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I B U N A L D E
G R A N D E I N S T A N C
E D E P A R I
S
N° RG : 15/14256
N°
MINUTE :
Assignation du : 24 août 2015
JUGEMENT
rendu
le 9 février 2016
DEMANDEURS
Madame
Rolande EVRARD
Monsieur Max MORTIER
Monsieur
Jean-Claude BOUILLET
représentés par Maître Héloïse
BAJER PELLET, avocat
au barreau de PARIS, vestiaire #C2140
DEFENDERESSE
ASSOCIATION DES
RESPONSABLES DE COPROPRIETE (ARC)
29, rue Joseph Python 75020 PARIS
représentée par
Maître Frank AIDAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1084
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Laurence GUIBERT, Vice-Président
Président de la formation
Madame Pénélope POSTEL-VINAY, Vice-Président
Madame Elodie GUENNEC, Juge
Assesseurs
assistées de Mathilde ALEXANDRE,
Greffier lors des débats
DÉBATS
A l’audience du 15 décembre 2015 tenue en audience publique
JUGEMENT
Contradictoire.
En premier ressort.
Prononcé publiquement, par mise à
disposition au greffe, les parties
en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article
450 du code de procédure civile.
Signé par Laurence
GUIBERT, Président et par Mathilde ALEXANDRE, greffier, auquel la minute de
la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
L’Association des responsables de
copropriété (ci-après ARC) est une association sans but lucratif régie
par la loi du 1er juillet 1901 qui a pour but de défendre, aider et assister
ses adhérents.
Madame Rolande EVRARD est copropriétaire d’un
appartement situé à La Cascadelle à COGOLIN (83).
Elle a été élue présidente du conseil syndical
de cet immeuble le 29 mai 2012. Elle a adhéré à l’ARC et a été élue administratrice
par l’assemblée générale des adhérents le 29 septembre 2014 puis vice-présidente.
Monsieur Jean-Claude BOUILLET est
copropriétaire d’un
appartement situé rue de Montreuil à PARIS dans
le XIème arrondissement. Il a été
élu syndic bénévole par l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires de l’immeuble le 4 mars
2014. Il a adhéré
à l’ARC et a
été élu pour deux ans administrateur le 29 septembre 2014, puis président du conseil d’administration.
Monsieur Max MORTIER est
copropriétaire d’un appartement situé à
NOGENT-SUR-MARNE (94). Il a été élu
conseiller syndical par l’assemblée générale du syndicat des
copropriétaires de son immeuble
le 27 mai 2014. Il a adhéré à
l’ARC et a été élu administrateur par l’assemblée générale du 29 septembre
2014, puis trésorier.
Lors de la réunion du 27 février 2014,
Monsieur BOUILLET a été révoqué de
ses fonctions de président du conseil d’administration; Monsieur MORTIER et Madame EVRARD ont démissionné de leurs fonctions respectives de
trésorier et vice-président. Estimant que les adhérents de l’ARC n’étaient pas informés
de la réalité de la situation de l’association, ils ont déclaré en mairie une
nouvelle association intitulée Association des Adhérents de l’ARC (ci- après AAA), le 27 mai 2015
(publication au journal officiel du 6 juin 2015), ayant pour objet d’“apporter
tous les éléments d’information permettant
aux adhérents de
l’ARC d’avoir une
meilleure transparence sur
le fonctionnement de leur association et de faire participer les adhérents,
sous forme d’échanges et de proposition, à la vie de celle- ci.” Ils ont créé un blog et un forum sur internet.
La radiation de Messieurs BOUILLET et MORTIER et de Madame EVRARD
a été inscrite à l’ordre du jour de la réunion du conseil d’administration de
l’ARC du 18 juin 2015 au terme de laquelle la délibération a été adoptée. Ils
ont reçu le lendemain notification par lettre recommandée avec demande d’avis
de réception de leur convocation pour présenter leur défense devant
le bureau de l’ARC le 15
juillet 2015. La radiation des trois adhérents en qualité de membres
a été votée le 17 juillet 2015,
le conseil leur
signifiant l’impossibilité de les maintenir en qualité d’administrateurs.
Leur radiation en tant qu’adhérents
leur a été notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception
du 20 juillet 2015.
Dûment autorisés par ordonnance du 20
août 2015, Messieurs MORTIER et BOUILLET ainsi que Madame EVRARD ont fait
assigner l’ARC à jour fixe,
par acte d’huissier du 24 août
2015, devant le tribunal de
grande instance de Paris.
Postérieurement à cette assignation,
l’ARC a convoqué une assemblée générale ordinaire et une assemblée générale extraordinaire
le 14 octobre 2015 prévoyant à l’ordre du jour un point sur la révocation de
Messieurs MORTIER et BOUILLET et
de Madame EVRARD en qualité d’administrateurs, ainsi qu’une modification des statuts.
Dans leurs conclusions notifiées par
voie électronique le 4 décembre 2015, Messieurs MORTIER et BOUILLET et Madame EVRARD demandent au
tribunal, vu l’article 1134 du code civil, les statuts de l’Association des
Responsables de Copropriété (ARC), les articles 70, 699, 700 et suivants du
code de procédure civile, de :
- les recevoir en
leur action et les déclarer bien fondés ;
- déclarer nulle
et de nul effet la décision prise par le conseil d’administration de
l’Association des Responsables de Copropriété du 17 juillet 2015
en ce qu’elle
a prononcé leur
radiation en qualité de membres de l’association
;
- déclarer nulle
et de nul effet la décision prise par le président de l’Association des Responsables de Copropriété le 17 juillet 2015 en ce qu’elle a prononcé leur révocation
en qualité d’administrateurs de l’association ;
- rétablir les requérants dans
tous leurs droits
attachés à leur qualité de membres et d’administrateurs de
l’Association des Responsables de Copropriété ;
- annuler en
conséquence les décisions prises par le conseil d’administration
postérieurement à l’éviction des requérants, et notamment la convocation
irrégulière des assemblées générales ordinaires et extraordinaires du
14 octobre 2015
qui devront être
jugées nulles et de nul effet ;
-
condamner l’Association des Responsables de copropriété à payer
à chacun des requérants une somme de 2 000 euros à titre de dommages
et intérêts ;
- ordonner la
publication du jugement à intervenir sur
la page d’accueil du site internet de
l’Association des Responsables de Copropriété sous huitaine à compter de la mise à
disposition de la décision à intervenir
;
- dire l’ARC
irrecevable en ses demandes reconventionnelles ;
- débouter la
défenderesse de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- ordonner
l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;
- condamner
l’Association des Responsables de Copropriété à leur payer une
somme de 8.000
euros en application de l’article 700
du code de procédure civile ;
- condamner l’Association des Responsables de Copropriété en tous les dépens, dont distraction au
profit de Maître Héloïse BAJER - PELLET.
En réponse au moyen d’irrecevabilité soulevé par la défenderesse, les demandeurs soutiennent qu’ils ont
été révoqués en leur qualité de membres collectifs pour des faits que
l’association leur reproche personnellement et non pas en tant que
représentants légaux de leurs copropriétés respectives. En tout état de
cause, ils soutiennent agir également, dans le cadre de la présente instance,
en leur qualité d’administrateurs.
Sur le fond, ils demandent
l’annulation de la délibération du conseil d’administration du 17 juillet
2015 en ce qu’elle a prononcé leur radiation en qualité d’adhérents de
l’association et en ce qu’elle en a déduit,
irrégulièrement, leur révocation en qualité d’administrateurs. Ils demandent également le prononcé de
la nullité des mesures prises postérieurement par le conseil d’administration, n’étant pas
convoqués aux réunions.
Les demandeurs soutiennent tout
d’abord n’avoir pas été informés de
la nature précise de la prétendue faute
grave qui leur
était reprochée par le
conseil d’administration, notamment dans
le courrier de
convocation, ce qui les
a empêchés de préparer et de présenter leur défense. La seule référence au procès-verbal de la réunion
dudit conseil du 18 juin 2015
au cours de laquelle aurait
été discuté le rôle de l’association AAA est
selon eux insuffisant, ce d’autant qu’il n’est pas possible de leur reprocher les faits prétendument commis par un tiers, même
s’il s’agit d’une personne morale. Ils ajoutent ne pas s’être
fait communiquer les pièces à charge, soulignent que la
décision de radiation n’est pas motivée et ne fait mention d’aucune faute caractérisée.
S’agissant de la décision de les
révoquer de leur qualité d’administrateurs,
qui, selon le conseil d’administration, découlerait de leur perte de qualité de membres, Madame EVRARD, Monsieur
MORTIER et Monsieur BOUILLET concluent
à un détournement de la procédure qui a simplement eu pour effet
de débarrasser le président
de leur opposition au sein
du conseil d’administration. Or,
ils estiment qu’en application de l’article 11 des statuts, seuls les mandants peuvent révoquer leurs mandataires : la révocation d’un
administrateur relève donc de la seule compétence de l’assemblée générale des adhérents qui les
a élus. Ils ajoutent ne pas avoir
non plus eu l’occasion de présenter
leurs arguments sur la question de leur révocation en qualité
d’administrateurs, qui n’a pas été portée à l’ordre du jour. Ils concluent que rien dans
les statuts ne prévoyait, à cette date, que la qualité de membre
conditionnait le maintien de la qualité d’administrateur, la modification
ayant été apportée opportunément dans les statuts après l’introduction de l’instance.
Quant à l’argument selon lequel
l’assemblée générale ordinaire des adhérents aurait régularisé leur
révocation par un vote le 14 octobre 2015,
les trois demandeurs notent que cette
assemblée a été convoquée par une décision
irrégulière du conseil d’administration puisqu’ils n’ont pu y prendre part.
Les
demandeurs soutiennent que
les décisions prises ultérieurement par l’ARC sont nulles et estiment être recevables à agir pour
en solliciter l’annulation, leur réintégration en qualité d’administrateurs devant
être actée rétroactivement par le tribunal. Ils considèrent en outre que l’ensemble des décisions prises
postérieurement à leur éviction par le conseil d’administration devront être
considérées comme nulles car prises en violation des dispositions de l’article 11 des statuts, le conseil
d’administration n’étant plus constitué des douze membres minimum requis.
Ils
considèrent que les
assemblées générales du
14 octobre 2015
ont été précédées de la diffusion d’informations déloyales voire
diffamatoires à leur encontre alors qu’ils ne pouvaient pas présenter
leur défense et que ces assemblées ont présenté des vices de forme et de fond.
Ils invoquent un préjudice matériel
(privation des services de l’ARC)
et moral (publication des décisions et accusations publiques graves) qui
illustre, selon eux,
une réelle volonté de nuire de
l’ARC à leur
égard. Ils demandent encore
la publication de la décision sur la page internet de l’association.
Ils soutiennent en outre que la
demande reconventionnelle de l’association défenderesse serait irrecevable
sur le fondement des dispositions de l’article 70 du code de procédure
civile, ne présentant pas de lien suffisant avec leurs propres prétentions.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 novembre 2015, l’Association des
Responsables de Copropriété (ARC) demande au tribunal, vu l’article
55 du décret
n° 55-223 du 17 mars 1967,
l’article 122 du code de procédure civile, les articles 1123,
1156, 1165 et 1382 du code civil,
l’article 1er de la loi du
1er juillet 1901, de :
A titre principal :
- dire et juger
Madame EVRARD et Messieurs BOUILLET et
MORTIER irrecevables à agir en
contestation de la
radiation par l’ARC des syndicats de
copropriétaires, adhérents collectifs, qu’ils représentaient auprès de cette
association et ce, pour défaut de qualité
à agir (Madame EVRARD et Monsieur MORTIER) et défaut d’autorisation donnée
par l’assemblée générale des copropriétaires (Monsieur BOUILLET) ;
- dire et juger
qu’ils sont irrecevables à agir en annulation des assemblées générales de l’ARC en date du 14 octobre 2015 pour défaut de qualité à agir ;
Subsidiairement :
- dire et juger
Madame EVRARD et Messieurs BOUILLET et
MORTIER mal fondés en leur action ;
En tout état de cause :
- les débouter de
toutes leurs demandes fins et conclusions
;
-
dire et juger qu’ils ont engagé leur responsabilité à son égard en
s’appropriant les coordonnées de ses adhérents sans son autorisation et en diffusant auprès
de chacun d’eux
des propos dénigrant l’ARC via un site Internet dit « AAA » ;
- condamner solidairement Madame EVRARD, Messieurs BOUILLET
et MORTIER à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de
dommages-intérêts ;
- faire
interdiction à Madame EVRARD et Messieurs BOUILLET
et MORTIER d’utiliser les
coordonnées de ses
adhérents de quelque façon et à quelque
fin que ce soit et ce, sous astreinte provisoire de 50 euros par infraction constatée ;
- dire et juger
que la Juridiction de céans demeurera compétente pour la liquidation de cette astreinte ;
- ordonner
l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;
- condamner
solidairement les demandeurs à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de
l’article 700 du code de procédure civile
;
- les condamner
sous la même solidarité en tous les dépens dont le montant pourra être recouvré directement par Maître Frank
AÏDAN par application de
l’article 699 du code de procédure civile.
L’ARC soulève en premier lieu
l’irrecevabilité de l’action des demandeurs
pour défaut de qualité et de droit
d’agir pour le compte des syndicats de copropriété adhérents
collectifs de l’ARC. Elle soutient que les demandeurs ne sont pas
personnellement des “adhérents collectifs”puisque l’article 6 des statuts
indique que l’adhésion se fait pour le compte
des personnes morales qu’ils représentent. Ainsi, l’ARC considère que Madame EVRARD et Monsieur MORTIER ont adhéré pour le compte des
syndicats de copropriétaires dont ils sont
membres et que ces derniers ont seul qualité pour agir en justice.
Quant à Monsieur BOUILLET, syndic
bénévole, il ne dit pas agir au nom et pour le compte du syndicat des
copropriétaires et ne justifie pas avoir été autorisé par l’assemblée
générale. Il est donc, selon l’ARC,
dépourvu du droit d’agir. Enfin, la distinction entre demandeur- adhérent et
demandeur-administrateur est, selon elle, sans portée.
Subsidiairement, l’ARC
conclut au mal
fondé de l’action. Elle estime que la
procédure de radiation en tant qu’adhérents est régulière puisqu’ils ont
été amplement informés des raisons pour
lesquelles une procédure de radiation était
envisagée à leur encontre lors de la réunion
du conseil d’administration du 18 juin 2015. Elle ajoute qu’ils ont ensuite
été informés du motif retenu à l’appui de la décision de radiation votée le
17 juillet 2015.
L’ARC ajoute que la décision de les
révoquer de leurs fonctions d’administrateurs est également régulière et a été
prononcée à une
large majorité lors de
l’assemblée générale des
adhérents du 14 octobre 2015, après qu’ils aient été exclus du
conseil d’administration.
S’agissant des demandes de nullité des
décisions prises postérieurement à
la radiation, l’ARC soutient que n’étant que trois, leur présence et leur
vote éventuel n’auraient pas été susceptibles d’influer sur la régularité des décisions. En outre, elle
rappelle que les dispositions de l’article 11 des
statuts prévoient que le nombre de membres du conseil d’administration peut
être, dans des cas bien définis, inférieur à
douze.
En réponse à la demande d’annulation
des assemblées générales du 14 octobre 2015, l’ARC soulève tout d’abord
l’irrecevabilité pour défaut de qualité à agir des demandeurs qui ne sont
plus adhérents à cette date. Subsidiairement, elle
note que cette
demande est mal
fondée, contestant le caractère déloyal des informations diffusées et
les irrégularités de forme comme de fond, dénoncées.
L’ARC
demande réparation pour
le préjudice qu’elle a subi du fait de l’agissement des demandeurs et
entend solliciter qu’il leur soit fait interdiction de poursuivre l’exploitation
irrégulière de son fichier d’adhérents.
MOTIVATION
- Sur la recevabilité de Messieurs
MORTIER et BOUILLET et de Madame EVRARD
Aux
termes des dispositions de l’article 31
du code de
procédure civile, l'action est
ouverte à tous
ceux qui ont
un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous
réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir
aux seules personnes qu'elle qualifie pour
élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L’article 122 du code
de procédure civile
dispose que constitue une fin de
non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en
sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le
défaut d'intérêt, la
prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux
termes des dispositions de l’article 6 des statuts :
“l’association est composée de
membres adhérents et de membres honoraires. [...] Les membres adhérents
appartiennent à deux collèges :
A) le collège des adhérents collectifs Sont adhérents collectifs :
les conseils syndicaux ;
les syndics non professionnels de
copropriété ;
le représentant d’un groupe de
copropriétaires ;
les bureaux des associations
syndicales de propriétaires ;
les bureaux des associations foncières
urbaines libres ;
le représentant des sociétés civiles
immobilières d’attribution ;
le représentant des collectivités et
leurs organismes de gestion ;
ainsi que les catégories nouvelles qui
viendraient à être créées ; étant entendu que
le conseil d’administration est habilité à décider des conditions d’admission à
l’association en application de l’article 12 alinéa 7 des présents statuts.
Chaque adhérent collectif ne peut se faire
représenter que par une seule personne physique désignée par lui.
B) le collège des adhérents individuels
Sont
adhérents individuels tous
les copropriétaires d’un immeuble bâti, les colotis, les membres d’une
A.S.L. (association syndicale libre) ou d’une A.F.U.L. (association foncière urbaine libre), les associés d’une S.C.I. d’attribution.”
Autrement dit, il
ressort de la liste des membres énoncée à l’article 6 précité que
les adhérents “collectifs” de l’association, terme
équivoque, sont en réalité des personnes physiques qui adhèrent en leur qualité
de responsables au sein d’une copropriété, à la différence des simples
copropriétaires qui n’y
ont pas de
responsabilité particulière.
Ils n’adhèrent pas au nom et pour le compte d’une
personne morale, qui serait alors le membre en titre ; d’ailleurs, les
syndicats de copropriété ne figurent nullement dans
cette liste. De même, s’ils
peuvent adhérer en tant
que membre d’un
conseil syndical, l’autorisation de l’assemblée
générale n’apparaît pas requise.
En l’espèce, Madame Rolande EVRARD
justifie, au moyen du compte-rendu de la réunion n°1
du conseil syndical du 31 mai
2012 de l’immeuble situé à COGOLIN - les Marines de COGOLIN, au
sein duquel elle est propriétaire en indivision de trois lots, avoir été élue
présidente du conseil syndical. C’est en cette qualité qu’elle a adhéré
à l’ARC ainsi qu’en témoigne l’appel à cotisations versé aux débats.
De même, Monsieur Max MORTIER
démontre avoir été
élu le 27 mai 2014 conseiller
syndical par l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires de
l’immeuble situé à NOGENT-SUR-MARNE, dans lequel il est propriétaire d’un appartement. C’est
également en sa qualité de membre du conseil syndical
qu’il a adhéré à l’ARC et qu’il
fait ainsi partie du collège des adhérents
“collectifs”.
Enfin, Monsieur Jean-Claude BOUILLET a, quant à lui, été élu syndic bénévole par l’assemblée
générale du syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé dans le XIème arrondissement de PARIS, dans
lequel il est copropriétaire d’un appartement. Il fait donc partie
du collège des membres collectifs, adhérent en
qualité de syndic bénévole de l’immeuble.
Par conséquent, n’agissant nullement au
nom et pour le compte de personnes morales dont l’autorisation pour agir en
justice aurait été requise préalablement à l’introduction de l’instance,
Messieurs MORTIER et BOUILLET ainsi
que Madame EVRARD
seront déclarés recevables
en leurs demandes.
- Sur la
demande d’annulation de la délibération du conseil d’administration de l’ARC
du 17 juillet 2015
Aux termes des dispositions de
l’article 7 des statuts de l’association:
“ la qualité de membre se perd par :
démission ;
non paiement de la cotisation annuelle
après relance ;
disparition des membres ;
radiation prononcée par le conseil d’administration pour motif grave nuisant à la renommée de
l’association, à son image ou à son développement. Dans ce cas, le membre concerné
est préalablement convoqué par lettre recommandée avec AR
avec un délai
d’au minimum quatorze
jours de date à date, afin de lui permettre de présenter sa défense au bureau. La décision du
conseil est sans appel.”
Il est
constant qu’au sein
d’une association, une
procédure disciplinaire
pouvant conduire à l’exclusion du sociétaire doit respecter les droits de la
défense.
Il en résulte que la lettre
par laquelle une association convoque l'un de ses membres en
vue de son exclusion doit faire apparaître les griefs précis formulés à l'encontre de l'intéressé, condition nécessaire pour lui permettre de présenter utilement sa défense devant
l'organe disciplinaire
de l'association. La décision prise
doit ensuite être
motivée, le tribunal de grande instance étant
compétent pour vérifier le respect de la procédure statutairement prévue et
des droits de la défense.
En l’espèce,
le courrier du 18 juin 2015 au terme duquel Madame EVRARD, Monsieur BOUILLET et Monsieur MORTIER ont été
informés de ce qu’une procédure de radiation en tant que membres de l’association était engagée à leur
encontre et qu’ils étaient invités à se
présenter le 15 juillet 2015 au siège de l’association afin de présenter leur
défense devant le bureau, ne comporte aucune énonciation des griefs qui leur
sont reprochés.
En effet, le courrier adressé à chacun
des membres mentionne :
“j’ai l’honneur de vous faire
savoir que le conseil d’administration de notre association, au cours de sa
réunion du 18 juin 2015, a décidé de statuer sur le maintien de votre qualité
de membre de l’ARC pour motif grave nuisant à la renommée de l’Association et
à son image.
En application de l’article 7 de nos
statuts, vous êtes invité à vous présenter le mercredi 15 juillet 2015
à 14 heures précises au
siège de notre association, 29 rue Joseph Python, 75020 Paris afin de
présenter votre défense devant le bureau de l’Association. Je vous rappelle
que la décision du conseil est sans appel”.
Cette
absence d’énoncé précis
des griefs reprochés et de qualification du “motif grave” invoqué a été mis
en exergue par
les demandeurs ainsi concernés par trois courriers
qu’ils ont adressés le 10 juillet 2015, indiquant être dans l’impossibilité de préparer leur défense et ajoutant
qu’aucun élément à charge n’était par ailleurs soumis à leur consultation. Il apparaît qu’aucune suite n’a été
donnée à ce courrier avant la réunion du bureau.
Or, l’article 7 précité des statuts
prévoit que la radiation ne peut intervenir que pour motifs graves, ce qui
implique que ceux-ci ne procèdent pas d’un simple énoncé mais d’éléments
factuels circonstanciés susceptibles de les caractériser, permettant une
discussion dans le cadre d’un débat contradictoire.
Certes, Madame EVRARD, Monsieur BOUILLET et Monsieur MORTIER, par
ailleurs administrateurs de l’ARC, étaient présents lors de la réunion du conseil d’administration du 18 juin
2015 à laquelle il est fait référence dans le courrier de convocation,
l’ordre du jour de cette réunion comportant un point 4 intitulé “radiation, conformément à l’article 7 des statuts, de Jean-Claude BOUILLET, Rolande EVRARD et
Max MORTIER”.
Cependant, cette résolution, soumise
au vote des administrateurs, n’a été directement précédée que de quelques échanges
généraux qui ne concernaient que le comportement des intéressés en tant
qu’administrateurs de l’ARC, et ne reprenaient donc aucunement les griefs justifiant le déclenchement d’une
procédure de radiation en tant que membres
de l’association.
L’ARC ne saurait
se prévaloir de manière plus générale des
échanges survenus dans le cadre de l’examen des autres points
fixés à l’ordre du jour de cette réunion, non expressément liés au vote
concernant la procédure de radiation des intéressés. La lecture de ce procès-verbal, par ailleurs non annexé à leur
convocation, n’est donc pas de nature à
les éclairer utilement sur les faits en lien direct
avec la procédure disciplinaire
soumise au vote.
Il s’avère, en tout état de cause, que la
liste des reproches finalement retenus à l’encontre des trois demandeurs dépasse les sujets
isolément abordés lors de
cette réunion. En
effet, dans un
email adressé par
l’ARC à ses
adhérents le 2 octobre 2015,
le président de l’association, revenant sur la radiation des
trois intéressés en tant qu’adhérents, a pu indiquer :
“les radiés disent, innocemment, ne pas savoir
pour quelle raison ils ont
été radiés!
Rafraîchissons-leur la mémoire:
- une direction
autoritaire et un mépris des membres du CA durant le règne de Monsieur
BOUILLET, entraînant même un conflit physique en pleine séance!
- le non
respect de décision majoritaire du CA par le Président
et la vice-présidente;
- la
volonté de briser,
coûte que coûte
un homme qui
avait osé tenir tête au président;
- un comportement irresponsable ayant entraîné une pétition du
personnel;
- la création d’un site et association reprenant le nom de l’ARC
sans autorisation, à la hussarde, au mépris des statuts;
- l’utilisation,
à des fins personnelles du fichier des adhérents malgré une mise en garde et
un rappel à l’ordre, suite au mécontentement
de nombreux adhérents de l’utilisation de leur adresse mail par un inconnu sans leur permission;
- ’usage
destructeur pour l’ARC, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des diatribes et désinformations véhiculées
par leur site AAA.
Pour ne pas envenimer les choses vis à
vis de l’extérieur, tous ces
éléments ont été regroupés sous l’intitulé pudique “motif grave nuisant à la
renommée de l’association et à son image”.
De fait, si l’association, au sein de
laquelle régnait manifestement un climat conflictuel depuis
plusieurs mois, avait
effectivement des griefs à reprocher aux intéressés qu’elle s’efforce d’étayer devant la présente juridiction, cela ne la
dispensait pas, au stade de la mise en œuvre effective de la procédure de radiation, de leur notifier personnellement et précisément les
faits qui leur
étaient reprochés pouvant être qualifiés de “motif
grave nuisant à la renommée de l’association, à son image ou à son développement”.
Le compte-rendu de la réunion du bureau
du 15 juillet 2015, outre le fait qu’il n’est
pas signé, ne peut valoir
« énoncé des griefs ». En effet, une telle notification ne peut intervenir qu’en
amont de l’entretien au cours duquel les
personnes concernées par la procédure sont appelées à présenter leur défense.
Enfin, et au surplus, on ne peut que constater que le courrier notifié aux
intéressés le 20 juillet 2015, leur rapportant la décision prise par le
conseil d’administration, ne comporte pas de
motivation.
Par conséquent, il y a lieu de
considérer que la radiation de Madame EVRARD, Monsieur BOUILLET et Monsieur MORTIER en tant que membres a été prise
par le conseil d’administration le 17 juillet 2015
au terme d’une procédure irrégulière en la forme, si bien qu’elle doit être annulée.
Ils seront donc rétablis en leur qualité de membres de l’association.
Par ailleurs, il est constant que le président du conseil d’administration a considéré, au terme de cette réunion, que la radiation des demandeurs en tant que membres de l’association emportait leur
exclusion du conseil d’administration. Une
note en ce sens leur
a été remise
le même jour.
Cette décision, si tant est que le
conseil d’administration ait eu la moindre compétence pour l’acter, ne
reposait que sur l’éviction préalable des intéressés en qualité de membres de
l’association. L’annulation de la première décision emporte donc la nullité
de la seconde, qui sera également prononcée.
- Sur la
demande d’annulation des décisions prises par le conseil d’administration
postérieurement à leur éviction et sur l’annulation des assemblées générales ordinaires et extraordinaires du 14 octobre 2015 ayant
voté sur leur destitution en tant qu’administrateurs
A titre préliminaire, Madame EVRARD,
Monsieur BOUILLET et Monsieur MORTIER doivent être déclarés recevables à agir en nullité des assemblées réunies postérieurement à leur exclusion prononcée par le
conseil d’administration le 17 juillet 2015, puisqu’ils contestent à raison,
aux termes de la présente procédure, la dite radiation.
Pour
autant, le tribunal ne peut statuer par voie de disposition générale et prononcer, par principe, la
nullité de toutes les réunions du conseil d’administration tenues postérieurement à l’exclusion des
intéressés qui doivent présenter des demandes précises.
En l’occurrence, les demandeurs ne peuvent arguer
du seul fait que le conseil d’administration aurait été réuni
à neuf membres postérieurement à leur
exclusion, contrairement à
l’article 11 des statuts qui impose un minimum de douze
membres, sans faire état de délibérations et de réunions précisément datées.
Ainsi, ils ne précisent pas au terme
de quelle réunion du conseil d’administration la convocation des assemblées
générales ordinaire et
extraordinaire du 14 octobre 2015 aurait été décidée, si bien que la demande
d’annulation de la délibération des administrateurs décidant de cette
convocation, sans davantage de précision, doit être rejetée.
En outre, il sera souligné que l’assemblée générale est convoquée, aux termes des dispositions de l’article
19 des statuts de l’association, par son président.
De fait, deux
assemblées générales, ordinaire et extraordinaire, ont été
convoquées par le président de l’association pour le 14 octobre 2015.
A l’ordre du jour de la réunion de
l’assemblée générale ordinaire du 14 octobre 2015 figure au point
n°5 “la destitution du poste d’administrateur de Madame Rolande EVRARD et
de Messieurs BOUILLET et MORTIER”.
Le document
d’information diffusé aux adhérents de l’association précise en effet : “suite
aux agissements défavorables à notre association de trois adhérents de l’ARC,
impliquant de facto l’impossibilité pour ces
trois adhérents - conformément aux statuts - de
maintenir leurs fonctions d’administrateurs de l’ARC ces trois adhérents contestent,
devant la justice,
leur radiation en
tant qu’adhérent et leur perte de qualité de membre
du CA. [...] Pour être en parfaite conformité, ce vote sera
formalisé par une résolution. Pour pallier un vide juridique de nos statuts, le conseil d’administration vous demande de vous prononcer sur leur révocation en tant que
membre du conseil d’administration. Le conseil d’administration est actuellement
de 9 membres dont un président, deux vice-présidents, un trésorier et un secrétaire.”
Leur révocation a été adoptée à la
majorité après qu’ils aient été simplement “invités” à s’y présenter,
sans être régulièrement convoqués, et qu’ils soient successivement intervenus
devant les adhérents pour prendre la parole.
S’agissant de l’assemblée générale extraordinaire du 14 octobre 2015, les adhérents, à l’exclusion des
trois demandeurs, ont été convoqués afin que soit
soumise à leur
vote une modification statutaire portant sur le
fait qu’une radiation en temps que
membre entraîne automatiquement celle en tant qu’administrateur, le nouvel article
11 étant ainsi
rédigé : “la perte de la
qualité de membre de l’association, entraîne immédiatement celle d’administrateur”.
La radiation de Monsieur BOUILLET, MORTIER et de Madame EVRARD en leur qualité de membres de l’association étant
annulée et ces derniers étant
rétablis dans leurs droits, il y a lieu de considérer qu’ils auraient dû être
convoqués aux deux assemblées générales contestées conformément aux
dispositions statutaires, et être mis en mesure de prendre part aux votes, ce
qui n’a pas été le cas.
Par
conséquent, les délibérations qui ont été adoptées lors de ces deux
réunions de l’assemblée générale du 14 octobre 2015 doivent être déclarées nulles.
- Sur
la demande de dommages-intérêts de Madame EVRARD, Monsieur BOUILLET et Monsieur MORTIER
N’ayant pas été mis en mesure de
présenter leur défense, dans le cadre de la procédure tenue devant
le conseil d’administration le 17 juillet 2015 statuant sur leur
radiation en tant que membres de l’association, Madame EVRARD, Monsieur BOUILLET et Monsieur MORTIER ont subi un préjudice qu’il convient de
réparer par l’allocation d’une indemnité de 1.000 euros
à chacun, étant
rappelé que l’annulation
de ces décisions d’exclusion est motivée par un vice de forme.
- Sur la demande reconventionnelle de l’ARC
L’association des responsables de
copropriétés demande la condamnation de Madame EVRARD, Monsieur BOUILLET et Monsieur MORTIER à lui
verser la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du
préjudice qu’elle a subi en raison
de l’appropriation et de l’utilisation par les demandeurs des coordonnées de ses adhérents sans son autorisation et de la diffusion de propos dénigrants via le site
internet de l’association AAA. Elle demande encore à ce qu’il leur soit fait
interdiction pour l’avenir d’utiliser cette base de quelque façon que ce soit
sous astreinte.
Cependant, outre le fait que les deux
demandes formulées par l’association ne se rattachent pas aux prétentions
originaires, qui concernent la régularité des procédures d’exclusion en tant que
membres et administrateurs de l’association des
responsables de copropriété, par un lien suffisant au sens de l’article 70 du code de
procédure civile, il sera souligné que les fautes avancées ont été
prétendument commises par l’association AAA qui n’est pas dans la cause.
L’association ARC sera donc déclarée
irrecevable en ses demandes reconventionnelles.
- Sur les demandes annexes
La demande de publication de la présente décision, dont le fondement
n’est pas précisé, ne peut prospérer, Messieurs BOUILLET et MORTIER et Madame EVRARD ne justifiant pas d’un
préjudice susceptible d’être réparé par la mesure sollicitée.
Succombant à titre principal,
l’Association des Responsables de Copropriété sera condamnée aux
dépens de l’instance dont distraction
au profit de Maître BAJER-PELLET sur le fondement des dispositions
de l’article 699 du code de procédure civile.
Supportant les dépens, elle
sera condamnée à payer
aux demandeurs la somme de 2.000 euros
sur le fondement des dispositions de
l’article 700 du code de
procédure civile.
L’exécution provisoire, compatible
avec la nature de l’affaire, sera ordonnée.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
Déclare Messieurs Jean-Claude BOUILLET, Max MORTIER et Madame Rolande
EVRARD recevables en leurs demandes tant principales qu’additionnelles ;
Déclare l’Association des Responsables de Copropriété irrecevable en ses demandes reconventionnelles ;
Annule la décision de
radiation de Messieurs Jean-Claude BOUILLET, Max MORTIER et Madame Rolande
EVRARD en leur qualité de membre de l’association prise par le conseil
d’administration de l’Association des Responsables de Copropriété le 17
juillet 2015 ;
Déclare nulle l’exclusion de Messieurs Jean-Claude BOUILLET, Max MORTIER et Madame Rolande EVRARD en
leur qualité d’administrateurs prise par
le président du
Conseil d’Administration de l’association le 17 juillet 2015 ;
Annule les délibérations adoptées dans
le cadre des assemblées générales ordinaire et extraordinaire du 14 octobre
2015 ;
Ordonne leur rétablissement en
tant que membres et administrateurs de l’Association des Responsables de
Copropriété ;
Déboute Messieurs Jean-Claude
BOUILLET, Max MORTIER et Madame Rolande EVRARD
de leurs demandes tendant à ce que toutes les décisions prises
postérieurement au 17 juillet 2015 par le conseil d’administration de l’ARC
soient déclarées nulles ;
Condamne l’Association des
Responsables de Copropriété à payer à
Messieurs Jean-Claude BOUILLET, Max
MORTIER et Madame Rolande EVRARD la somme de 1.000 euros (mille euros) à
chacun à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice ;
Déboute les parties de leurs demandes
plus amples ou contraires ;
Condamne l’Association des Responsables de Copropriété aux dépens
de l’instance dont distraction au profit de Maître BAJER-PELLET ;
Condamne l’Association des
Responsables de Copropriété à payer à Messieurs Jean-Claude BOUILLET, Max MORTIER et Madame Rolande EVRARD
la somme de 2.000 euros
(deux mille euros)
sur le fondement des
dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne l’exécution provisoire de la décision. Fait et jugé à Paris le 9
février 2016
Le Greffier Le Président
M. ALEXANDRE L. GUIBERT
commentaires
Le jugement
rendu le 9 février 2016 est la troisième décision générée par la situation
conflictuelle qui affecte les instances dirigeantes de l’Association des
responsables de copropriété (ARC) depuis bientôt une année.
La première
est une ordonnance de référé de M le Président du TGI de Montpellier rendue
sur une assignation à la demande de Mr F.B., ancien salarié de l’ARC devenu
après son licenciement gestionnaire de copropriété chez un administrateur de
biens montpelliérain, dirigée contre l’ARC Languedoc, l’ARC Paris et M Dhont,
dirigeant bien connu de l’ARC.
Elle
faisait suite à la publication de deux articles dans le site Internet de
l’ARC, peu aimables pour l’ancien collaborateur de l’association, passé en
quelque sort à l’ennemi, et pour son employeur. L’ARC avait refusé un droit
de réponse.
L’ordonnance
a été particulièrement sévère.
Après avoir
constaté l’existence de troubles manifestement illicites, le Magistrat a
condamné l’ARC à supprimer les deux articles litigieux figurant dans son site
Internet.
Il a
ordonné la publication dans le site internet de l’ARC d’un avis dont le texte
figure dans l’ordonnance.
Il a ordonné également la
publication d’un droit de réponse pour Mr F.B. et d’un autre pour son employeur.
Et en outre ordonné la
diffusion d’un avis à tous les adhérents de l’ARC !
Le tout avec exécution
provisoire.
L’ARC et M Dhont ont fait
appel de cette ordonnance mais également saisi M le Premier Président de la
Cour d’appel de Montpellier d’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire.
La seconde décision est
l’Ordonnance rendue par M. le Premier Président le 12 novembre 2014.
Les requérants avaient bien
entendu invoqué les dispositions de l’article 12 du Code de procédure civile
et un certain nombre de vices procéduraux susceptibles à leurs yeux
d’envisager une heureuse issue devant la Cour d’appel statuant plus tard au
fond, et justifier une suspension de l’exécution des condamnations, très
lourdes il est vrai, prononcées le 5 juin 2014.
Divine
surprise pour l’ARC !
Monsieur
le Premier Président rappelle d’emblée que la diffamation restreint la
liberté d’expression et qu’elle porte atteinte à l’article 10 de la
Convention européenne des Droits de l’Homme. « Dès lors, dans les règles
applicables au sens de l’article 12 du Code de procédure civile s’intègre
nécessairement la jurisprudence de la Cour EDH quant à l’application de
l’article 10 de la Convention EDH ; »
« En
outre les oppositions entre les personnes morales en cause découlent d’une
divergence sur les modalités de la prise en charge de la gestion des
copropriétés, l’une souhaitant former des responsables bénévoles pour occuper
des fonctions dans des conseils syndicaux et aussi de syndics tandis que
l’autre appartient à la filière de gestion confiée à des syndics immobiliers
professionnels ; qu’ainsi le litige correspond aussi à un débat
d’intérêt général intéressant, compte tenu des incidences financières, les
copropriétaires de petites copropriétés comportant quelques appartements,
situation affectant une multitude de personnes physiques ; »
On
lit encore :
« Attendu
qu’à ce titre l’ordonnance s’analyse en une « ingérence » dans
l’exercice par les intéressés de leur liberté d’expression, ce qui enfreint l’article
10, sauf si elle est prévue par la loi, dirigée vers un, ou des buts
légitimes au regard du paragraphe 2 et nécessaire dans une société
démocratique pour les atteindre ; »
Viennent à la suite quatre
arrêts de la CEDH, dans ce courant de pensée que l’on retrouvera sans doute
lorsque viendra à l’audience l’affaire du « mur des cons » (photos
de personnalités affichées dans les locaux d’un syndicat de magistrats et
accompagnées de commentaires peu amènes).
La CEDH fait clairement
savoir que les juridictions nationales ne sauraient échapper au contrôle
européen. Il existe un droit européen de la diffamation laissant à certaines
catégories d’intellectuels la faculté d’exprimer des informations ou idées
qui heurtent, choquent ou inquiètent. « Ainsi le veulent le pluralisme,
la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de société
démocratique ».
On revient au droit avec
l’examen d’un argument présenté par l’ARC : la possibilité pour les
personnes poursuivies à raison de propos qu’elles ont tenus sur un sujet
d’intérêt général de pouvoir s’exonérer de leur responsabilité en établissant
leur bonne foi et, s’agissant de faits, en prouvant la véracité de ceux-ci.
Sur ce dernier point, le bon sens l’emporte heureusement : il ne peut y
avoir diffamation à imputer à une personne des faits qui sont exacts !
Sur ce point important le
Premier Président rappelle que l’ordonnance mentionne « que les pièces
versées à l’appui de l’offre de preuve, notamment deux e-mails du 7 et du 11
février 2014 ne peuvent suffire à emporter la conviction du juge des référés
quant à la véracité des faits qualifiés de diffamatoires ou à justifier la
teneur des propos litigieux et ainsi faire obstacle à cette qualification de
diffamation ».
Il juge ensuite que « si
l’ordonnance a constaté que cette offre de preuve avait été faite dans les
délais prévus aux articles 55 et 56 de la loi du 29 juillet 1881, de même que
l’offre de contre preuve faite par la société X et par Monsieur F.B, elle
n’énonce aucun motif quant au contenu des preuves et contre preuves que de
leur pertinence dans les débats ; »
Sur les conséquences
excessives de l’exécution provisoire, il juge « que l’ampleur et la
durée des diffusions ordonnées, à savoir sur deux adresses Internet plus par
voie de courriels à tous les adhérents de l’ARC Languedoc Roussillon ainsi
que la teneur des textes dont l’insertion est ordonnée affirmant la
commission de diffamation et enfin la suppression corrélative des articles
incriminés sont des mesures de nature à créer un préjudice à l’ARC PARIS,
l’ARC LANGUEDOC ROUSSILLON ainsi qu’à M DHONT. »
« Attendu en effet que les Associations ARC, à but
non lucratif, ont pour objet de soutenir et de venir en aide aux conseils
syndicaux et aux copropriétaires afin de pouvoir rééquilibrer leurs rapports
d’échange avec les syndics professionnels, en sorte que s’agissant d’une aide
apportée à des personnes généralement démunies de connaissance il existe un
risque disproportionné et donc excessif de porter atteinte à la crédibilité
de l’action de ces associations et de M. Dhont qui en est le fondateur. »
L’exécution
provisoire est donc suspendue.
L’affaire viendra
prochainement au fond. De plus nous croyons savoir que les demandeurs à
l’action en diffamation ont formé un pourvoi en cassation contre cette
Ordonnance.
Monsieur le Premier Président
semble avoir oublié qu’il s’agit d’un litige quasiment prud’homal entre M F.
B…, un salarié qui a beaucoup œuvré au nom de l’ARC pour les « personnes
généralement démunies de connaissance », et son ancien employeur incarné
par Monsieur DHONT. Le litige ne correspond pas à un débat d’intérêt général
intéressant l’ensemble de la population française des copropriétaires, sauf à
considérer que le fonctionnement interne de l’ARC, seul
objet réel de la confrontation entre les deux hommes, pourrait
entraîner la disparition de cette association pour le plus grand préjudice de
ses adhérents.
Encore faut-il noter que
l’ARC ne figure pas au rang des associations de consommateurs légalement
agréées au niveau national, faute d’avoir sollicité cet agrément en acceptant
préalablement les contrôles permettant de vérifier qu’elle réunit un
nombre de membres cotisant individuellement au moins égal à 10 000.
Cette option ne lui a pas permis d’être représentée au sein du Conseil
national de la transaction et de la gestion immobilière (CNTGI).
La sagesse commandait sans doute de réduire la portée de
l’exécution provisoire. Comment admettre que la suspension s’applique au
retrait des deux articles incriminés ?
C’est
dans ce contexte qu’apparaît le jugement reproduit ci-dessus rendu la 9
février 2016 par le TGI de Paris.
M.
J. B… n’est pas partie à ce procès, mais l’instance que nous venons d’évoquer
est partiellement à l’origine de la situation conflictuelle qui a abouti à
l’éviction de certains administrateurs.
Ce
jugement annule la décision de radiation de
Messieurs Jean-Claude BOUILLET,
Max MORTIER et Madame Rolande EVRARD en leur qualité de membre de
l’association prise par le conseil d’administration de l’Association des
Responsables de Copropriété le 17 juillet 2015 ;
Il
annule l’exclusion de Messieurs Jean-Claude BOUILLET, Max MORTIER et Madame Rolande EVRARD en leur qualité
d’administrateurs prise par
le président du
Conseil d’Administration de l’association le 17 juillet 2015.
Il
annule les délibérations adoptées dans le cadre des assemblées générales
ordinaire et extraordinaire du 14 octobre 2015 ;
Il
ordonne leur rétablissement en tant que
membres et administrateurs de l’Association des Responsables de Copropriété ;
Il
condamne l’ARC à payer à Messieurs
Jean-Claude BOUILLET, Max MORTIER
et Madame Rolande EVRARD la somme de 1.000 euros (mille euros) à chacun à
titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice ;
Il
condamne l’ARC à payer à Messieurs Jean-Claude BOUILLET, Max MORTIER et Madame Rolande EVRARD la somme
de 2.000 euros
(deux mille euros)
sur le fondement des
dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Il ordonne l’exécution provisoire de la décision.
Le juriste se doit
toujours de faire la réserve de l’infirmation éventuelle d’une décision.
En présence d’une décision
qui paraît solidement charpentée, on s’interroge sur ce qu’aurait jugé M le
Premier Président s’il l’avait connue avant de nous livrer son cours de droit
européen.
Le jugement est facile à
lire. Nous ne commenterons pas dans le détail les faits retenus par le
Tribunal pour sanctionner l’ARC. Nous nous bornons ici à retenir les
indications figurant dans le jugement car nous n’avons pas le moindre
témoignage personnel à présenter.
Nous préférons prendre en
considération les indications données à propos des modalités du recrutement
des adhérents de l’ARC et des conséquences juridiques qu’il en tire.
On lit dans le jugement
qu’aux termes des dispositions de l’article 6 des statuts :
L’association est composée de membres
adhérents et de membres honoraires. [...] Les membres adhérents appartiennent
à deux collèges :
A) le collège des adhérents collectifs ; Sont adhérents
collectifs :
A1 les
conseils syndicaux ;
A2 les
syndics non professionnels de copropriété ;
A3 le
représentant d’un groupe de copropriétaires
;
A5 les
bureaux des associations syndicales de propriétaires ;
A 6 les bureaux
des associations foncières urbaines libres
;
A 7 le
représentant des sociétés civiles immobilières d’attribution ;
A 8 le
représentant des collectivités et leurs organismes de gestion ;
ainsi que
les catégories nouvelles qui viendraient à être créées ; étant entendu
que le conseil
d’administration est habilité à décider des conditions d’admission à
l’association en application de l’article 12 alinéa 7 des présents statuts.
Chaque adhérent collectif ne peut se faire représenter
que par une seule personne physique désignée par lui.
B) le collège des adhérents individuels
Sont adhérents individuels tous les copropriétaires d’un
immeuble bâti, les colotis,
les membres d’une A.S.L. (association syndicale libre) ou d’une A.F.U.L. (association foncière urbaine
libre), les associés d’une S.C.I. d’attribution.”
Le jugement comporte en outre cette
observation :
« Autrement
dit, il ressort de la liste des membres énoncée à l’article 6 précité que
les adhérents “collectifs” de l’association, terme
équivoque, sont en réalité des personnes physiques qui adhèrent en leur qualité
de responsables au sein d’une copropriété, à la différence des simples
copropriétaires qui n’y ont pas de
responsabilité particulière.
Ils n’adhèrent pas au nom et pour le compte d’une personne morale, qui serait alors
le membre en titre ; d’ailleurs, les syndicats de copropriété ne figurent nullement dans cette
liste. De même,
s’ils peuvent adhérer en tant que membre d’un conseil syndical, l’autorisation de l’assemblée générale n’apparaît pas requise. »
Nous ajoutons qu’une
association de la loi de 1901 ne peut avoir pour membres que des personnes, physiques ou morales. Un conseil syndical, un
groupe de copropriétaires, un bureau d’AFUL ne peuvent pas être membres d’une
association car ils n’ont pas la personnalité morale. Les collectivités ne
peuvent être membres que si elles sont dotées de la personnalité morale.
Une personne physique
copropriétaire peut adhérer à une association dédiée en précisant qu’elle est
présidente du conseil syndical. Elle demeurera une adhérente à titre
indivisuel.
Il est effectivement
surprenant de ne pas trouver les syndicats de copropriétaires parmi les
adhérents possibles !
Nous avons débattu avec les
représentants de l’ARC du problème posé par l’illégalité de l’adhésion des
conseils syndicaux. L’ARC a toujours maintenu que cette illégalité est
couverte par la clause des statuts permettant à un conseil syndical
d’adhérer.
Se pose alors le problème de
savoir si la conception que les dirigeants de l’association se font de la
légalité ne ruine pas leur œuvre louable de formation des « personnes
généralement démunies de connaissance ». Observation déjà formulée à
propos de la notion d’engagement juridique figurant dans l’article 14-3 de la
loi de 1965 et du commentaire de
l’ARC : « Naturellement le décret
a totalement balayé cette notion d’engagement juridique » (in
Copropriété : la comptabilité pour tous édition 2005 p. 79)
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