responsables de Copropriété à payer à Messieurs Jean-Claude BOUILLET, Max MORTIER et Madame Rolande EVRARD la somme de 1.000 euros (mille euros) à chacun à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

 

Condamne l’Association des Responsables de Copropriété aux dépens de l’instance dont distraction au profit de Maître BAJER-PELLET ;

 

Condamne l’Association des Responsables de Copropriété à payer à Messieurs Jean-Claude BOUILLET, Max MORTIER et Madame Rolande EVRARD la somme de 2.000 euros (deux mille euros) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l’exécution provisoire de la décision. Fait et jugé à Paris le 9 février 2016

 

Le Greffier                                                       Le Président

 

 

M. ALEXANDRE                                        L. GUIBERT

 

 

 

 

commentaires

 

Le jugement rendu le 9 février 2016 est la troisième décision générée par la situation conflictuelle qui affecte les instances dirigeantes de l’Association des responsables de copropriété (ARC) depuis bientôt une année.

 

La première est une ordonnance de référé de M le Président du TGI de Montpellier rendue sur une assignation à la demande de Mr F.B., ancien salarié de l’ARC devenu après son licenciement gestionnaire de copropriété chez un administrateur de biens montpelliérain, dirigée contre l’ARC Languedoc, l’ARC Paris et M Dhont, dirigeant bien connu de l’ARC.

Elle faisait suite à la publication de deux articles dans le site Internet de l’ARC, peu aimables pour l’ancien collaborateur de l’association, passé en quelque sort à l’ennemi, et pour son employeur. L’ARC avait refusé un droit de réponse.

L’ordonnance a été particulièrement sévère.

Après avoir constaté l’existence de troubles manifestement illicites, le Magistrat a condamné l’ARC à supprimer les deux articles litigieux figurant dans son site Internet.

Il a ordonné la publication dans le site internet de l’ARC d’un avis dont le texte figure dans l’ordonnance.

Il a ordonné également la publication d’un droit de réponse pour Mr F.B.  et d’un autre pour son employeur.

Et en outre ordonné la diffusion d’un avis à tous les adhérents de l’ARC !

Le tout avec exécution provisoire.

 

L’ARC et M Dhont ont fait appel de cette ordonnance mais également saisi M le Premier Président de la Cour d’appel de Montpellier d’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire.

 

 

 

La seconde décision est l’Ordonnance rendue par M. le Premier Président le 12 novembre 2014.

Les requérants avaient bien entendu invoqué les dispositions de l’article 12 du Code de procédure civile et un certain nombre de vices procéduraux susceptibles à leurs yeux d’envisager une heureuse issue devant la Cour d’appel statuant plus tard au fond, et justifier une suspension de l’exécution des condamnations, très lourdes il est vrai, prononcées le 5 juin 2014.

 

Divine surprise pour l’ARC !

Monsieur le Premier Président rappelle d’emblée que la diffamation restreint la liberté d’expression et qu’elle porte atteinte à l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. « Dès lors, dans les règles applicables au sens de l’article 12 du Code de procédure civile s’intègre nécessairement la jurisprudence de la Cour EDH quant à l’application de l’article 10 de la Convention EDH ; »

« En outre les oppositions entre les personnes morales en cause découlent d’une divergence sur les modalités de la prise en charge de la gestion des copropriétés, l’une souhaitant former des responsables bénévoles pour occuper des fonctions dans des conseils syndicaux et aussi de syndics tandis que l’autre appartient à la filière de gestion confiée à des syndics immobiliers professionnels ; qu’ainsi le litige correspond aussi à un débat d’intérêt général intéressant, compte tenu des incidences financières, les copropriétaires de petites copropriétés comportant quelques appartements, situation affectant une multitude de personnes physiques ; »

 

On lit encore :

« Attendu qu’à ce titre l’ordonnance s’analyse en une « ingérence » dans l’exercice par les intéressés de leur liberté d’expression, ce qui enfreint l’article 10, sauf si elle est prévue par la loi, dirigée vers un, ou des buts légitimes au regard du paragraphe 2 et nécessaire dans une société démocratique pour les atteindre ; »

 

Viennent à la suite quatre arrêts de la CEDH, dans ce courant de pensée que l’on retrouvera sans doute lorsque viendra à l’audience l’affaire du « mur des cons » (photos de personnalités affichées dans les locaux d’un syndicat de magistrats et accompagnées de commentaires peu amènes).

La CEDH fait clairement savoir que les juridictions nationales ne sauraient échapper au contrôle européen. Il existe un droit européen de la diffamation laissant à certaines catégories d’intellectuels la faculté d’exprimer des informations ou idées qui heurtent, choquent ou inquiètent. « Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de société démocratique ».

 

On revient au droit avec l’examen d’un argument présenté par l’ARC : la possibilité pour les personnes poursuivies à raison de propos qu’elles ont tenus sur un sujet d’intérêt général de pouvoir s’exonérer de leur responsabilité en établissant leur bonne foi et, s’agissant de faits, en prouvant la véracité de ceux-ci. Sur ce dernier point, le bon sens l’emporte heureusement : il ne peut y avoir diffamation à imputer à une personne des faits qui sont exacts !

 

Sur ce point important le Premier Président rappelle que l’ordonnance mentionne « que les pièces versées à l’appui de l’offre de preuve, notamment deux e-mails du 7 et du 11 février 2014 ne peuvent suffire à emporter la conviction du juge des référés quant à la véracité des faits qualifiés de diffamatoires ou à justifier la teneur des propos litigieux et ainsi faire obstacle à cette qualification de diffamation ».

Il juge ensuite que « si l’ordonnance a constaté que cette offre de preuve avait été faite dans les délais prévus aux articles 55 et 56 de la loi du 29 juillet 1881, de même que l’offre de contre preuve faite par la société X et par Monsieur F.B, elle n’énonce aucun motif quant au contenu des preuves et contre preuves que de leur pertinence dans les débats ; »

 

Sur les conséquences excessives de l’exécution provisoire, il juge « que l’ampleur et la durée des diffusions ordonnées, à savoir sur deux adresses Internet plus par voie de courriels à tous les adhérents de l’ARC Languedoc Roussillon ainsi que la teneur des textes dont l’insertion est ordonnée affirmant la commission de diffamation et enfin la suppression corrélative des articles incriminés sont des mesures de nature à créer un préjudice à l’ARC PARIS, l’ARC LANGUEDOC ROUSSILLON ainsi qu’à M DHONT. »

« Attendu en effet que les Associations ARC, à but non lucratif, ont pour objet de soutenir et de venir en aide aux conseils syndicaux et aux copropriétaires afin de pouvoir rééquilibrer leurs rapports d’échange avec les syndics professionnels, en sorte que s’agissant d’une aide apportée à des personnes généralement démunies de connaissance il existe un risque disproportionné et donc excessif de porter atteinte à la crédibilité de l’action de ces associations et de M. Dhont qui en est le fondateur. »

 

L’exécution provisoire est donc suspendue.

 

L’affaire viendra prochainement au fond. De plus nous croyons savoir que les demandeurs à l’action en diffamation ont formé un pourvoi en cassation contre cette Ordonnance.

 

Monsieur le Premier Président semble avoir oublié qu’il s’agit d’un litige quasiment prud’homal entre M F. B…, un salarié qui a beaucoup œuvré au nom de l’ARC pour les « personnes généralement démunies de connaissance », et son ancien employeur incarné par Monsieur DHONT. Le litige ne correspond pas à un débat d’intérêt général intéressant l’ensemble de la population française des copropriétaires, sauf à considérer que le fonctionnement interne de l’ARC, seul objet réel de la confrontation entre les deux hommes, pourrait entraîner la disparition de cette association pour le plus grand préjudice de ses adhérents.

Encore faut-il noter que l’ARC ne figure pas au rang des associations de consommateurs légalement agréées au niveau national, faute d’avoir sollicité cet agrément en acceptant préalablement les contrôles permettant de vérifier qu’elle réunit un nombre de membres cotisant individuellement au moins égal à 10 000. Cette option ne lui a pas permis d’être représentée au sein du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière (CNTGI).

La sagesse commandait sans doute de réduire la portée de l’exécution provisoire. Comment admettre que la suspension s’applique au retrait des deux articles incriminés ?

 

 

C’est dans ce contexte qu’apparaît le jugement reproduit ci-dessus rendu la 9 février 2016 par le TGI de Paris.

M. J. B… n’est pas partie à ce procès, mais l’instance que nous venons d’évoquer est partiellement à l’origine de la situation conflictuelle qui a abouti à l’éviction de certains administrateurs.

 

Ce jugement annule la décision de radiation de Messieurs Jean-Claude BOUILLET, Max MORTIER et Madame Rolande EVRARD en leur qualité de membre de l’association prise par le conseil d’administration de l’Association des Responsables de Copropriété le 17 juillet 2015 ;

Il annule l’exclusion de Messieurs Jean-Claude BOUILLET, Max MORTIER et Madame Rolande EVRARD en leur qualité d’administrateurs prise par le président du Conseil d’Administration de l’association le 17 juillet 2015.

Il annule les délibérations adoptées dans le cadre des assemblées générales ordinaire et extraordinaire du 14 octobre 2015 ;

Il ordonne leur rétablissement en tant que membres et administrateurs de l’Association des Responsables de Copropriété ;

Il condamne l’ARC à payer à Messieurs Jean-Claude BOUILLET, Max MORTIER et Madame Rolande EVRARD la somme de 1.000 euros (mille euros) à chacun à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice ;

Il condamne l’ARC à payer à Messieurs Jean-Claude BOUILLET, Max MORTIER et Madame Rolande EVRARD la somme de 2.000 euros (deux mille euros) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Il ordonne l’exécution provisoire de la décision.

 

Le juriste se doit toujours de faire la réserve de l’infirmation éventuelle d’une décision.

En présence d’une décision qui paraît solidement charpentée, on s’interroge sur ce qu’aurait jugé M le Premier Président s’il l’avait connue avant de nous livrer son cours de droit européen.

Le jugement est facile à lire. Nous ne commenterons pas dans le détail les faits retenus par le Tribunal pour sanctionner l’ARC. Nous nous bornons ici à retenir les indications figurant dans le jugement car nous n’avons pas le moindre témoignage personnel à présenter.

 

Nous préférons prendre en considération les indications données à propos des modalités du recrutement des adhérents de l’ARC et des conséquences juridiques qu’il en tire.

 

On lit dans le jugement qu’aux termes des dispositions de l’article 6 des statuts :

 

L’association est composée de membres adhérents et de membres honoraires. [...] Les membres adhérents appartiennent à deux collèges :

A) le collège des adhérents collectifs ; Sont adhérents collectifs :

A1 les conseils syndicaux ;

A2 les syndics non professionnels de copropriété ;

A3 le représentant d’un groupe de copropriétaires ;

A5 les bureaux des associations syndicales de propriétaires ;

A 6 les bureaux des associations foncières urbaines libres ;

A 7 le représentant des sociétés civiles immobilières d’attribution ;

A 8 le représentant des collectivités et leurs organismes de gestion ;

ainsi que les catégories nouvelles qui viendraient à être créées ; étant entendu que le conseil d’administration est habilité à décider des conditions d’admission à l’association en application de l’article 12 alinéa 7 des présents statuts.

Chaque adhérent collectif ne peut se faire représenter que par une seule personne physique désignée par lui.

 

B) le collège des adhérents individuels

Sont adhérents individuels tous les copropriétaires d’un immeuble bâti, les colotis, les membres d’une A.S.L. (association syndicale libre) ou d’une A.F.U.L. (association foncière urbaine libre), les associés d’une S.C.I. d’attribution.”

 

Le jugement comporte en outre cette observation :

« Autrement dit, il ressort de la liste des membres énoncée à l’article 6 précité que les adhérents “collectifs” de l’association, terme équivoque, sont en réalité des personnes physiques qui adhèrent en leur qualité de responsables au sein d’une copropriété, à la différence des simples copropriétaires qui n’y ont pas de  responsabilité  particulière. Ils n’adhèrent pas au nom et pour le compte d’une personne morale, qui serait alors le membre en titre ; d’ailleurs, les syndicats de copropriété ne figurent nullement dans cette liste. De même, s’ils peuvent adhérer en tant que membre d’un conseil syndical, l’autorisation de l’assemblée générale n’apparaît pas requise. »

 

Nous ajoutons qu’une association de la loi de 1901 ne peut avoir pour membres que des personnes, physiques ou morales. Un conseil syndical, un groupe de copropriétaires, un bureau d’AFUL ne peuvent pas être membres d’une association car ils n’ont pas la personnalité morale. Les collectivités ne peuvent être membres que si elles sont dotées de la personnalité morale.

Une personne physique copropriétaire peut adhérer à une association dédiée en précisant qu’elle est présidente du conseil syndical. Elle demeurera une adhérente à titre indivisuel.

Il est effectivement surprenant de ne pas trouver les syndicats de copropriétaires parmi les adhérents possibles !

 

Nous avons débattu avec les représentants de l’ARC du problème posé par l’illégalité de l’adhésion des conseils syndicaux. L’ARC a toujours maintenu que cette illégalité est couverte par la clause des statuts permettant à un conseil syndical d’adhérer.

 

Se pose alors le problème de savoir si la conception que les dirigeants de l’association se font de la légalité ne ruine pas leur œuvre louable de formation des « personnes généralement démunies de connaissance ». Observation déjà formulée à propos de la notion d’engagement juridique figurant dans l’article 14-3 de la loi de 1965 et du commentaire de l’ARC : « Naturellement le décret a totalement balayé cette notion d’engagement juridique » (in Copropriété : la comptabilité pour tous édition 2005 p. 79)

 

 

 

 

Mise à jour

15/02/2016